De nombreuses tartes aux pruneaux seront consommées à Genève, le jeudi suivant le premier dimanche de septembre. Ce plat est traditionnellement celui que l’on prépare et partage ce jour-là, indique le modérateur de la Compagnie des pasteurs et des diacres de l’Eglise protestante de Genève (EPG). La date du Jeûne genevois fait écho au Jeûne fédéral, qui se déroule le troisième dimanche de septembre (cette année le 17).
Genève est ainsi le seul canton suisse qui célèbre sa propre fête de jeûne. Blaise Menu explique que des circonstances historiques sont à l’origine de cette particularité. Cette journée de commémoration a été décrétée par les autorités genevoises à l’occasion d’une répression contre les protestants lyonnais, au début du mois d’octobre 1567.
La commémoration originelle se voulait ainsi une marque de solidarité entre protestants. Et elle a souvent fait l’objet de récupération spirituelle et politique. Le Jeûne genevois a ainsi constitué une forme de «refuge identitaire», lors de certaines périodes troublées, notamment lors de l’occupation française, sous Napoléon Bonaparte. Les habitants entendaient ainsi revendiquer leur protestantisme face aux occupants catholiques.
Lors de ces dernières décennies, l’EPG a cependant voulu s’éloigner de cette symbolique identitaire et élargir la notion de solidarité aux autres confessions chrétiennes et au-delà à toute l’humanité. Le jeûne s’est ainsi rapproché de son sens primordial de «transformation de soi». Il s’agit d’une occasion d’être un peu moins «remplis de nous-mêmes», afin de pouvoir développer ce souci de l’autre, note le pasteur. Le Jeûne est ainsi proposé comme un temps d’humilité où l’on «balaye devant sa porte» et où l’on prie non seulement pour le persécuté mais aussi pour le persécuteur.
Pour cette raison, les communautés issues de la migration, en général protestantes, sont conviées à chaque édition.
Blaise Menu célébrera en 2017 le culte traditionnel dans la cathédrale St-Pierre. La cérémonie se tient en alternance entre la cathédrale réformée et le temple de St-Gervais. Les années où la célébration se déroule à St-Pierre, ces communautés ne font qu’assister au culte. Mais quand elle se tient à St-Gervais, elles y participent activement. «C’est une façon de montrer la solidarité entre chrétiens, spécialement en ces temps de persécutions», note le pasteur.
Il souligne que le Jeûne a été suivi de manière irrégulière au cours des siècles. Il a été nettement institutionnalisé au XXe siècle et est devenu un jour férié dans les années 1960. Aujourd’hui, il constate que le sens de la fête et sa pratique religieuse ont tendance à se perdre. Pour beaucoup de Genevois, le Jeûne n’est plus synonyme que de congé. Blaise Menu estime cependant que la tradition doit être conservée, ne serait-ce que pour ne pas la laisser à certains esprits conservateurs qui pourraient en faire une célébration du repli sur soi – loin donc de son sens originel.(cath.ch/rz)
Pourquoi une tarte aux pruneaux?
L’origine de la tarte aux pruneaux, que l’on mange traditionnellement lors du Jeûne genevois, est incertaine. Les historiens romands Justin Favrod et Jean-Daniel Morerod précisent que le jour du Jeûne, il était demandé à l’origine de s’abstenir de nourriture à midi. Pour cette raison, les réunions à l’église se prolongeaient jusqu’à l’après-midi. On n’avait donc pas le temps de préparer un dîner à proprement parler. Les habitants se limitaient ainsi à une tarte aux pruneaux, préparée parfois la veille.
Selon une autre hypothèse, la raison serait à chercher dans la tradition de l’Eglise, depuis le début du XIXe siècle, de récolter l’argent destiné ordinairement au repas du dimanche, pour le donner aux pauvres. A partir de là, on en serait arrivé à consommer uniquement un gâteau de saison le jour du Jeûne, réservant ainsi l’argent économisé pour les démunis.
Raphaël Zbinden
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