L’art des Madonnari reste populaire

Les Madonnari, apparus en Italie vers le XVIe siècle, reproduisaient des portraits de la Vierge à l’aide de craies et de charbons. Aujourd’hui, ils restent populaires, en mêlant le talent artistique et la connivence avec le public, à ras de pavé.

L’été favorise l’art des Madonnari, ces artistes qui tracent sur le bitume des œuvres éphémères. Comme leur nom l’indique, ils dessinaient, au départ, des portraits de la Vierge. Un statut de saisonnier, quelques pièces glanées çà et là, au gré de leurs déplacements.

Avec peu de matériel, des craies, des charbons, et une connivence immédiate avec le public qui peut monnayer leur talent, cet art de la rue s’est frayé une place dans le monde des arts. Berceau des Madonnari, l’Italie reste marquée par ces dessinateurs de l’éphémère, héritiers d’une tradition de plusieurs siècles qui a embelli les rues et les piazzas.

Le Greco

A la Renaissance, ces artistes itinérants traversaient le pays. lls travaillaient avec les constructeurs en leur permettant de visualiser les projections des architectes. L’été, ils ralliaient les lieux de pèlerinage mariaux, notamment lors des grandes fêtes. Ils charmaient le public en reproduisant des motifs connus ou en créant des modèles particuliers. Cette forme d’art éphémère conduit aussi à des échanges constants entre Madonnari, souvent réunis et stimulés par cette concurrence détendue.

La plupart d’entre eux sont restés anonymes, mais un nom survit: celui du Greco (1541-1614), peintre majeur de l’iconographie religieuse. Bien que né en Crête et mort en Espagne, Il a passé par l’Italie et a gagné sa vie, dans ses débuts, comme Madonnaro.

«Festival de Cannes»

Aujourd’hui leur art s’est transformé. On parle plus facilement de «street painting» (peinture de rue), aux accents anglais. Au Royaume-Uni, environ 500 artistes en vivant étaient dénombrés en 1890. Ce qui a conduit au premier festival de peintres de rue à Londres en 1906.

En Italie, la tradition ancienne est restée vivante. Témoin, le grand rendez-vous des Madonnari, à Curtatone, près de Mantoue, au sud de Milan. Véritable «Festival de Cannes» de cet art, il se tient depuis 1973, autour de l’Assomption. A cette occasion, un concours est organisé durant quatre jours, sur le grand espace devant le sanctuaire marial. Cette année encore, du 12 au 16 août, la 45ème Feria della Grazie – son nom officiel, en référence au pèlerinage de Notre-Dame des Grâces – mettra en compétition 200 Madonnari italiens et étrangers.

Maîtres, qualifiés et simples

Un classement est établi selon trois catégories: les maîtres, les qualifiés et les simples. Les Italiens trustent souvent les premières places, mais il n’est pas rare d’y trouver un Australien, un Mexicain ou même un Japonais. Et les dames sont aussi nombreuses que les hommes dans ces compétitions où priment la créativité, le sens de la composition et l’art de la couleur.

En Allemagne, non loin de la frontière néerlandaise, le pèlerinage marial de Kevelaer, entre Rhin et Meuse, réunira 20 artistes de rue les 19 et 20 août prochains. L’initiative en revient à Frederike Fredda Wouters, elle-même Madonnara, trois fois primée au festival de Curtatone. Des peintres de rue se sont annoncés de toute l’Europe.

Valentina Sforzini, courtisée

L’art du dessin de rue a progressivement conquis nos rues et nos places, urbanisation oblige. Et le graffiti a popularisé les représentations imagées, comme le fruit indirect des Madonnari. Des festivals de «street painting» existent maintenant dans le monde entier, aux Etats-Unis (Santa Barbara) ou au Mexique (Monterrey).

L’Europe n’est pas en reste. Et certains artistes comme Valentina Sforzini, qui a débuté comme Madonnara, est désormais courtisée par Dolce et Gabbana, grand nom de la mode. De la rue aux salons de mode, il n’y a parfois qu’un pas. Car le développement des techniques picturales, la variété du matériel de dessin, et l’intérêt du monde de la culture pour la création ont renforcé l’engouement du public pour ces fleurs de pavés, art de l’immédiat. Pour un renouveau des créations religieuses, également. (cath.ch/bl)

Bernard Hallet

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