«Même si leurs forces ont été réduites au cours des dernières années, les groupes extrémistes musulmans en Afrique constituent toujours un danger. Ces groupes sont-ils en retrait ou ont-ils subi de lourdes défaites militaires?», s’interroge l’anthropologue allemand Roman Loimeier.
Il s’exprimait avec d’autres spécialistes sur les ondes de Deutsche Welle, la radio publique internationale allemande. «Ils ont manifestement le potentiel de mener des attaques dévastatrices», relève-t-il. «De plus, bien que les islamistes ne constituent qu’une fraction de la population musulmane en Afrique, ils représentent des tendances radicales plus larges dans l’Islam», ajoute-t-il. En Afrique environ 43% des habitants se considèrent comme musulmans et le continent a une réputation de tolérance religieuse.
Pour la Fondation Konrad Adenauer, «l’islam en Afrique de l’Ouest a évolué quelque peu, à la différence de l’Islam du Moyen-Orient, car, ayant été influencé par les traditions africaines préexistantes. Il se caractérise notamment par la tolérance et la non-violence».
En Afrique environ 43% des habitants se considèrent comme musulmans
Abdoulaye Sounaye, anthropologue au Centre d’études orientales modernes (ZMO) de Leibniz, relève qu’il y a eu «une augmentation des groupes musulmans radicaux en Afrique depuis les années 90». L’islam radical, poursuit-il, est devenu encore plus important dans la vie politique, culturelle, sociale et même économique des pays africains. Selon lui, tous ceux qui adhèrent à l’islam conservateur recherchent le pouvoir ou soutiennent l’usage de la violence.
La crise politique et sociale dans de nombreux pays est l’une des principales causes de la montée en puissance du conservatisme musulman en Afrique. Après la chute du communisme en Europe de l’Est dans les années 90, la vague de démocratisation a atteint de nombreuses régions du continent. Beaucoup de ces nouvelles démocraties souffrent de corruption, de mauvaise gestion et du manque de confiance de leur population dans le système étatique.
Cela a créé un espace pour la pensée religieuse radicale. Dans ces conditions, «le salafisme est devenu une idée révolutionnaire qui peut être attrayante pour certains groupes sociaux, tels que les jeunes et les femmes qui rejettent l’Etat», indique Abdoulaye Sounaye.
«Dans les cas où l’Etat n’a pas protégé ni soutenu ces couches sociales, les groupes religieux musulmans ont offert de l’aide, se faisant passer pour un ‘Evangile de la prospérité'». Ils mobilisent des fonds pour toute sorte de projets: écoles primaires, collèges, hôpitaux, puits, etc… Ces services sociaux ont fourni aux organisations salafistes en Afrique une plate-forme pour devenir populaire.
Leur popularité a été renforcée grâce à des dons généreux des pays du Golfe: Arabie Saoudite, Qatar, Koweit, etc…. De tels dons permettent aux groupes islamiques africains conservateurs de financer des mosquées, des organismes de bienfaisance et même de diffuser leur message à travers les médias.
Le professeur Roman Loimeier tient à relativiser cette tendance conservatrice de l’islam en Afrique. Le phénomène est contrebalancé par de nombreux mouvements plus progressistes qui commencent à émerger. «Les sociétés musulmanes et l’islam en Afrique subsaharienne sont de plus en plus diversifiées», remarque-t-il, ajoutant qu’il existe un large éventail de mouvements de réforme parmi les soufis, visant à rendre leur foi plus transparente et à encourager les femmes à aller à l’école.
Le professeur Loimeier met cependant en garde contre le risque de voir les groupes extrémistes non armés apparaître aux côté des groupes radicaux musulmans, tels que Boko Haram, Ansar Dine, al-Shabaab, notamment dans les pays autoritaires. «Dans ces pays, l’islam est devenu un symbole de rébellion pour ceux qui ont été opprimés. Un fondement idéal pour le début d’un mouvement radical», souligne-t-il.
Le professeur Loimeier avertit que l’Ethiopie reste à surveiller. Le régime en place a commis quelques erreurs regrettables au cours des dernières années. «Les groupes radicaux musulmans sont prêts à émerger et la population pourrait les soutenir si la situation ne s’améliore pas». (cath.ch/ibc/bh)
Bernard Hallet
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