Bernard Héritier, si vous entendez «musique sacrée à usage liturgique en Suisse romande», à quoi pensez-vous immédiatement?
A des manifestations telles que la Semaine romande de musique et liturgie à Saint-Maurice chaque année en juillet. Sinon, à l’existence de nombreuses initiatives locales ou individuelles, comme les maîtrises des cathédrales de Fribourg et de Sion. D’emblée, il me paraît important de distinguer le répertoire protestant – plus sobre et axé sur les chorals d’assemblée – et catholique – où des chœurs représentent l’assemblée.
«La difficulté est de maintenir un répertoire de chœur»
Comment percevez-vous l’évolution du chant choral?
Au niveau catholique, la difficulté est de maintenir un répertoire de chœur. Le concile Vatican II [1962-1965] avait demandé la participation active de l’assemblée, qui était jusqu’alors habituée à écouter. Dans la mise en pratique, certains ont tellement pris les textes conciliaires à la lettre que les chants polyphoniques incompatibles à une participation de l’assemblée ont été mis de côté. Sans compter l’évolution de certaines compositions, inspirées de la musique de variété. Et finalement, le chant grégorien reste, d’après le Concile, le chant propre de la liturgie.
Comment concilier le maintien des chœurs et la participation de l’assemblée?
Il faut un équilibre des tendances, de manière à exploiter l’ensemble de la musique sacrée. A la cathédrale de Sion, nous essayons de le faire depuis quinze ans. Nous varions les formules tous les quatre dimanches, en alternant, d’un côté, le répertoire baroque, romantique, cantates de Bach et grégorien, tout en permettant, de l’autre, à l’assemblée de participer à chaque fois.
Comment voyez-vous l’avenir de la musique sacrée ?
C’est une question difficile. On observe un désintérêt progressif pour la chose religieuse et une diminution des croyants. J’aurais tendance à miser sur une triple qualité: de la musique, de son exécution et de son élévation spirituelle. Ce qui signifie aussi rétribuer les musiciens.
«Je ne peux pas demander le bénévolat à quelqu’un qui vit de la musique»
Vous envisagez donc une professionnalisation de la branche?
Oui, et la sécularisation constante de la société n’aide pas. Car si nous sommes soutenus pour l’organisation de concerts, y compris de musique sacrée, il est nettement plus difficile de trouver de l’argent pour une prestation liturgique. Heureusement, je peux compter sur des musiciens professionnels qui, parce qu’attirés par certains projets spirituels, acceptent de jouer le jeu et de se produire en-dessous du tarif syndiqué. Mais il est clair que je ne peux pas demander le bénévolat à quelqu’un qui vit de la musique.
Et le côté bénévole justement?
Une bonne partie des liturgies continuera à être assurée par des animateurs d’assemblée et des chœurs paroissiaux. Quand bien même on observe un renouvellement difficile des membres et surtout une diminution des connaissances musicales. Le déchiffrage des notes a disparu! Dans certaines classes d’école primaire, on n’utilise plus de partitions lorsqu’on apprend un chant.
La Fête de la musique de Sion s’est tenu le 17 juin dernier: pourquoi la cathédrale de Sion n’y a-t-elle pas participé?
La raison est très simple: Sion a beaucoup de retard en matière de Fête de la musique. La toute première édition n’a été organisée que cette année, avec une seule scène et quelques groupes de musique populaire. Mais pour les prochaines éditions, les organisateurs s’intéresseront probablement à la musique sacrée. Les ensembles de la cathédrale de Sion seront certainement sollicités. Nous n’aurons aucun problème à intégrer la Fête de la musique. (cath.ch/gr)
Un aperçu du travail de Bernard Héritier à la tête de la maîtrise de la cathédrale de Sion:
Grégory Roth
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