A Fatima, vous vous êtes présenté comme évêque vêtu de blanc… Qu’est-ce que cela signifie, parce que jusqu’à présent cet évêque figurait dans les visions de Fatima ?
La prière, ce n’est pas moi qui l’ai faite. C’est le sanctuaire. J’ai aussi cherché, mais il y a un lien avec le blanc de l’évêque, le blanc de la Madone, le blanc de l’innocence des enfants et le baptême. Il y a un lien dans toute la prière avec la couleur blanche.
Je crois que, littéralement, ils ont cherché à exprimer, avec ce blanc, cette volonté d’innocence, de paix, de ne pas faire de mal à l’autre, de ne pas faire la guerre. (…) Concernant les visions de Fatima [et le 3e secret ndlr], je crois que le cardinal Ratzinger a tout expliqué clairement.
Medjugorje ?
Toutes les apparitions ou les présumées apparitions appartiennent à la sphère privée. Elles ne font pas partie du magistère public ordinaire de la foi. Sur Medjugorje ? Benoît XVI a lancé une commission présidée par le cardinal Ruini. Fin 2013, début 2014, j’ai reçu les résultats de la part de Ruini. C’est une commission formée de bons cardinaux, des théologiens. La commission formée par Ruini est très, très bonne.
Ensuite, il y avait encore quelques doutes à la Congrégation pour la doctrine de la foi. Et la Congrégation a jugé opportun d’envoyer toute la documentation aux membres de la feria quarta [un des conseils de la Congrégation]. Y compris des [documents] qui semblaient contre la commission Ruini. J’ai reçu cela un samedi soir, et cela ne m’a pas paru juste. C’était comme mettre aux enchères l’enquête Ruini, qui était très bien faite. Le dimanche matin, le préfet de la Congrégation [le cardinal Müller, ndlr] a reçu une lettre qui demandait, au lieu d’envoyer ces éléments à la feria quarta, de me les envoyer à moi, personnellement, ces opinions. Et toutes soulignaient la densité de l’enquête Ruini.
Il faut en principe distinguer trois choses. Les premières apparitions, qui étaient celles des enfants. L’enquête dit, plus ou moins, qu’il faut continuer à enquêter là-dessus. Puis les apparitions… les présumées apparitions actuelles, l’enquête a des doutes. Moi personnellement, je suis plus méchant, je préfère la Madone mère, notre mère, et non la Madone chef de service, avec des graphiques et qui envoie des messages tous les jours. (…) Cette femme n’est pas la maman de Jésus. Ces présumées apparitions n’ont pas tant de valeurs, je le dis comme une opinion personnelle, mais c’est clair. Qui pense que la Vierge dirait : ›venez donc demain à partir de telle heure, je dirai un message à tel voyant’ ? Non… Il faut distinguer les deux types d’apparitions.
Enfin, troisièmement, le noyau de l’enquête Ruini: le fait spirituel, et pastoral, des gens qui se rendent là, se convertissent, les gens qui rencontrent Dieu et changent de vie. Il n’y a pas de baguette magique là- bas. On ne peut pas nier ce fait spirituel et pastoral. Maintenant, il faut voir les choses avec toutes ces données, avec les réponses que m’ont données les théologiens. J’ai nommé comme évêque [pour enquêter sur place, ndlr] un bon évêque qui a cette expérience pour voir comment se passe la partie pastorale, et à la fin on dira quelque paroles.
La perspective d’un accord avec la Fraternité Saint-Pie X ?
J’écarterai toute forme de triomphalisme. Complètement. Il y a quelques jours, la feria quarta de la Congrégation pour la doctrine de la foi – on l’appelle la feria quarta, car elle se réunit le mercredi – a étudié un document. Et le document n’est pas encore abouti. J’ai étudié le document (…).
Deuxièmement, les rapports actuels sont fraternels. L’année dernière, j’ai leur donné à tous la permission pour la confession, et aussi une forme de juridiction pour les mariages. Mais avant, aussi, les problèmes qui devaient être résolus par la doctrine de la foi, la Congrégation pour la doctrine de la foi les traitait. Par exemple les abus: les abus [sexuels, ndlr] chez eux, ils nous en référaient. Ainsi pour la Pénitencerie. Ainsi pour la réduction à l’état laïc d’un prêtre. Il y a donc des rapports fraternels. Avec Mgr Fellay, j’ai de bons rapports. Nous avons parlé quelques fois. Je ne veux pas brusquer les choses. Cheminer, cheminer, cheminer, et après on verra. Pour moi, ce n’est pas un problème de gagnants ou de perdants, mais de frères, qui doivent cheminer ensemble en cherchant la formule pour faire des pas en avant.
Hier, vous avez demandé aux fidèles d’abattre tous les murs, mais le 24 mai, vous allez rencontrer un chef d’Etat [le président américain Donald Trump] qui, au contraire, menace d’en construire. C’est un peu le contraire de vous. (…) Quelles attentes avez-vous à l’égard d’un chef d’Etat qui semble à l’opposé de vous ?
Je ne porte jamais un jugement sur une personne sans l’écouter. Je crois qu’il n’est pas possible de faire cela. Je dirai ce que je pense, il dira ce qu’il pense… Je n’ai jamais jugé sans écouter la personne. [Sur les migrants] Vous savez bien ce que j’en pense. [Ce qu’il attend de cette rencontre] Il y a toujours des portes qui ne sont pas fermées… Chercher les portes qui au moins sont un peu ouvertes… Entrer et parler des choses communes, et aller de l’avant, pas à pas.
La paix est artisanale, elle se fait chaque jour. Et aussi l’amitié entre les personnes, la connaissance mutuelle, l’estime sont artisanales. Elles se font tous les jours. Le respect… de l’autre, dire la vérité de ce que chacun pense, mais dans le respect… Cheminer ensemble. Il faut être très sincère avec ce que chacun pense. [Je ne veux pas faire] de calcul politique (…) je ne me permettrai pas de faire. Et sur le plan religieux, non plus, je ne suis pas prosélyte.
Le lien entre le 13 mai et votre nomination comme évêque auxiliaire ?
Les femmes savent tout (rire) ! Je n’avais pas pensé à la coïncidence. C’est seulement hier que je me suis rendu compte qu’un 13 mai, j’ai reçu l’appel du nonce, il y a 25 ans. J’en ai parlé à la Madone, je lui ai demandé pardon pour mes erreurs et mon mauvais goût pour choisir les gens. C’est hier seulement que je m’en suis aperçu…
L’œcuménisme et la possibilité de l’intercommunion ?
Il y a eu des pas en avant, le voyage en Suède a été très significatif. Ça a été le début d’une collaboration avec la Suède, significative dans le cheminement ensemble. La Caritas luthérienne et la Caritas catholique se sont mises d’accord pour travailler ensemble. C’est un grand pas. Dieu est le Dieu des surprises, mais nous ne devons jamais nous arrêter, cheminer avec la grâce et le martyre, faire les œuvres de miséricorde ensemble, annoncer que la grâce vient de Lui seul. Les théologiens étudient et on doit continuer à cheminer…
La Commission de protection des mineurs et la démission de Mary Collins en mars dernier: qui en porte la responsabilité ?
Mary Collins [L’Irlandaise Marie Collins, qui a récemment démissionné de la Commission pontificale pour la protection des mineurs, avait été elle-même victime d’un prêtre pédophile dans son adolescence, ndlr] m’a bien expliqué la chose. J’ai parlé avec elle, c’est une brave femme, mais elle continuera de travailler [avec le Vatican] sur la formation avec les prêtres. C’est une femme bien, qui veut travailler. Mais, elle a fait cette accusation, et elle a un peu raison. Pourquoi ? Parce qu’il y a tellement de cas en retard, parce que les retards se sont accumulés. Il a fallu faire des règles pour cela: que doivent faire les évêques dans les diocèses… ? Aujourd’hui, dans quasiment tous les diocèses, il y a le protocole pour les traiter. C’est un grand progrès, comme ça, les dossiers sont bien faits. Ça, c’est une avancée. Un autre pas.
Mais il faut plus de gens compétents là-dessus. Le secrétaire d’Etat cherche, Mgr Müller également, à présenter de nouvelles personnes. L’autre jour, 2 ou 3 personnes en plus ont été embauchées. On a changé le directeur du bureau disciplinaire. Il était bien, il était très bien, mais il était un peu fatigué. Il est rentré dans son pays pour faire la même chose auprès de son épiscopat. Le nouveau est irlandais, Mgr Kennedy, il est très bien, très efficace, et cela aidera.
Puis il y a une autre chose: parfois les évêques envoient, si la procédure est bonne, à la quatrième section. La 4e section étudie et décide. Si la procédure va mal, le dossier revient en arrière. Pour cette raison, on pense à des aides continentales, sur un continent ou deux, par exemple en Amérique latine, une en Colombie, une autre au Brésil, comme des sortes de pré-tribunaux ou des tribunaux continentaux. Mais ça, c’est en cours de planification. Si la procédure est bonne, la 4e section statue et retire la charge cléricale. L’affaire revient au diocèse, et le prêtre fait un recours. Avant le recours était examiné par la 4e section, qui était la même qui avait statué en première instance, et ça, c’est injuste.
J’ai donc créé un autre tribunal, et j’y ai mis à sa tête une personne indiscutable, très compétente, l’archevêque de Malte, Mgr Scicluna, qui est l’un des plus forts contre les abus. Et maintenant, parce que nous devons être justes, celui qui fait un recours a le droit d’avoir un défenseur. Si le cas est confirmé, il ne lui reste que la solution d’envoyer une lettre pour demander la grâce au pape. Moi je n’ai jamais signé une seule grâce. On est en train d’avancer, Mary Collins sur ce point avait raison, mais nous étions également sur la voie, mais il y a 2000 cas accumulés. (cath.ch/imedia/ap/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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