Le pape invite à affronter les défis du 'Dark net'

300 participants au Congrès mondial sur la protection des mineurs sur internet ont été reçu en audience le 6 octobre 2017 par le pape au Vatican. Ce dernier a appelé à un examen de conscience face aux violences sur internet pour les enfants, et incité à ne pas se décourager face aux défis du ‘Dark net’.

Juste avant le discours du pape, un résumé de la Déclaration commune signée à la fin du congrès a été lu par une jeune Irlandaise de 16 ans, au nom des enfants [lire encadré]. Le pape a lui-même apporté le soutien de l’Eglise à cette déclaration qui s’adresse à tous les acteurs.

«Que faisons-nous pour que ces enfants puissent nous regarder en souriant et pour qu’ils conservent un regard limpide, rempli de confiance et d’espérance?», a interrogé le pape au cours de son intervention. «Que faisons-nous pour que cette lumière ne leur soit pas volée, pour que ces yeux ne soient pas troublés et corrompus par ce qu’ils trouvent sur le réseau…».

«Nous devons avoir les yeux ouverts» et ne pas cacher une vérité désagréable, a affirmé le successeur de Pierre. Il a appelé à un «examen de conscience» face à la gravité des problèmes, et dénoncé des phénomènes qui déferlent sur internet comme la pornographie, le harcèlement, jusqu’à la prostitution et le trafic des personnes.

Côté obscur d’internet

Il s’agit, a souligné le pape, du «côté obscur» du réseau numérique mondial – le ‘dark net’ – «où le mal trouve des moyens toujours nouveaux et plus efficaces», pour agir et s’étendre. A côté, a-t-il ajouté, «la vieille diffusion» de la pornographie par la presse était un phénomène de faible dimension.

Face à ce phénomène qui transforme «notre manière même de penser et d’être», qui semble échapper à tout contrôle, «seule la lumière et la force qui viennent de Dieu peuvent nous permettre d’affronter les nouveaux défis», a insisté l’évêque de Rome. Il a ainsi assuré de la disponibilité et de l’engagement de l’Eglise, «devenue toujours plus consciente de ne pas avoir pourvu suffisamment en son sein à la protection des mineurs».

«Nous avons dû reconnaître les responsabilités devant Dieu, les victimes et l’opinion publique», a-t-il soutenu. Et c’est justement en raison de ces expériences dramatiques, qui ont conduit à une «conversion et [une] purification», que l’Eglise se sent aujourd’hui le devoir d’œuvrer de manière «profonde et clairvoyante» pour la protection des mineurs.

Trois erreurs de perspective

Le Souverain pontife a en conséquence énuméré trois erreurs de perspective à éviter. La première consisterait à sous-évaluer «l’impact profond» des images violentes et sexuelles sur les enfants. Cela conduirait, selon lui, à être tenté de dire: «dans le fond la situation n’est peut-être pas si grave…».

Mais pour le pape, les premiers responsables de cette situation sont les adultes. «Ce serait une grave illusion de penser qu’une société dans laquelle la consommation anormale de sexe sur le réseau se répand parmi les adultes soit ensuite capable de protéger efficacement les mineurs».

Refusant de se fier aux seules solutions techniques, comme les filtres, pour endiguer le phénomène, le pape a enfin brisé le tabou d’une vision «idéologique et mythique» d’internet comme étant le règne de la liberté sans limites. «Il ne s’agit pas ici d’un exercice de liberté mais de crimes», a-t-il insisté, d’une corruption de l’esprit et du corps des enfants.

Actions concrètes

Reprenant le texte de la Déclaration commune, le chef de l’Eglise catholique a ainsi exhorté à l’action par des lois adéquates, par le contrôle de la technologie, par la poursuite des coupables de crimes, mais aussi par l’éducation des jeunes et la formation morale.

Pour la première fois, gouvernants, ONG, grandes entreprises, fondations, forces de police de tous les continents étaient réunis à Rome du 3 au 6 octobre pour lancer des actions concrètes. (cath.ch/imedia/ap/gr)


La Déclaration de Rome lance un appel à l’action pour un internet «sûr»

Le développement d’internet a de «nombreux bienfaits», reconnaît la Déclaration de Rome présentée le 6 octobre 2017 au Vatican, à l’issue du congrès sur la ›Dignité de l’enfant dans le monde numérique’, organisé par l’Université pontificale grégorienne. Mais les nouvelles technologies ont aussi un «côté sombre» et choquant qui concerne les abus et l’exploitation des mineurs. Cette Déclaration prône ainsi des «solutions positives» engageant la responsabilité de tous les acteurs, afin de «s’assurer que tous les enfants aient accès à un internet sûr».

1 – Aux leaders mondiaux, afin d’entreprendre une campagne de sensibilisation mondiale pour éduquer et informer les gens du monde entier sur la gravité et l’étendue des abus et de l’exploitation des enfants du monde, et pour les inciter à exiger des actions de la part des dirigeants nationaux.

2 – Aux leaders des grandes religions du monde, afin d’informer et mobiliser les membres de toutes les confessions à se joindre à un mouvement mondial pour protéger les enfants du monde.

3 – Aux parlements du monde, afin d’améliorer leurs lois pour mieux protéger les enfants et rendre responsables ceux qui abusent et exploitent les enfants.

4 – Aux leaders des entreprises technologiques, afin de s’engager dans le développement et la mise en œuvre de nouveaux outils et technologies pour combattre la prolifération des images d’abus sexuels sur internet et interdire la redistribution des images d’enfants victimes identifiés.

5 – Aux ministères de la santé publique du monde et aux dirigeants d’organisations non gouvernementales, afin d’étendre le secours aux enfants victimes et d’améliorer les programmes de soins des victimes d’abus et d’exploitation sexuelle.

6 – Aux organismes gouvernementaux, à la société civile et aux forces de l’ordre, afin d’améliorer la reconnaissance et l’identification des enfants victimes et d’assurer l’aide au nombre important de victimes cachées de la maltraitance et de l’exploitation sexuelle.

7 – Aux organismes d’application de la loi dans le monde, afin d’élargir la coopération régionale et mondiale pour améliorer le partage de l’information dans les enquêtes et d’accroître les efforts de collaboration pour lutter contre ces crimes sans frontière contre les enfants.

8 – Aux institutions médicales mondiales, afin d’améliorer la formation des professionnels de la santé pour identifier les indicateurs d’abus et d’exploitation sexuelle, et pour améliorer les rapports et le traitement de tels abus et exploitation sexuelle.

9 – Aux gouvernements et aux institutions privées, afin d’améliorer les ressources allouées aux professionnels en psychiatrie et aux autres professionnels du traitement pour des services de traitement et de réadaptation élargis en faveur des enfants qui ont été abusés ou exploités.

10 – Aux principales autorités de santé publique, afin d’élargir la recherche sur les répercussions sur la santé de jeunes enfants et d’adolescents de l’exposition à la pornographie visuelle et extrême sur internet.

11 – Aux dirigeants des gouvernements du monde, aux organes législatifs, à l’industrie privée et aux institutions religieuses, afin de plaider pour l’implémentation de techniques pour refuser aux enfants et aux jeunes l’accès à des contenus internet adaptés uniquement aux adultes.

12 – Aux gouvernements, à l’industrie privée et aux institutions religieuses, afin d’entreprendre une campagne de sensibilisation mondiale destinée aux enfants et aux jeunes pour les éduquer et leur fournir les outils nécessaires pour utiliser internet de manière sûre et responsable et éviter les dommages causés à bon nombre de leurs pairs.

13 – Aux gouvernements, à l’industrie privée et aux institutions religieuses, afin d’entreprendre une initiative mondiale d’information pour sensibiliser et rendre conscients les citoyens de tous les pays des problèmes d’abus et d’exploitation sexuelle des enfants, et les encourager à signaler ces abus ou cette exploitation aux autorités compétentes s’ils les voient, les apprennent ou les soupçonnent.

Grégory Roth

Portail catholique suisse

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