Euthanasie: les Frères de la Charité de Belgique réticents face aux directives de Rome

La communauté belge des Frères de la Charité ne va pas renoncer à laisser pratiquer l’euthanasie sur des patients qui résident dans ses centres psychiatriques, malgré les injonctions pressantes du Vatican et la demande de son Supérieur général à Rome, le Frère René Stockman.

La branche belge de la congrégation des Frères de la Charité a en effet décidé de maintenir sa directive sur l’euthanasie, qui fait polémique, rapporte CathoBel, le site officiel de l’Eglise catholique en Belgique francophone.

«Contraire aux principes de base de l’Eglise»

Dans un communiqué de presse du 12 septembre 2017 publié sur son site internet, on peut lire que «l’organisation Les Frères de la Charité continue à défendre son texte d’orientation sur l’euthanasie en cas de souffrances psychiques en phase non terminale».

En mars dernier, la branche belge des Frères de la Charité avait approuvé un texte rendant possible, sous de strictes conditions, l’euthanasie pour des personnes n’étant pas en phase terminale dans la quinzaine de centres psychiatriques gérés par l’ordre. Cette directive avait entraîné, au début août, une réaction du Supérieur général de l’Ordre à Rome. Dans un courrier, il rappelait que l’euthanasie est «contraire aux principes de base de l’Eglise catholique». Il donnait un mois au Provincialat belge pour modifier la position de la communauté en Belgique.

Le pape a pris le dossier en main

Frère René Stockman avait ensuite alerté la Secrétairerie d’Etat du Vatican, la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui avait précisé qu’une euthanasie constitue le «meurtre délibéré moralement inacceptable d’une personne humaine».

 

En date du 10 août 2017, la Salle de presse du Saint-Siège confirmait que le pape avait pris le dossier en main et qu’il a bien demandé à la communauté belge des Frères de la Charité de renoncer à laisser pratiquer l’euthanasie sur des patients qui résident dans leurs centres psychiatriques. Le pape François avait laissé jusqu’au 10 septembre pour avoir une réponse. En clair, la branche belge de l’ordre devait se conformer à l’enseignement de l’Eglise en la matière sous peine d’exclusion.

Maintien de la position

Mardi 12 septembre, lors d’un point presse tenu à l’issue d’une réunion de son conseil d’administration, où ne siègent que trois Frères de la congrégation, le président de l’association «Provincialat des Frères de la Charité» a indiqué que la branche belge des Frères de la Charité maintenait son point de vue autorisant l’euthanasie de patients psychiatriques qui ne sont pas en phase terminale. Le conseil d’administration insistait également sur le fait que cette vision cadre avec l’enseignement de l’Eglise. Un point de vue que le Frère René Stockman avait indiqué ne pas partager.

Aujourd’hui, la branche belge des Frères de la Charité explique pour sa part avoir tenté de trouver une solution afin de mettre fin à la crise, mais sans succès jusqu’à présent. Elle reste cependant ouverte au dialogue et à la concertation. «Nous soulignons que le nouveau texte maintient l’idée selon laquelle la vie mérite d’être défendue et que nous n’adhérons pas purement et simplement à l’argument d’autonomie», explique Raf De Rycke, président de l’association (ASBL) «Provincialat des Frères de la Charité». «Cet avis est né de notre souci d’administrer le meilleur soin possible au patient», argumente-t-il.

«Valeur fondamentale, mais plus absolue»

Selon Axel Liégeois, en charge de l’éthique chez les Frères de la Charité, la protection de la vie demeure «une valeur fondamentale, mais plus absolue». Il insiste par ailleurs sur le fait que la nouvelle éthique a mis la prudence absolue au centre de ses préoccupations. Ces exigences de prudence feront en sorte que les demandes d’euthanasie émanant des patients seront examinées avec encore plus de circonspection qu’auparavant, précise le Provincialat.

Il est ainsi prévu, contrairement aux dispositions de la loi belge sur l’euthanasie, qu’une commission d’évaluation, composée de personnes tant internes qu’externes aux établissements dirigés par les Frères de la Charité, examinera si la décision du médecin répond bien aux exigences de prudence.

«Cinq niveaux de concertation sont également prévus dans l’enquête sur la demande d’euthanasie. Ce qui prend un mois dans la loi euthanasie, prendra ici au moins six mois», a précisé le président. Qui ajoute que le devoir est d’accompagner et d’aider les personnes qui souffrent, et qu’il faut tout mettre en œuvre afin d’éviter d’avoir recours à l’euthanasie. «Mais il existe des cas exceptionnels où l’on se trouve dans une situation sans issue. Je pense alors que l’on peut franchir ce pas et que cela cadre avec les valeurs chrétiennes», a-t-il néanmoins avancé.

Aucun commentaire des évêques belges

Selon Raf De Rycke, cette nouvelle approche devrait conduire dans les faits à une diminution du nombre d’euthanasies. Il concède cependant que tous les établissements de soins réunis au sein de l’ASBL ne sont pas encore prêts. Les médecins et le personnel soignant auront toujours la liberté au sein des établissements des Frères de la Charité de pratiquer l’euthanasie ou pas.

Du côté de la Conférence épiscopale belge, aucun commentaire n’est fait, les évêques de Belgique préférant approfondir le texte. Pour l’heure, ils s’en tiennent à leur communiqué du printemps dernier sur l’euthanasie et la souffrance psychologique. Il n’est pas exclu, suite à cette épreuve de force, que les quinze centres et hôpitaux psychiatriques que dirigent les Frères de la Charité en Belgique perdent leur label «catholique».

Une organisation

De même, si le conseil d’administration affirme avoir pris sa décision «à l’unanimité», cela sous-entend que les trois Frères qui y siègent ont adhéré au point de vue. «Quel sera leur sort ?», se demande Cathobel. «Réponse dans les semaines à venir, car le dossier est loin d’être clos».

De son côté, l’ASBL déclare qu’en tant qu’organisation «nous ne souhaitons pas réagir dans les médias aux décisions prises par les trois Frères. La question qui leur a été posée par le Vatican est une question tout à fait personnelle et individuelle qui ne doit selon nous pas être débattue dans les médias. Nous souhaitons par conséquent demander à tout un chacun de respecter cette décision».

Plus de 12’000 collaborateurs en Flandre

Aujourd’hui les Frères de la Charité gèrent en Belgique plus de 50 écoles pour l’enseignement primaire et secondaire normal et spécial, 15 hôpitaux psychiatriques et 15 centres orthopédagogiques. Les soins aux personnes âgées, les soins de personnes dépendantes, l’économie sociale et des crèches font également partie de leurs activités. En outre, ils sont la force motrice de nombreuses petites initiatives, comme l’accueil de sidéens, de personnes avec des questions existentielles, de défavorisés ou de réfugiés. Au total plus de 12’000 collaborateurs en Flandre et 1’500 en Wallonie procurent des soins et un enseignement à environ 40’000 enfants, jeunes, adultes et personnes âgées. (cath.ch/com/cathobel/jjd/be)

 

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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