Meurtre du Père Hamel: répondre au mal par le bien

Le 26 juillet 2016, deux jeunes djihadistes liés à l’Etat islamique égorgeaient le Père Jacques Hamel dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray, dans le nord de la France. Un an plus tard, deux prêtres de Suisse romande témoignent du choc ressenti et du besoin de répondre au mal par le bien.

L’abbé fribourgeois Guy Oberson a été fortement marqué par l’assassinat du vieux prêtre. «J’ai ressenti une grande tristesse qu’un curé soit tué alors qu’il célébrait l’Eucharistie, une situation si innocente». Pour lui, un tel acte est " humainement inconcevable». Le Père Oberson a été d’autant plus choqué qu’il est dans la même situation que le prêtre de St-Etienne-du-Rouvray. Bien qu’à la retraite, il continue de pallier au manque de jeunes prêtres en présidant régulièrement des cérémonies.

«Il est essentiel de ne pas tomber dans la revanche et dans la haine»

Il remarque que l’assassinat de l’abbé Hamel a provoqué un élan de solidarité pour ces vieux prêtres, maintenant nombreux, qui continuent d’offrir envers et contre tout leur vie à l’Eglise. «Il aurait pu ne pas s’exposer ainsi et être davantage à l’abri de ce genre d’actes», note le prêtre actif pour l’Unité pastorale Notre-Dame de l’Evi, autour de Gruyères (FR). «Mais c’est une grande joie pour nous, les prêtres retraités, de servir tant que nous le pouvons».

L’abbé Oberson estime important de se souvenir de ce genre de tragédies, car elles nous interpellent et nous font réfléchir sur l’état de notre monde. «Maintenant, il est essentiel de ne pas tomber dans la revanche et dans la haine». Pour le prêtre gruérien, la seule façon de changer les mentalités actuelles de violence est de retrouver le chemin de la miséricorde.

Un problème de société plus que de religion

Le Père Willy Vogelsanger, du Grand-Lancy (GE), a également été choqué par cette action terroriste, qui a touché un homme âgé et sans défense. Lui-même dans sa 93e année, il explique avoir une grande sensibilité pour le malheur humain, notamment pour les chrétiens persécutés.

«Dès le plus jeune âge, le sens de l’humain, le sens de la transcendance dans la vie»

Selon lui, la source de cette violence n’est cependant pas à chercher dans la religion, mais dans la société en général. Il voit les principales causes du terrorisme dans une mauvaise éducation de la petite enfance. Dans le monde actuel, les parents manquent de soutien. Les structures qui existaient à l’époque, comme la communauté villageoise ou la famille ont disparu. «Il faudrait inculquer dès le plus jeune âge le sens de l’humain, le sens de la transcendance dans la vie». Le Père Vogelsanger plaide pour une plus grande simplicité de vie et un retour aux véritables contacts entre personnes, loin des téléphones portables et des réseaux sociaux. «Tant que ces problèmes de base n’auront pas été résolus, ces actes vont se multiplier», avertit-il. A contre-courant des idées de vengeance ou de repli, le prêtre genevois estime que la meilleure façon de changer le monde est de prier et de répondre à la méchanceté par la gentillesse.


Le Père Hamel, un homme parmi les hommes

Un homme modeste, soucieux des autres, timide, mais radicalement habité par la foi. Telle est la description de Jacques Hamel que donne sa sœur Roselyne, 77 ans, dans des journaux français. Un an après la mort de son frère, elle a accepté de dire qui était son frère et comment elle a vécu le drame de son assassinat.

Ne pas juger mais comprendre

Jacques Hamel est né en 1930. Il a eu très tôt la vocation de prêtre. Petit, il jouait à présider la messe. Il a été enfant de chœur une bonne partie de sa jeunesse. Roselyne décrit une enfance marquée par la souffrance, notamment à cause de la séparation des parents et l’éclatement de la famille. A 13 ans, il part vivre avec son père en Normandie. A la même époque, il entre au petit séminaire. Jacques Hamel sert ensuite en Algérie. Son groupe de soldats est un jour pris en embuscade. Il est le seul à survivre. Marqué par son aventure algérienne, il veut devenir missionnaire, mais sa santé précaire l’en empêche. Il exerce donc un ministère discret mais fervent dans le diocèse de Rouen, jusqu’à sa mort, le 26 juillet 2016.

Roselyne décrit un prêtre «qui ne demandait rien à personne», tant il ne voulait pas déranger. Il aimait la simplicité et fuyait la reconnaissance et les promotions. Sa sœur le décrit ainsi comme «un homme parmi les hommes». Elle raconte qu’il était également «transcendé par la foi», lorsqu’il célébrait la messe. Elle voudrait en tout cas qu’on retienne de lui «sa capacité à écouter ceux qui sont dans la peine, la crainte. Cette façon de ne pas critiquer, ne pas juger mais comprendre».

Les évêques de France se souviennent

Alors qu’elle entretenait une «amitié fusionnelle» avec son frère, Roselyne explique sa dévastation à l’annonce de sa mort. «J’ai crié à m’en déchirer les poumons, jusqu’à ce que j’aie trop mal pour continuer à hurler». Malgré son immense souffrance, elle a accepté de rencontrer la communauté musulmane locale. Et cela ne l’empêche pas d’avoir des pensées pour la famille du meurtrier, «une famille correcte qui s’est retrouvée dans l’impuissance».

Reprenant la formule de la sœur du martyr, la Conférence des évêques de France a rappelé, le 24 juillet 2017, que «c’est un homme parmi les hommes qui a été tué». Les prélats français affirment ainsi dans leur communiqué qu'»une telle vie devient un modèle et un encouragement pour tous».


Le bréviaire du Père Jacques Hamel à Rome

Le bréviaire du Père Jacques Hamel a été déposé par Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen, à l’église Saint-Barthélémy-en-l’Île le 15 septembre 2016. Les pèlerins affluent dans cette église pour venir se recueillir devant les objets et les images des martyrs des XXè et XXIè siècles. Beaucoup s’arrêtent devant le bréviaire du premier prêtre d’Europe victime du terrorisme djihadiste. Pour les pèlerins du monde entier, parmi lesquels de nombreux Français, Saint-Barthélémy est une étape de pèlerinage à Rome.

L’église Saint-Barthélémy est située sur une île que l’on trouve au milieu du Tibre, le fleuve qui passe à Rome. A la demande Jean Paul II, la communauté Sant’Egidio entretient dans ce lieu le souvenir des martyrs depuis 2000. Plusieurs chapelles commémorent, à travers les objets qui y sont déposés, les martyrs des XXè et XXIè siècles: des prêtres tués pendant la guerre civile espagnole, dans les camps d’extermination nazis, victimes du communisme ou encore de la mafia. (cath.ch/cx/lavie/rz)

 

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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