Cet article controversé, adopté dans les années 1940, offrait une protection juridique à ceux qu’un grand nombre de pays considèrent comme des délinquants sexuels.
L’article 522 concernait différents crimes comme le viol, dont le viol de mineurs, les agressions, les rapts et les mariages forcés. Il stipulait que si un mariage valide était contracté entre l’auteur d’un de ces crimes et la victime, les poursuites cessaient. Si un verdict avait déjà été prononcé, son application était suspendue. A part le Liban, deux autres pays arabes, à savoir la Tunisie et la Jordanie, ont abrogé cette année des dispositions légales permettant à des violeurs d’échapper aux poursuites s’ils épousaient leurs victimes.
Diverses ONG ont activement milité pour l’abrogation de l’article 522 et ont salué le vote des députés. C’est le cas d’Abaad, qui écrit sur sa page Facebook «Félicitations aux femmes du Liban. Le vote d’aujourd’hui est une victoire pour la dignité des femmes». Des voix critiques s’élèvent cependant pour affirmer que le vote du 16 août n’est pas suffisant, car il reste les articles 505 et 518, qui permettent d’échapper aux sanctions prévues pour le viol.
A l’instar d’autres mouvements de la société civile libanaise, l’ONG Abaad avait recouvert le pays d’affiches représentant des mariées ensanglantées. Le slogan de la campagne était «Le blanc ne couvre pas le viol». Sur les réseaux sociaux, le hashtag #undress522 a popularisé la campagne pour abolir cette loi d’un autre âge.
Au Liban, selon une étude de l’UNICEF publiée en 2016, le mariage des mineures (âgées de moins 18 ans révolus) affecte aussi bien les filles libanaises que les petites réfugiées syriennes ou palestiniennes. Un obstacle de taille à son abolition: les affaires liées au statut personnel sont du ressort des communautés religieuses et de leurs lois discriminatoires à l’égard des femmes. Ainsi Hassan Nasrallah, secrétaire général du parti chiite Hezbollah, a accusé le 18 mars 2017 les opposants au mariage précoce d’être des serviteurs de Satan.
Jeudi 17 août 2017, dans un éditorial du quotidien francophone libanais L’Orient-Le Jour, Anne-Marie El-Hage écrit qu’à l’annonce de l’abrogation de l’article 522 du code pénal «le Liban tout entier devrait saluer l’initiative». Mais pour la femme libanaise, poursuit-elle, «cette prétendue victoire a un goût amer. Et pour cause: les effets de la 522 sont maintenus dans deux situations, en cas de relation sexuelle consentie avec une mineure de 15 à 18 ans, et en cas de relation sexuelle (non consentie) avec une mineure de 15 à 18 ans à laquelle ont fait miroiter le mariage. Et l’on se permet de parler d’abrogation !»
Non seulement les parlementaires consacrent ainsi le mariage des mineures, le mariage forcé et le viol conjugal, déplore l’éditorialiste, mais ils admettent les relations sexuelles d’un adulte avec des mineures âgées de 15 ans. «Les quelques réserves timidement émises par une poignée de parlementaires n’y changeront rien. Pas plus que les quelques explications maladroites et embarrassées. Dans les pays développés, cela s’appelle aussi de la pédophilie, dès lors que l’homme a 18 ans et plus».
«Qu’ont-ils fait, nos parlementaires, pour protéger du viol l’adolescente de leur pays, en acceptant les exceptions permettant à un violeur d’échapper aux sanctions ? Des broutilles, poursuit-elle. Ce qu’ils auront réussi à faire, par contre, c’est renforcer les prérogatives des communautés religieuses sur le statut personnel, de leurs lois machistes et discriminatoires envers la femme, qui autorisent le mariage des jeunes filles dès l’âge de 9 ans pour certaines. C’est aussi caresser dans le sens du poil les traditions patriarcales archaïques et claniques, toujours pratiquées en milieu rural. Le tout au détriment de la jeune femme, gardienne de l’honneur familial, et particulièrement cette adolescente de 15 à 18 ans, parfois poussée au mariage avec force harcèlement. Inacceptable, au XXIe siècle !»
«Lorsqu’elles n’accompagnent pas un changement de société, les lois n’ont-elles par pour but d’encourager le développement des peuples ?» La Tunisie et la Jordanie l’ont compris en abolissant complètement, il y a quelques jours, la loi blanchissant un violeur qui consentait à épouser sa victime, insiste-t-elle. Et de conclure: «La femme libanaise n’attend rien moins qu’une abolition totale. Autrement dit, de tous les effets de l’article 522 sur les articles 505 et 518 du code pénal. C’est alors qu’elle saluera l’abrogation. Et bien bas !»
Jean Oghassabian, le ministre d’Etat libanais aux Droits de la femme, a certes salué l’abrogation de l’article 522, mais il a émis des réserves sur le maintien des articles 505 et 518, «car il ne peut y avoir d’exception qui permette d’échapper aux sanctions prévues pour le viol». Le politicien arménien orthodoxe a annoncé que son ministère allait proposer un projet de loi pour abolir ces deux articles. (cath.ch/orj/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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