Avec quelque 500 jeunes accueillis dans les quatre foyers de Fribourg, Zurich, Genève et désormais Sion, avec les 150 de bourses octroyées annuellement en Suisse et dans les pays d’origine, l’œuvre St-Justin participe à la mondialisation de la solidarité, comme le dit un de ses slogans.
Messe d’action de grâces, repas, concert et parcours découverte étaient au programme de la fête. Pour nombre des deux cents invités, elle fut l’occasion de retrouvailles chaleureuses avec d’anciens camarades.
Mgr Charles Morerod, président de l’œuvre, a dit toute sa joie d’être présent pour cette fête, entouré de son conseil épiscopal. Evoquant la figure de saint Justin, martyr chrétien du IIe siècle, il a souligné combien son patronage était important pour l’œuvre. En effet Justin est considéré comme le premier philosophe qui défend la foi chrétienne face au monde païen qui l’entoure. Aujourd’hui en permettant aux jeunes de se former et donc d’être capables d’affronter les questions de la vie, l’œuvre St-Justin offre un service inestimable à de nombreux pays, a relevé l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg.
Saint Justin est aussi le fondateur de la théorie des ‘semences du Verbe’ (semina verbi). Il voit dans la création et dans les personnes la trace de la présence du Christ, comme on reconnaît dans une peinture la personnalité de l’artiste. Les foyers St-Justin qui accueillent des étudiants du monde entier, y compris non-chrétiens, répondent toujours à cette même intuition. La liturgie animée en diverses langues par un petit groupe d’étudiants a en a apporté le témoignage.
Les convives se sont retrouvés au restaurant de la cité, mais aussi sur la terrasse et dans le jardin de la Cité St-Justin pour le repas de fête dans une ambiance là encore très internationale. L’association Solidarité Liban-Suisse a ensuite offert un concert à la chapelle à l’occasion du 600e anniversaire de la naissance de saint Nicolas de Flue qui partage à la chapelle un autel avec le saint libanais Charbel, un autre apôtre de la paix.
La visite de la cité guidée par des boursiers et boursières a permis enfin de découvrir ou de redécouvrir le vaste complexe dont la rénovation est aujourd’hui quasi achevé.
En fondant en 1927, à Fribourg, un foyer pour accueillir quelques étudiants chinois, l’abbé François Charrière, qui deviendra plus tard évêque de Lausanne Genève et Fribourg, n’imaginait sans doute pas l’extension qu’allait prendre cette œuvre.
Au-delà des changements survenus dans le monde et dans l’Eglise depuis 1927, les intuitions et les réflexions de l’abbé Charrière sonnent encore étonnamment justes, estime le directeur de l’œuvre Marco Cattaneo. La charte qui régit St-Justin repose toujours sur ces mêmes bases.
La fondation de l’abbé Charrière s’inscrit dans le fort élan missionnaire qui marque l’Eglise d’Europe du début du XXe siècle. Des milliers de missionnaires, hommes et femmes, se répandent aux quatre coins du monde, dans des pays lointains et inconnus dont beaucoup ne reviennent pas. La création de St-Justin est liée à la personnalité du Père Vincent Lebbe, un lazariste belge, missionnaire en Chine, qui se préoccupe notamment du sort des jeunes Chinois qui débarquent en Europe pour y étudier. François Charrière est sensible à cet appel. Son œuvre sera missionnaire, mais par l’accueil plutôt que par l’envoi.
La méthode ne sera pas celle du prosélytisme, mais celle de la rencontre à travers la vie commune quotidienne. St-Justin sera un foyer où étudiants suisses et étrangers vivront ensemble dans l’échange et le dialogue. «Dès le début, nous avons tenu à ce mélange pour que les étudiants orientaux se sentent moins seuls et constatent d’une manière concrète que nous les traitons avec une pleine égalité, exactement comme les occidentaux», écrit l’abbé Charrière. Bien avant l’heure, il met en avant le dialogue interculturel qui «doit s’apprendre par expérience personnelle». Il est fréquent de découvrir dans les chroniques du Bulletin St-Justin, des anecdotes relatant le ‘choc’ des cultures et des mentalités.
En termes d’aujourd’hui la charte de St-Justin stipule que «l’Œuvre St-Justin entend éveiller et promouvoir la compréhension de l’Eglise universelle comme communauté solidaire de foi.» Elle rappelle que «nos maisons ne sont pas des ghettos. Elles ressemblent à un village, ouvert à tous les peuples, à toutes les religions et à toutes les cultures.»
A l’heure où les termes ‘pays en développement’ et ‘Tiers-monde’ n’existent pas encore, l’abbé Charrière réfléchit déjà à l’indépendance des pays du Sud. Face au colonialisme triomphant et au concept de ‘mission civilisatrice de l’Occident’, il souligne que «l’œuvre St-Justin a été fondée d’abord pour aider à constituer en pays de mission une élite laïque.» Dès le départ, il soutient la formation, non seulement de prêtres, mais d’ingénieurs, d’avocats, de médecins, de journalistes… «Les catholiques de chaque pays doivent chercher le mieux-être de leur pays, de leur nation et travailler à son indépendance, dans le sens de la justice et de la charité», écrit-il.
«La formation est la clé d’un vrai développement»
La charte actuelle le rappelle que «les personnes en formation doivent devenir capables de résoudre les lancinants problèmes de leur pays d’origine». Plus que jamais, comme à l’époque de Mgr Charrière, la formation est la clé d’un vrai développement, relève Marco Cattaneo. En permettant à des jeunes des pays du Sud d’acquérir ici en Suisse ou dans leur pays d’origine une solide formation, St-Justin offre des gages pour un développement durable. (cath.ch/mp)
Le Bulletin St-Justin
Créé en 1936, le Bulletin St-Justin et son pendant alémanique Justinus Blätter reste aujourd’hui encore le lien principal entre l’œuvre et ses amis et donateurs. Il offre quatre fois par an non seulement des informations institutionnelles mais aussi de nombreux témoignages de vie des foyers. Les boursiers décrivent le déroulement de leurs études. Les anciens racontent leur réinsertion dans leur pays d’origine.
Dès les premières parutions, le Bulletin St-Justin offre aussi des éclairages sur la culture ou les questions religieuses. En 1940, un article parle de «la femme chinoise», en 2017, un professeur américain offre son analyse du dialogue interreligieux. Comme pour le reste de la presse papier, notamment catholiques, le Bulletin St-Justin subit depuis quelques années une érosion de son lectorat. Il est désormais disponible aussi sur internet.
Parmi les innombrables témoignages d’anciens de St-Justin, celui de la jeune Congolaise Amy Mukwa est particulièrement touchant: «J’ai eu beaucoup de chance de recevoir une bourse de l’œuvre St-Justin et j’en suit très reconnaissante, car je suis arrivée à mon but, celui d’obtenir un master en management à l’Université de Fribourg. C’est bien, c’est pour cela que je suis venue. Mais la plus belle réussite pour moi c’est que vous m’avez aidée à devenir une femme responsable, posant des actes de foi en toute liberté, faisant confiance à l’autre, pouvant s’exprimer sans crainte, et ayant l’espérance d’un avenir meilleur. J’ai grandi par votre exemple, et cela est le plus beau cadeau que j’ai reçu.»
1925 : Le Père Vincent Lebbe, missionnaire lazariste en Chine, est de passage à Fribourg. Il s’entretient avec l’abbé François Charrière de la situation des jeunes Chinois venus étudier en Europe.
1927: L’abbé Boland, un confrère du Père Lebbe, réussit à convaincre l’abbé Charrière qui se rend à Louvain, en Belgique, pour assister à un congrès de missiologie. Il s’engage auprès du Père Boland à prendre à charge trois de ses protégés chinois. En octobre, l’œuvre St-Justin est fondée. Il s’installe avec eux en dans une maison en face de l’étang du Jura.
1929: L’abbé Charrière achète la villa Miséricorde aux sœurs du Cénacle afin de constituer une communauté avec les étudiants chinois. La chapelle et le bâtiment de l’administration datent de cette époque. Avec cet achat, le foyer pourra accueillir une cinquantaine d’étudiants orientaux.
1936 : Création du Bulletin St-Justin pour servir d’organe de communication avec les donateurs.
1945: L’abbé Charrière devient évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. Il le restera jusqu’en 1970.
1951: L’œuvre St-Justin est confiée aux Père Augustins. Le Père Bernardin Wild fait connaître St-Justin dans toute la Suisse.
1951-1982 Les Augustins construisent plusieurs nouveaux bâtiments sur le site de Miséricorde pour y abriter un nombre toujours croissant d’étudiants. Un cours d’introduction aux études universitaires est mis sur pied avec le soutien de la Confédération.
1961: Création du foyer de Zurich dans une grande maison sur la colline du Züriberg.
1970: Création du foyer de Genève, dans le quartier des Pâquis
1982: L’œuvre St-Justin est confiée à la société des Missionnaires de Bethléem-Immensee. Son nouveau directeur est le Père Bruno Fürer qui continue son développement
1997: La direction est confiée pour la première fois à un laïc, Nicolas Scherer. De nouvelles constructions voient le jour (bâtiment 9) sans compter la rénovation des anciens immeubles.
2007: Marco Cattaneo reprend la direction de l’œuvre St-Justin. Un nouveau bâtiment à la rue de Rome 1 sert aux cours d’introduction aux études universitaires (CIUS) avant d’être cédé à l’Etat de Fribourg quelques années plus tard.
2009: Des locaux sont loués à l’Université de Fribourg pour le développement des études de médecine
2016: Un quatrième foyer est ouvert à Sion, en Valais avec la collaboration des religieux marianistes.
2016: St-Justin reprend la Maison de Torry des Missionnaires de Bethléem
Maurice Page
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