Intitulée «Vers l’extrémisme en Afrique: facteurs, motivations et éléments déclencheurs du recrutement», cette enquête a été menée dans le cadre du programme «Prévenir l’extrémisme violent (PVE) en Afrique: une approche axée sur le développement» de l’organisation onusienne. Ce programme du PNUD a été lancé en 2015, afin de prévenir la montée de l’extrémisme violent, et à y faire face partout sur le continent, en mettant l’accent sur le développement.
L’enquête a été menée pendant deux ans auprès de 495 recrues volontaires d’organisations extrémistes religieuses, telles que Al-Shabaab en Somalie, et Boko Haram du Nigeria. Elle fait la synthèse des conditions et facteurs qui influent sur la dynamique du processus de recrutement, incitant certains individus à se tourner vers l’extrémisme, alors que les autres s’en écartent dans leur grande majorité.
Selon les estimations du PNUD, quelque 33’000 personnes ont perdu la vie dans des actes extrémistes violents perpétrés en Afrique entre 2011 et début 2016. Les attaques de Boko Haram ont fait au moins 17’000 morts, et provoqué le déplacement de 2,8 millions de personnes dans la région du Lac Tchad. Ces actes violents ont également eu des répercussions négatives sur le tourisme et les investissements directs étrangers, entre autres, au Kenya et au Nigeria.
Cette étude a également révélé que les actes de violence ou d’abus de pouvoir supposés des tenants du pouvoir en Afrique, constituent souvent la motivation de rejoindre un groupe terroriste. La majorité des recrues proviennent de zones frontalières ou de régions périphériques qui souffrent de marginalisation depuis des générations. 83 % de ces recrues volontaires ont estimé que le gouvernement de leur pays ne s’occupe que des intérêts d’un petit nombre. Plus de 75 % n’ont pas confiance en la classe politique, ni en l’appareil sécuritaire de leur pays.
La plupart d’entre eux ont aussi exprimé une certaine frustration par rapport à sa situation économique, l’emploi étant le besoin le plus pressant au moment de rejoindre un groupe. Ils ont également une rancœur profonde contre les dirigeants de leurs pays.
Quelque 80 % des recrues interrogées ont déclaré avoir rejoint en moins d’un an le groupe extrémiste qui leur a été présenté. Près de la moitié d’entre elles l’ont rallié en moins d’un mois.
S’agissant de la sortie d’un groupe extrémiste violent, la plupart des personnes interrogées qui se sont rendues ou ont demandé l’amnistie, l’ont fait après avoir perdu confiance dans l’idéologie, les dirigeants ou les actions de leur groupe.
Toujours selon l’enquête, en Afrique, les jeunes djihadistes sont recrutés principalement au niveau local, d’une personne à l’autre, mais pas en ligne, comme c’est le cas dans d’autres régions du monde. Cette méthode peut modifier les formes et modes de recrutement à mesure que la connectivité s’améliore dans le continent.
En conclusions, l’étude a appelé les gouvernements africains à réexaminer leurs réponses militaires à la lutte contre l’extrémisme religieux, et de s’engager dans l’Etat de droit et en faveur des droits de l’homme.
Elle suggère aussi l’intervention au niveau local, à travers l’appui aux initiatives communautaires axées sur la cohésion sociale, ainsi que l’amplification de la voix des leaders religieux locaux qui prônent la tolérance et la cohérence. Toutes ces initiatives doivent être pilotées par des acteurs locaux, dignes de confiance.
«Il y a une chose dont nous avons la certitude: dans le contexte africain, le porteur du message contre l’extrémisme est aussi important que le message en soi», a déclaré Abdoulaye Mar Dieye, directeur du bureau régional du PNUD pour l’Afrique. «Cette voix locale de confiance est également essentielle pour apaiser le sentiment de marginalisation qui peut accroître la vulnérabilité au recrutement», conclut-il. (cath.ch/ibc/bh)
Bernard Hallet
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