C’est notamment ce que souhaite Mgr David Martínez de Aguirre Guinea, évêque du Vicariat de Puerto Maldonado. «La nouvelle de la visite du Saint-Père nous a procuré une surprise et une joie immense. C’est la démonstration que le cœur du pape est dans les périphéries. Bien sûr, nous rêvions qu’il se rende au Pérou. Mais nous n’avions jamais pensé qu’il puisse venir à Puerto Maldonado! C’est une joie incroyable pour toute la population. Entre autres choses, ce sera la première visite du pape François en terre d’Amazonie. Avant, Jean-Paul II s’était rendu à Iquitos, toujours au Pérou».
Le prélat admet que si les peuples amazoniens n’ont pas toujours conscience de la valeur de la venue du pape, les caciques indigènes, eux, savent ce que cela représente. «Ils comprendront que sous le dôme de l’Eglise, il y a un cœur ami qui les écoute et veut les aider, un homme capable d’offrir des paroles d’espoir face aux nombreuses menaces qui planent sur leurs terres».
Mgr David Martínez de Aguirre Guinea évoque d’ailleurs volontiers Laudato Si’. «C’est une encyclique qui s’est positionnée pour l’écoute des problématiques de la terre et des peuples indigènes. Le cri de la Terre et des pauvres est le même, et l’encyclique renforce cela de manière très claire. En même temps, le document dénonce le pillage des ressources naturelles de ces territoires, comme s’ils étaient le jardin des pays riches, et les conséquences de ce phénomène: les conflits avec les peuples indigènes, la corruption, etc… L’encyclique a entendu les cris qui proviennent de ces peuples».
Evoquant notamment l’existence du Réseau ecclésial Pan-Amazonien (REPAM), créé avec l’appui du pape François en septembre 2014 et dont l’objectif est de renforcer la présence missionnaire sur le territoire amazonien, Mgr David Martínez de Aguirre Guinea a assuré que l’implication du Saint-Père et de l’Eglise sur la protection de la ‘Maison Commune’ pourrait se concrétiser par l’organisation d’un Synode Pan-Amazonien.
L’idée aurait été soufflée par le pape lui-même lors de la récente visite des évêques péruviens, comme l’a révélé le Président de la Conférence épiscopale péruvienne, Mgr Salvador Piñeiro García-Calderón. «Pour l’instant, il ne s’agit que d’une idée», a rappelé Mgr David Martínez de Aguirre Guinea, qui voit bien sûr d’un œil favorable cette possibilité. «Le pape nous a dit qu’il souhaitait une rencontre entre nous, les évêques d’Amazonie, pour élaborer des lignes communes et pour exprimer la richesse environnementale et aussi celle des peuples qui habitent ces terres». Et de conclure: «Je suis convaincu que cette idée de synode est déjà bien avancée et qu’elle est pensée de manière à organiser un moment ecclésial d’importance».
Un sentiment largement partagé par le Père Dario Bosse, missionnaire italien Combonien qui vit depuis 2007 au Brésil où il s’est engagé dans la défense des communautés affectées par l’extraction minière. «Cette proposition de synode est essentielle et j’imagine deux types d’engagements dans ce cadre. Le premier, ‘horizontal’ qui qualifie et motive l’engagement local pour un meilleur service à la vie et à l’environnement. Le second engagement, ‘vertical’, est celui pris par les Eglises pour une conscience critique, pour un appel à la défense de l’Amazonie, pour augmenter la visibilité, en lien avec les institutions et la société civile».
Pour le Père Dario Bossi, «tout cela fait partie d’un processus lent, sachant que les nombreuses situations de conflits relèvent d’intérêts eux aussi nombreux, parmi lesquels l’Eglise est elle aussi parfois impliquée». Ce processus doit donc être vécu «comme un dialogue persistant et avec la conviction que l’Amazonie doit être protégée en même temps que les peuples qui y vivent». Pour le missionnaire italien, «nous avons donc un travail immense, qui doit nécessairement commencer par l’écoute, à partir d’une réflexion sur les formes de spiritualité dont ces peuples sont porteurs, de leur mode de vie, le fameux ‘bien-vivre’, leur relation intégrée avec l’environnement et avec la création».
Mais parler d’un possible Synode Pan-Amazonien signifie également considérer la possibilité d’un nouveau ministère au sein de l’Eglise, comme en Amazonie, qui possède un petit nombre de prêtres appelés pour servir sur un vaste territoire. «Un synode pourrait permettre de penser à des mesures concrètes, affirme de Père Dario Bossi. Sans perdre de vue l’universalité de l’Eglise, François me paraît ouvert à des expériences menées sur des territoires spécifiques. Dans ces régions, si un service ministériel plus ouvert n’est pas pensé, il ne sera pas possible de servir les communautés dans de bonnes conditions. Au Chiapas, au Mexique, nous avons des exemples de ‘diacres indigènes’, avec un cheminement qui valorise les couples et un cheminement de dialogue interculturel».
Cet appel à «la possibilité d’un nouveau ministère au sein de l’Eglise» n’est pas pour déplaire à Mgr David Martínez de Aguirre Guinea. «Si le synode a lieu, je pense que nous allons franchir de grands pas au niveau ecclésiastique. Et nous nous interrogerons sur la manière de faire pour que les peuples indigènes se réapproprient l’Eglise. Nous devrons alors être capable de réinventer l’Eglise, sans oublier, évidemment, la communion dans la tradition». (cath.ch/jcg)
Bernard Hallet
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