Charles-Henry Chemaly: un prêtre consacré à la psychothérapie

Un prêtre déchargé de ses fonctions pastorales, afin de terminer une formation de deux ans en psychothérapie: c’est une situation assez rare. Rencontre avec l’abbé Charles-Henry Chemaly, pour qui la foi ne suffit pas à résoudre certaines difficultés psychiques.

Charles-Henry Chemaly est psychologue. Une formation professionnelle qu’il débute en 2008, alors qu’il officiait depuis une année comme prêtre auxiliaire à la paroisse du Sacré-Cœur, à Lausanne. «A côté de mon ministère, je suivais les cours du soir et passais mes examens pendant les vacances», raconte le cinquantenaire français.

Il passe sa vie entre la paroisse et la Faculté des sciences humaines de l’Université de Lausanne. Outre le rythme effréné que cette double casquette impose, il a pu s’engager dans cette voie grâce au soutien de l’évêque de l’époque, Mgr Bernard Genoud, avec l’appui de Mgr Rémy Berchier, vicaire général en ce temps-là. «Comme le diocèse manque déjà de prêtres en pastorale, cela ne va pas de soi que l’un d’entre eux soit dégagé de ses fonctions pour se former, reconnaît l’abbé Chemaly. Si j’ai pu mener mes études à bien, c’est aussi grâce à la souplesse de mes collègues prêtres et du soutien de ma paroisse».

La foi ne sauve pas de la dépression

Le souhait de se former en psychologie remonte au début des années 2000. «J’ai compris que la foi ne suffisait pas pour aller mieux et pour guérir de certaines difficultés, explique le prêtre-psy. Même avec toute la foi du monde, celui ou celle qui est dépressif, par exemple, ne pourra pas miraculeusement guérir.» Ce qui, pour l’abbé Chemaly, n’empêche pas une personne dépressive d’être authentiquement croyante. Et ce qui n’empêche pas non plus Dieu d’être authentiquement présent. «Toutefois, il y a en nous quelque chose d’obscur auquel Dieu ne semble pas toucher, constate-t-il. Ou quelque chose qui, en nous, résisterait à son action».

Dans son activité pastorale, il observe des dysfonctionnements assez importants de la part de gens «qui se disent très chrétiens». Pourquoi la foi et prière ne les guérissent-ils pas? Pourquoi ces dysfonctionnements persistent-ils, parfois une année, parfois toute une vie? Et pourquoi certaines personnes qu’il côtoie entrent en religion avec un idéal et finissent par régresser aux plans spirituel, psychique et humain au long des années? Tant de questions qui suscitent en lui l’envie de comprendre le mécanisme psychologique de la personne humaine.

«Ils se confessent et parce qu’ils rechutent, ils continuent de penser qu’ils manquent de foi»

Puis surviennent les révélations des premières affaires de pédophilie commises par des prêtres. «Comme beaucoup de mes collègues prêtres, je me suis senti sali et honteux. J’ai senti le regard suspicieux de certaines personnes quant à l’éventualité d’être moi-même un potentiel abuseur d’enfants. En effet, le célibat ecclésiastique, pour beaucoup, semblerait favoriser le passage à l’acte sur des mineurs».

Une quête de sens

Pour Charles-Henry Chemaly, la psychologie est une quête de sens. Un chemin qui lui fait prendre conscience de l’interdépendance entre l’espace spirituel et psychologique. Prenant l’exemple de comportements compulsifs qu’il est difficile de maîtriser, il cite le cas de prêtres, de laïc ou de personnes mariées qui ont des comportements déréglés dans différents domaines – alcool, argent, sexualité, etc. De grosses difficultés qui les handicapent lourdement dans leur vie spirituelle. «Ils se confessent et se confessent encore. Et parce qu’ils rechutent, ils continuent de penser qu’ils manquent de foi. Si quelqu’un me dit: ‘Je n’ai pas la foi, sinon je ne serais pas dans cet état’. Pour moi, c’est l’exemple type d’une confusion entre espace spirituel et psychologique».

«Pour certaines maladies psychiques, il faut accepter d’être aidé par des professionnels»

Un chrétien averti ne va pas guérir pour autant, selon l’abbé Chemaly, mais il pourra travailler plus librement sur des symptômes psychiques qu’il subirait habituellement. Pour certaines maladies psychiques, il faut accepter d’être aidé par des professionnels.

De la psychologie au service de la pastorale?

Après l’obtention de son master en psychologie, Charles-Henry Chemaly poursuit un stage dans le canton de Vaud, dans un cabinet privé reconnu FMH, qu’il finance grâce à une bourse de l’évêque. En parallèle, il continue d’officier comme prêtre auxiliaire au sein de l’unité pastorale St-Joseph, à Fribourg. Deux activités assez hétérogènes qui lui demandent une grande souplesse d’esprit. «Il fut un temps où j’ai frôlé le burn-out», avoue-t-il. C’est ainsi qu’il obtient en 2017, de la part de Mgr Charles Morerod, une dispense de sa charge pastorale, afin de terminer sa formation en psychothérapie jusqu’en 2019.

Une fois sa formation terminée, Charles-Henry Chemaly se verrait bien exercer un mandat de psychothérapeute au sein de l’Eglise. «L’évêque m’a dit qu’il serait heureux de pouvoir bénéficier de ma formation et de mes compétences, mais aucun poste n’a pour l’instant été concrètement évoqué». Le poste, il faudrait le créer. Mais les possibilités sont nombreuses dans le domaine. Que ce soit dans le conseil familial, en lien avec la préparation au mariage, ou dans le soutien au personnel de l’Eglise, en étant à disposition des agents pastoraux et en organisant des médiations dans les équipes pastorales où des tensions compliquent la collaboration.


Un parcours de soin et de foi
Charles-Henry Chemaly est né le 11 mai 1965 à Douala, au Cameroun. Après une formation d’infirmier à Bordeaux, il entreprend une demi-licence en philosophie à l’Université catholique de Toulouse, avant de compléter son cursus par une licence en théologie à l’Université de Fribourg. Son mémoire de licence, défendu en 2005, s’intitule: «Blessure psychologique et chemin de guérison par la foi?». (cath.ch/gr)

Grégory Roth

Portail catholique suisse

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