La Corée du Nord fait à nouveau les grands titres des médias, dans un contexte d’un pic de tension entre le régime de Kim Jong Un et les Etats-Unis. La dictature communiste tolère la petite communauté catholique du pays. Le pouvoir fait cependant son possible pour limiter l’influence de la religion et punit sévèrement toute tentative de prosélytisme. Malgré cela, des missionnaires, notamment catholiques, travaillent depuis des décennies dans le pays, pour le bien de la population. C’est le cas du Père Gerard Hammond, qui se rend régulièrement en Corée du Nord depuis les années 1960.
Le prêtre de Maryknoll, une congrégation missionnaire catholique américaine, s’est vu décerner début août 2017 le Prix Gaudium et Spes, à New Haven, dans le Connecticut. La distinction est délivrée chaque année par l’organisation catholique de bienfaisance des Chevaliers de Colomb, surtout active en Amérique du Nord. Des personnalités telles que Mère Teresa de Calcutta ou Jean Vanier, le fondateur de la communauté de l’Arche, figurent parmi les précédents lauréats. Le Prix, dénommé d’après l’un des principaux documents du Concile Vatican II, récompense les personnalités ayant «contribué de manière exemplaire à la réalisation du message de la foi et au service dans l’esprit du Christ». Il est doté de 100’000 dollars.
Il priait pour que Dieu lui donne un «coeur coréen»
Les Chevaliers de Colomb ont reconnu le mérite particulier du Père Hammond, âgé de 84 ans, qui traite depuis 1995, dans le contexte difficile de la Corée du Nord, des malades d’une forme de tuberculose résistante aux médicaments. Le prêtre a décrit, dans son allocution reprise par l’agence d’information Catholic News Agency (CNA), sa périlleuse mission.
Originaire de Philadelphie, en Pennsylvanie, Gerard Hammond est entré au séminaire de Maryknoll en 1947. Il a été envoyé en Corée du Nord peu après avoir été ordonné prêtre, en 1960. Dès son arrivée, il a expérimenté la vie de mission au sein d’une culture étrangère, «une situation qui peut vite submerger un individu». Mais il a également ressenti «la romance de la mission», expliquant que «tout missionnaire doit d’une certain façon tomber amoureux du peuple qu’il est venu servir». Cela nécessite entre autres d’intégrer rapidement la langue et la façon de penser locales. Le Père Hammond priait ainsi chaque jour pour que Dieu lui donne «un cœur coréen».
Le prêtre fait le voyage vers la Corée du Nord deux fois par an. Pendant ses séjours, il visite avec son équipe 12 centres pour tuberculeux dans quatre provinces de l’ouest du pays. Beaucoup de personnes, dans cette région, sont touchées par cette maladie très contagieuse. Les organisations onusiennes traitent des centaines de milliers de cas dans le pays. De 4’000 à 5’000 Nord-Coréens seraient contaminés chaque année par la forme résistante aux médicaments. Le taux de guérison se situe aux alentours de 50%.
A chacun de ses voyages, le Père Hammond rencontre des difficultés de types différents. Mais le traitement des tuberculeux qui ne répondent pas aux médicaments est en lui-même déjà ardu. Pour éviter la contamination, il doit en effet s’effectuer en plein air, qu’il neige ou qu’il pleuve.
Pour le missionnaire, c’est une façon de répondre à l’appel du pape François «d’aller vers les périphéries». Comme il ne peut pas évangéliser, dans ce pays, de manière traditionnelle, il s’efforce de montrer l’amour du Christ simplement en risquant sa santé pour les autres.
«Je voudrais mourir parmi ces gens que j’ai baptisés»
Pyongyang ne badine en effet pas avec le prosélytisme. Le pasteur presbytérien canadien d’origine coréenne Hyeon Soo Lim a été libéré le 9 août 2017, pour «raisons humanitaires», après avoir passé près de deux ans dans un pénitencier nord-coréen. Il avait été condamné à la prison à vie en 2015 pour avoir distribué des Bibles.
Le Père Hammond estime que l’ouverture du pays nécessiterait la fin de la guerre entre les deux Corées. Les deux Etats sont encore en effet toujours techniquement en conflit depuis la fin de la guerre, en 1953. Il plaide pour un véritable dialogue, qui pourrait d’abord passer par des échanges sportifs, scolaires, culturels ou scientifiques.
Malgré les menaces de guerre, il est décidé à continuer ses voyages dans la Péninsule. Il confie vouloir de toute façon mourir là-bas, «parmi ces gens que j’ai baptisés». (cath.ch/cna/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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