La lettre pastorale des évêques belges est le fruit d’une longue et profonde analyse de l’exhortation apostolique post-synodale Amoris Laetitia (»La Joie de l’amour»), qui traite de l’amour dans la famille et qui a été publiée par le souverain pontife dans la foulée des deux synodes sur la famille qui se sont tenus à Rome, en 2014 et 2015. La lettre pastorale des évêques, adressée à tous les prêtres, diacres, animateurs et animatrices pastoraux, donne des clés de lecture du texte.
Ils rappellent tout d’abord qu’Amoris Laetitia explique en quoi le mariage et la famille sont si précieux et pourquoi l’Eglise y a toujours attaché tant d’importance. Le mariage est avant tout un sacrement, c’est-à-dire «un signe visible – aussi imparfait soit-il – de l’amour et de la fidélité de Dieu», écrivent les évêques.
Citant de larges passages de l’exhortation apostolique, les évêques se demandent comment les idées et les impulsions d’Amoris Laetitia peuvent être fécondes pour l’Eglise en Belgique. «Telle est aussi la raison pour laquelle nous nous adressons dans cette lettre à tous ceux qui exercent une responsabilité pastorale dans notre communauté d’Eglise et en particulier aux responsables de pastorale familiale», poursuivent-ils.
Que retiennent les évêques belges d’Amoris Laetitia pour la pastorale des couples et des familles? Dans leur lettre, ils mettent en évidence trois axes: la préparation au mariage, l’accompagnement des familles et l’attitude à adopter à l’égard de personnes dont la relation s’est brisée.
Pour le premier point, les évêques admettent qu’aujourd’hui, être chrétien et se marier, surtout religieusement, ne va plus de soi. Ils invitent cependant les acteurs de la pastorale des couples à accueillir ceux qui veulent s’engager dans le sacrement du mariage, mais surtout à les accompagner et à les aider à discerner ce que signifie le mariage religieux. Ils en appellent donc à la mise en place d’un «catéchuménat de mariage», véritable cheminement d’approfondissement de la foi. Tout en admettant que tous les couples ne demandent pas une préparation aussi intense, ils mettent néanmoins en garde face à une approche trop minimaliste. Et de poser un premier appel au discernement: «Cette préparation ne peut ni ne doit se passer partout de la même manière.» Toutefois, les évêques émettent le souhait qu’au moins trois moments de préparation aient lieu: «que signifie être chrétien aujourd’hui?, que signifie un mariage et un foyer chrétiens? et la préparation de la liturgie du mariage».
En matière d’accompagnement des couples et des familles, les évêques belges démontrent leur pleine connaissance des réalités actuelles. Ainsi, ils sont conscients que, dans toujours plus de familles, les deux partenaires ne sont pas nécessairement croyants ou chrétiens. «Cela n’empêche aucunement leur engagement dans l’amour et la fidélité», insistent-ils. Pas question, ici, de donner des lignes directrices générales mais plutôt d’encourager des initiatives rassemblant la famille au sens large (parents, enfants, grands-parents, etc.). Lucides sur la beauté du mariage mais aussi sur sa fragilité, les évêques belges appellent à soutenir, avec l’aide des communautés locales, les jeunes couples, «surtout lorsque leur relation entre en crise». Ils n’omettent pas de décrier les situations qui peuvent contribuer à fragiliser la relation de couple, telles la misère, le souci des enfants, la perte de travail ou la pression psychologique. Ils demandent donc aux prêtres, diacres et autres responsables pastoraux d’être attentifs à ces situations.
Dans la foulée, la lettre pastorale aborde un sujet sensible: l’attitude à l’égard des personnes dont le couple s’est brisé. Un point où beaucoup attendent les prélats belges «au tournant». Et là, la position adoptée est empreinte d’une grande ouverture, marquée par ce leitmotiv qu’est le discernement. Un mariage qui échoue a des conséquences multiples pour toute une série de personnes: les époux, bien sûr, les enfants, la famille, voire les amis. «Notre mission est et reste de soutenir les personnes, de les accompagner et de rester en lien avec elles.»
Les évêques n’éludent pas la délicate question de la communion pour les personnes divorcées remariées, un thème qui est abordé explicitement dans le chapitre huit d’Amoris Laetitia. S’ils précisent que «l’indissolubilité du mariage appartient au trésor fondamental et irrévocable de la foi de l’Eglise», ils soulignent aussi que, pour le pape, toutes les situations ne devraient pas être abordées de la même manière. Sans détour, ils réaffirment que les divorcés remariés font partie de l’Eglise, précisant que, dans cette problématique, le pape François a placé le discernement nécessaire comme concept central dans l’approche à adopter. Clairement, l’épiscopat belge adopte une position d’ouverture sur les propos du pape: «On ne peut donc pas décréter que tous les divorcés remariés peuvent être admis à la communion. On ne peut pas non plus décréter qu’ils en sont tous exclus. Le cheminement de chaque personne demande le discernement nécessaire en vue d’une décision pastorale prise en conscience.» Il ajoute que toute la pastorale doit être orientée autour de trois concepts de base: l’accompagnement, le discernement et l’intégration. Les évêques demandent à ce que, dans cette démarche de discernement, les personnes puissent compter sur un accompagnement pastoral, sur un dialogue avec un prêtre, un diacre ou un autre agent pastoral.
«Amoris Laetitia ouvre bien clairement une porte aux divorcés remariés pour qu’ils puissent recevoir l’aide des sacrements. Mais cette décision, ils ne peuvent – pas plus que les autres croyants – la prendre à la légère», écrivent les prélats de notre pays, appelant à relire ce que le pape avance comme critères. «Dans une telle démarche de discernement, juger en conscience est important de la part des personnes impliquées, tout comme des responsables pastoraux.»
Enfin, les membres de l’épiscopat belge soulignent le poids que le pape François reconnaît à la décision prise en pleine conscience par les croyants: «Nous sommes appelés à former les consciences, mais non à prétendre nous substituer à elles.» (AL 37)
Indiquant qu’une démarche de discernement ne conduit pas à un oui ou un non automatique à pouvoir communier, les évêques admettent qu’il se peut aussi que quelqu’un décide en conscience de recevoir l’Eucharistie. Et la réponse est évidente pour eux, à la lumière d’Amoris Laetitia: «Cette décision mérite aussi le respect. Entre le laxisme et le rigorisme, le pape François choisit la voie du discernement personnel et d’une décision prise soigneusement et en conscience.»
Et de conclure en précisant que, comme évêques de notre pays, ils veulent exprimer leur reconnaissance pour Amoris Laetitia et pour le chemin qu’indique le pape François pour l’Eglise: «ne pas renoncer au bien possible, même si elle court le risque de se salir avec la boue de la route’.» (cathobel/jjd/cath.ch/pp)
La Lettre pastorale des évêques de Belgique [pdf]
Pierre Pistoletti
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