Selon le journal des Eglises protestantes de Suisse romande Réformés, la nouvelle voie d’étude révèle une dispute théologique entre tendances «libérales» et «confessantes». En matière de formation, les approches privilégiées par les Eglises réformées romandes et les évangéliques «s’opposent frontalement», assure Réformés.
Et la revue d’expliquer: «En simplifiant à l’extrême, on peut dire que dans la ligne «libérale», les premières [les Eglises réformées romandes, ndlr.] prônent, avant l’apprentissage du pastorat, une approche universitaire des textes bibliques avec tout le détachement critique que cela implique. Tandis que pour les ‘évangéliques’, si la Bible est considérée comme une production humaine, elle est aussi Parole de Dieu. Qui fait autorité sur les questions de foi et de vie et guide le chrétien.» Une dernière conviction qui a des conséquences théologiques et morales que Réformés qualifie de «très proches du catholicisme». Le journal note entre autres la promotion de la famille, la défense de la vie ou la condamnation de la pratique de l’homosexualité. Le journal protestant affirme ainsi que, dans cette optique, HET-PRO envisagerait des collaborations avec l’institut catholique Philanthropos.
Interrogé par cath.ch, le directeur de Philanthropos Fabrice Hadjadj confirme que des contacts ont eu lieu entre des responsables de la HET-PRO et de l’institut fribourgeois. Il n’y aurait eu cependant pour l’instant aucune demande précise de coopération de leur part, ni de décision du côté de Philanthropos.
Des contacts amorcés notamment par Jean-Claude Badoux, ancien président de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), qui a dirigé pendant quatre ans le Conseil synodal de l’Eglise vaudoise. Il a réuni en 2010 une dizaine de pasteurs de l’Eglise évangélique réformée dans le canton de Vaud (EERV) pour lancer cette nouvelle filière romande, sur le modèle des HES (hautes écoles spécialisés), ouverte aux réformés, aux évangéliques et aux Eglises ethniques.
«Briser le monopole de formation théologique réformé peut avoir des effets positifs»
L’ouverture de ce nouveau cursus survient sur fond de difficultés pour les formations protestantes traditionnelles. Une polémique sur le statut de la théologie protestante s’est développée depuis plusieurs années au sein des universités romandes. La Faculté de théologie de Neuchâtel a fermé faute d’étudiants en 2015 et celle de Lausanne n’est plus exclusivement chrétienne. Des déchirements se sont en outre récemment produits au sein de l’EERV, notamment autour de l’accueil des homosexuels. «Dans ce climat, l’aile conservatrice et évangélique de l’Eglise vaudoise se réveille», écrit Réformés. Les autorités de l’EERV, approchées par les promoteurs de la HET-PRO, n’entrent ainsi pas en matière sur une collaboration, de même que celles des autres Eglises romandes.
En dépit de la controverse que suscite la nouvelle filière dans le monde protestant, Fabrice Hadjadj affirme ne pas avoir de raison «de principe» pour refuser une telle collaboration. Soulignant que Philanthropos a déjà accueilli des étudiants évangéliques, il fait remarquer qu’il existe un «enjeu très important» derrière l’œcuménisme.
Même s’il ne connaît pas le contenu de la nouvelle formation, il estime qu’il ne faut pas «diaboliser» les courants évangéliques. Il souligne qu’au sein de ces groupes très divers, il y a des aspects qu’il apprécie et d’autres moins. Fabrice Hadjadj estime en tout cas que les catholiques peuvent apprendre beaucoup des croyants qui «n’ont pas honte de se dire chrétiens».
Tout en précisant qu’une décision de collaboration ne serait pas de son seul ressort, il se dit prêt, au nom de la fraternité œcuménique, à tendre la main aux autres courants du christianisme. Il accueillerait ainsi également favorablement une collaboration avec les Eglises réformées romandes. Il juge en outre que le fait de «briser le monopole de formation théologique réformé» peut avoir des effets positifs des deux côtés.
A l’instar de Philanthropos, la HET-PRO entend se démarquer des formations existantes en développant une approche «intégrée des dimensions intellectuelle, spirituelle et fraternelle de la foi chrétienne». Les enseignants commenceront notamment les cours par une prière et les étudiants seront invités à participer à des cultes et des sessions de formation spirituelle chrétienne. Des aspects critiqués par certains responsables protestants, qui arguent de la nécessaire neutralité confessionnelle des hautes écoles.
L’approche de HET-PRO ne choque ainsi pas Fabrice Hadjadj. Le directeur de Philanthropos précise qu’il commence également ses cours par une prière. Il ne voit pas en cela un problème, du moment que l’enseignement se fait à partir d’un substrat qui découle d’une révélation divine. (cath.ch/ref/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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