Pour rédiger ces orientations pastorales, fruit de la démarche lancée en automne 2016 par Mgr Rémy Berchier, vicaire épiscopal pour la partie francophone du canton de Fribourg, le groupe de travail a utilisé comme base de réflexion les résultats du sondage «Dites-nous tout». Effectué par l’entreprise de conseil en management TC Team Consult SA à Genève, cette large enquête sur l’avenir de l’Eglise en terre fribourgeoise a obtenu entre 1’000 et 1’500 réponses, selon les questions posées.
Comme l’a expliqué en conférence de presse le 2 juin 2017 Blaise Bonvin, de Team Consult, le sondage compte avec une marge d’erreurs d’environ 3 % et son importance est davantage qualitative que quantitative. S’il n’a pas été fait sur la base d’un échantillon représentatif (classe d’âge, sexe, région, etc.), les classes d’âge sont cependant bien représentées, ainsi que les régions. Le rapport hommes-femmes est quasiment à l’équilibre.
Il s’agit cependant d’un sondage où les pratiquants sont surreprésentés, alors que les personnes peu ou pas pratiquantes sont sous-représentées. Les distancés de l’Eglise (30 % des réponses) ont une pratique très sporadiques (cérémonies de Pâques, Noël, baptêmes, mariages, enterrements, etc.)
Il ressort aussi de l’enquête que plus on est jeune, moins on se sent proche de l’Eglise. Dans leur majorité, les sondés souhaitent de la part de l’Eglise un message plus actuel, plus centré sur la réalité vécue au quotidien, des messes plus courtes, plus animées et plus joyeuses, des activités spirituelles, une présence également en dehors de l’église. La place des femmes doit être renforcée ainsi que la solidarité et les actions envers les pauvres et les exclus.
La culture religieuse présente chez les plus âgés n’existe pratiquement plus chez les jeunes, qui trouvent le message de l’Eglise trop éloigné des réalités concrètes. Savoir comment atteindre la jeunesse est ainsi une priorité. Les moments-clés de la vie (les cérémonies de baptême, de mariage, d’enterrement, etc.) touchent encore un large public et doivent être valorisés, selon Blaise Bonvin.
Les personnes éloignées de l’Eglise ne ferment pas la porte, et une partie d’entre elles seraient disposées à s’y intéresser davantage si elle était moins dans la doctrine, moins moralisante et plus proche des questions quotidiennes actuelles. Concernant le langage de l’Eglise, 60 % considèrent qu’il est peu compréhensible et plutôt hermétique. Il est important de voir que c’est le groupe des 20 – 39 ans qui a le plus de peine à comprendre ce langage. Tant les pratiquants que les éloignés de l’Eglise attendent une autre manière de communiquer, plus claire, moins «surnaturelle».
La figure du Christ, contrairement à l’institution ecclésiale, est vue comme positive par l’ensemble des personnes interrogées. Ceci doit certainement être développé dans la communication de l’Eglise, poursuit le sondeur.
Dans ce contexte, la figure du pape François est plébiscitée tant par les personnes proches de l’Eglise que par celles qui en sont éloignées. Mais dans la moitié des cas où le pape François est mentionné, les sondés relèvent le décalage entre ses propos, reçus positivement, et ce qui se vit localement. Les pratiquants critiquent souvent le «manque» de joie, notamment dans l’animation des cérémonies. Par ordre de priorité, pour les personnes interrogées, le rôle de l’Eglise est de faire connaître le Christ ainsi que de célébrer les sacrements (60 % des sondés), de mener une action sociale avant d’investir dans les bâtiments (52 %), et de mener des actions communautaires (36 %).
L’action sociale de l’Eglise recueille le plus de faveur de la part de ceux qui sont éloignés de l’institution. S’il faut économiser, ce n’est pas dans l’engagement social qu’il faut le faire, mais éventuellement dans l’entretien des bâtiments. Et Blaise Bonvin de citer la philosophe humaniste Simone Weil. Pour elle, «afin de savoir si une personne croit en Dieu, il faut l’écouter parler du monde, pas de Dieu!»
Analysant le résultat du sondage, Jean-François Mayer, fondateur de Religioscope, estime qu’il est «sérieusement indicatif» et permet de «prendre le pouls» du catholicisme fribourgeois, qui est loin d’être monolithique. Il est d’autant plus représentatif que ce ne sont pas seulement les jeunes «geeks», fans de nouvelles technologies, qui y ont répondu. Les sondés ont exprimé ce qu’ils avaient sur le cœur, les choses positives tout comme les choses négatives, les joies et les blessures.
Le sondage montre à ses yeux une Eglise pas suffisamment proche de la «vraie vie». Mais il relève que si l’Eglise paraît vieillissante, il reste que plus de 60% de la population fribourgeoise se dit non seulement catholique, mais le manifeste encore concrètement en s’acquittant de son impôt ecclésiastique! Le chercheur souligne que si la sécularisation de la société est bel et bien en marche, il reste dans le canton de Fribourg encore un socle solide sur lequel il est possible de lancer de nouvelles dynamiques.
Pour le vicaire épiscopal Rémy Berchier, ce sondage n’est pas un but en soi, mais un outil de travail. Les 8 orientations pastorales résultant de la confrontation des agents pastoraux (prêtres, diacres et laïcs) avec les résultats du sondage leur ont permis de dégager des pistes pastorales. Avant leur rédaction définitive, elles ont été soumises aux conseils de paroisse, aux conseils d’unité pastorale (UP) et aux conseils de communauté.
Mgr Berchier a présenté tout d’abord 3 orientations «pour nous aider à dynamiser fondamentalement notre vie de baptisé»:
Puis 4 orientations qui invitent les baptisés à vivre en disciple-missionnaire: –
Pour chaque orientation, des pistes concrètes de mise en œuvre sont suggérées. Elles sont des propositions, a-t-il souligné. Chacun, qu’il soit simplement baptisé ou confirmé, membre d’une équipe pastorale, membre d’un conseil, engagé bénévole dans l’Eglise est invité à méditer les orientations personnellement ou en groupe et à choisir les pistes qui lui conviennent. Durant l’année pastorale 2017/2018, les curés modérateurs, les responsables des services et les responsables des divers groupes seront invités à prendre le temps de se les approprier et de les faire connaître à tous les chrétiens. La mise en place des orientations sera accompagnée par le vicaire épiscopal et le service de la formation de l’Église catholique durant les 3 prochaines années. En 2020, un bilan sera fait.
Le vicaire épiscopal a rappelé le changement du paysage ecclésial fribourgeois: il a connu une époque où il y avait dans le canton quelque 150 prêtres, un dans chaque paroisse, alors qu’ils ne sont plus qu’une quarantaine aujourd’hui, dont la moitié venant de l’extérieur. Il estime qu’il faut alléger les structures, car les agents pastoraux sont de plus en plus fatigués et il leur est de plus en difficile de vivre la proximité avec les fidèles. Mais les catholiques du canton disposent encore de ressources humaines et spirituelles. Ils peuvent ainsi compter sur une «arrière-garde priante»: les dizaines de prêtres âgés, les 600 religieuses et religieux, qui, bien qu’ayant pris de l’âge, sont toujours là, les monastères qui offrent des lieux d’écoute et de ressourcement…
L’abbé Jean Glasson, qui assumera la charge de vicaire épiscopal pour le canton de Fribourg à compter du 1er septembre 2017, a participé à la démarche et se dit pleinement convaincu par ces nouvelles orientations pastorales. «Elles devraient aider l’Eglise fribourgeoise à se dégager de tout ce qui est superflu et qui n’est pas vraiment elle».
«Alléger les structures aiderait à faire mieux connaître l’Evangile», peut-on lire à la page 15 du guide de lecture des orientations pastorales. Le guide mentionne un certain nombre de pistes concrètes, notamment la diminution du nombre de délégués à la Corporation ecclésiastique catholique (CEC) ou le rappel que le conseil de paroisse n’est pas propriétaire des rentrées financières de la paroisse, qui sont au service de la pastorale.
Ces orientations ne devront pas rester dans un tiroir, a insisté l’abbé Jean Glasson. Elles devront être travaillées dans les décanats dès l’automne et donner lieu à une évaluation en mars 2018. (cath.ch/be)
Jacques Berset
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