Jôli préfère que l’on s’en tienne à son nom d’auteur. De confession évangélique, ce vaudois de 46 ans a côtoyé l’univers de l’islam en Afrique du Nord durant de nombreuses années. De retour en Suisse, il s’engage professionnellement dans le monde de la bande dessinée, après huit mois de stage dans l’atelier jurassien d’Alain Auderset. Ses bandes dessinées mettent en scène Sam et Salem: l’un chrétien, l’autre musulman.
D’où est née votre envie d’entrer en dialogue avec l’islam?
Avec ma femme et mes enfants, j’ai vécu onze ans en Mauritanie. J’y rencontré de nombreux musulmans. Certains sont devenus des amis. Ils ont tout de suite accepté le croyant que je suis, bien que ma foi diffère de la leur. La pratique de leur foi m’a parfois impressionné. Il y a des musulmans qui prient avec beaucoup de ferveur. Je ne leur arrive pas à la cheville. En même temps, aucun n’est certain d’être sauvé. Je leur demandais ce qui allait se passer à leur mort. Est-ce que Dieu les accueillera au paradis? «Inch Allah», me répondaient-ils. Si Dieu veut. Ma première BD, c’était un moyen de partager avec eux mon espérance chrétienne. Inversement, je tenais aussi à ce que les non-musulmans qui la liraient puissent, en la refermant, connaître au moins les cinq piliers de l’islam.
Vous parlez d’amitié entre musulmans et chrétiens. Peut-on aller plus loin?
On peut s’entendre sur de nombreux sujets. C’est beaucoup plus facile de parler de Dieu avec un musulman qu’avec un Vaudois athée. En même temps, je suis assez catégorique. J’ai rencontré le Christ à 19 ans. Pour moi, il est Dieu. Pas pour un musulman. On ne sera pas d’accord sur ce point, ce qui ne nous empêche pas de nous entendre et de partager nos convictions.
Votre deuxième BD, que vous publiez ces jours, s’éloigne quelque peu de la thématique religieuse pour évoquer le quotidien d’un migrant musulman, ici en Suisse. Pourquoi ce choix?
Ma première BD n’a pas vraiment eu de succès en dehors des cercles évangéliques. C’était une déception pour moi. Cette fois-ci, je mets en scène un migrant musulmans ici à Lausanne. L’histoire sera peut-être plus accessible. Les gens devraient pouvoir s’identifier davantage. Et c’est pour moi un honneur que cet album soit préfacé par Erich Dürst, le directeur de l’EVAM [Etablissement vaudois d’accueil des migrants ndlr].
Avez-vous l’occasion de côtoyer des migrants ici en Suisse?
Oui, je fais partie d’une association évangélique qui œuvre dans certains centres de requérants d’asile. Je les rencontre chaque semaine. On mange ensemble, on joue au foot. On a monté des ateliers de cuisine ou de peinture. On ne fait pas de prosélytisme, mais on prend le temps de la rencontre. Dans certains contextes, on parle de notre foi ou on partage un message d’évangile.
Quel message souhaitez-vous faire passer à travers votre dernière BD?
J’aimerais casser les idées reçues sur les musulmans. Non, un musulmans n’est pas d’abord un terroriste! Et puis aussi faire comprendre aux gens que les migrants ne sont pas que des personnes à aider. Nous avons aussi à recevoir d’eux. Mais pour cela, il faut avoir conscience que ces gens que l’on accueille ont aussi des choses à nous apporter. (cath.ch/gr)
Sortie le 12 mai 2017, la BD «Sam et Salem, migrant» sera disponible à la librairie Payot, Vaud, ainsi que dans les libraires chrétiennes.
Grégory Roth
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/sam-salem-lhistoire-dune-amitie-improbable-dessinee-joli/