Un cardinal inattendu: Mgr Ling, vicaire apostolique au Laos

L’annonce par le pape François, le 21 mai 2017, de l’élévation prochaine au cardinalat de Mgr Louis-Marie Ling Mangkhanekhoun, vicaire apostolique du Laos, a créé la surprise. Le pontife a sans doute voulu mettre en avant le courage du prélat qui représente une petite minorité de catholiques dans un pays où le régime communiste voit toujours l’Eglise d’un mauvais œil.

En 2000, le fait d’être nommé par le pape Jean Paul II à la tête du vicariat apostolique de Pakse, dans le sud du Laos, avait déjà constitué un choc pour le Père Mangkhanekhoun, alors âgé de 56 ans, rapporte Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris. Sa surprise a été encore plus grande lorsqu’il a appris qu’il était l’un des cinq nouveaux cardinaux annoncés par le pape François. Il seront créés lors d’un consistoire qui se tiendra le 28 juin prochain à Rome. Il deviendra alors le premier cardinal originaire du Laos.

Né le 8 avril 1944, Louis-Marie Ling effectue sa formation au sein de l’institut Voluntas Dei à Québec et est ordonné prêtre en 1972. Le 30 octobre 2000, il est le premier vicaire apostolique à être consacré à Pakse depuis l’érection du vicariat apostolique en 1967. Président de la Conférence épiscopale du Laos et du Cambodge (CELAC) de 2009 à 2014, il est nommé administrateur du vicariat apostolique de Vientiane en février 2017.

Une liberté religieuse limitée

Dans ce pays culturellement bouddhiste de 6,7 millions d’habitants, le christianisme est considéré comme une religion étrangère. Les catholiques y sont environ 50’000, représentant moins de 1% de la population. Dans ce pays de mission, quatre vicariats apostoliques sont à la charge d’une vingtaine de prêtres diocésains, de trois évêques et, à compter du 28 juin prochain, d’un cardinal. Une situation d’autant plus inédite que le 11 décembre dernier, dix-sept martyrs du Laos, morts récemment (entre 1954 et 1970, dans le contexte politique particulièrement complexe de la décolonisation, des guerres de libération nationale et de la guerre froide), ont été béatifiés. La cérémonie s’était déroulée à Vientiane, avec l’autorisation et en présence des autorités civiles, alors que la liberté religieuse reste très limitée dans le pays.

Le régime souffle le chaud et le froid

Le Pathet Lao (Parti communiste) dirige sans discontinuité la République démocratique populaire lao depuis la révolution de 1975. Après avoir mené une politique répressive contre l’Eglise locale (fermeture des institutions religieuses, confiscation des biens ecclésiastiques, des hôpitaux et des écoles, expulsion des prêtres et des congrégations, interdiction de la pratique religieuse, …), les autorités civiles demeurent méfiantes et exercent une étroite surveillance sur les activités de l’Eglise. Le culte, les ordinations et les déplacements des membres du clergé sont soumis à autorisations gouvernementales. L’autorisation de célébrer la béatification des dix-sept martyrs à Vientiane témoigne d’une certaine volonté d’apaisement de la part des autorités, affirme EdA.

Mgr Ling a toujours recherché une forme d’»harmonie» avec les autorités civiles. La présence du vice-gouverneur de la province de Champassak à la cérémonie au cours de laquelle Mgr Ling avait été consacré vicaire apostolique de Pakse, en 2000, démontrait la volonté des responsables politiques et religieux de développer des relations apaisées. A la fin de la cérémonie de béatification des dix-sept martyrs, le directeur adjoint du Front Lao pour l’édification de la nation, organisme d’Etat placé sous la direction du Parti et du ministère de l’Intérieur qui chapeaute les religions, a longuement fait l’éloge de la doctrine et de l’action de l’Eglise catholique au Laos.

Pour autant, le gouvernement prépare actuellement une nouvelle réglementation en matière religieuse, qui ne semble pas avoir vocation à faciliter la vie de l’Eglise catholique au Laos, souligne EdA. «Le gouvernement ne veut pas remettre en cause l’existence de l’Eglise, mais je m’attends à ce que les choses deviennent plus difficiles», expliquait récemment Mgr Ling à l’agence d’information.

Un travailleur des «périphéries»

Dans ce pays où la présence des missionnaires étrangers demeure interdite et où, en l’absence de prêtres, l’Eglise a longtemps été à la charge des laïcs, Mgr Ling se montre particulièrement attentif à la qualité de la formation des futurs prêtres. Mgr Ling est responsable d’un territoire particulièrement vaste, qui correspond aux «périphéries» où l’Eglise est incitée par le pape François à mener son action. Ce dernier a par ailleurs déclaré que la provenance de cardinaux de diverses parties du monde manifeste la catholicité de l’Eglise répandue sur toute la terre.

Les quatre autres prochains cardinaux sont Mgr Jean Zerbo, 73 ans, archevêque de Bamako, au Mali, Mgr Anders Arborelius, 67 ans, évêque de Stockholm, en Suède, Mgr Juan José Ornella, 71 ans, archevêque de Barcelone, en Espagne, et Mgr José Gregorio Rosa Chavez, 74 ans, évêque auxiliaire de San Salvador, la capitale du Salvador. (cath.ch/eda/rz)

Raphaël Zbinden

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