Les papes et Fatima: cinquante ans d'histoire

Le pape François se rendra en pèlerinage à Fatima les 12 et 13 mai prochains. Trois pape l’ont précédé dans ce sanctuaire marial: Paul VI en 1967, Jean Paul II en 1982, 1991 et 2000, et enfin Benoît XVI en 2010. A cette occasion, I.MEDIA consacre une série à l’histoire particulière qui unit chacun de ces pontifes à Fatima.

Paul VI

Premier pape contemporain à se rendre en visite pastorale hors d’Italie, Paul VI est aussi le premier pontife à aller en pèlerinage à Fatima, le 13 mai 1967, pour le cinquantenaire des apparitions de la Vierge Marie aux bergers.

Alors que le Second concile œcuménique du Vatican a été clos dix-huit mois auparavant, le Souverain pontife profite de ce pèlerinage pour appeler l’Eglise à l’unité. Il met ainsi vivement en garde contre certaines interprétations du Concile qui commencent déjà à apparaître.

Le concile de Vatican II, affirme Paul VI, «a réveillé beaucoup d’énergies au sein de l’Eglise, il a ouvert des perspectives plus larges dans le champ de sa doctrine, il a appelé tous ses fils à une conscience plus claire, à une collaboration plus intime, à un apostolat plus vivant».

«Quel dommage ce serait si une interprétation arbitraire et non autorisée par le magistère de l’Eglise faisait de ce réveil une inquiétude, désagrégeant sa traditionnelle et constitutionnelle consistance, si elle substituait à la théologie des grands et authentiques maîtres des idéologies nouvelles et particulières».

Le résultat serait alors, poursuit le pape, «d’enlever à la règle de la foi tout ce que la pensée moderne, à qui manque parfois même la lumière de la raison, ne comprend pas, n’apprécie pas». Cela transformerait ainsi «la préoccupation apostolique de la charité qui sauve en un accord avec les formes négatives de la mentalité profane et des mœurs mondaines».

Jean-Paul II

Dès son enfance, Jean Paul II a toujours nourri une dévotion mariale particulière. Après l’attentat du 13 mai 1981 – par Mehmet Ali Agca – le pontife déclare avoir senti «une main maternelle qui guida la trajectoire du projectile», lui passant près du cœur.

Très vite, le pontife attribue sa survie à la Vierge de Fatima, fêtée le même jour, le 13 mai. Peu de temps après l’attentat, il offre le projectile à l’évêque de Leira-Fatima, qui le fera enchâsser dans la couronne de la statue de la Vierge. Et dès le 13 mai 1982, un an jour pour jour après l’attentat, le pontife se rend en pèlerinage à Fatima. Il y retournera en 1991 et en 2000. Voici ses principales déclarations:

1982: «Appel à la conversion et à la pénitence»

«Si l’Eglise a écouté le message de Fatima, c’est surtout parce qu’il contient une vérité et un appel, qui dans leur contenu fondamental sont la vérité et l’appel de l’Evangile lui-même. […] Le message de Fatima est dans son noyau fondamental l’appel à la conversion et à la pénitence, comme dans l’Evangile. […] L’appel à la pénitence est maternel et, en même temps, fort et décisif».

1991: «Le Portugal gardera toujours la foi»

«Le fait que Notre-Dame ait choisi ce pays pour manifester sa protection maternelle pour l’humanité, est une garantie que le Portugal gardera toujours ce qu’il a de plus précieux: la foi. La foi est la lumière suprême de l’humanité ! Qui resplendit toujours plus forte et pénètre en profondeur dans l’âme de ce peuple bien-aimé et les différents contextes sociaux et culturels de son existence ! Que tous (…) s’engagent pour garder un cœur pur et équilibré, comme ton Cœur immaculé, au service de l’Evangile !»

2000: «L’école de la Madone»

«La Madone a besoin de chacun de vous [les enfants, ndlr] pour consoler Jésus, triste en raison des torts qui lui sont faits ; elle a besoin de vos prières et de vos sacrifices pour les pécheurs. Demandez à vos parents et à vos enseignants de vous inscrire à l’’école’ de la Madone, afin qu’elle  vous enseigne à devenir comme les pastoureaux, qui cherchaient à faire ce qu’elle leur demandait»

Benoit XVI

Dès avant son pontificat, Benoît XVI (2005-2013) a joué un rôle particulier dans l’histoire de Fatima. Alors qu’il est encore préfet de la Congrégation de la doctrine de la foi, le cardinal Joseph Ratzinger est chargé par le pape Jean Paul II de rendre public le troisième et dernier secret des apparitions de Fatima, à l’occasion du Grand Jubilé de l’an 2000 et de la béatification de François et Jacinthe Marto. Ce ‘troisième secret’ traite de la persécution contre l’Eglise et contre le successeur de Pierre.

Le 26 juin 2000, ce secret, qui suscite beaucoup de polémiques, est dévoilé à la presse par le cardinal Ratzinger, assorti d’un commentaire théologique. Déjà le 13 mai de la même année, le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, en avait présenté les grandes lignes et avait averti que «les situations auxquelles fait référence la troisième partie du secret de Fatima semblent désormais appartenir au passé».

Le sang des martyrs

Dans son commentaire théologique, le cardinal Ratzinger affirme notamment que le sens de la vision de Fatima n’est pas de montrer «un film sur l’avenir irrémédiablement figé». Mais au contraire, de «mobiliser les forces pour tout changer en bien. […] La vision parle plutôt de dangers et de la voie pour en être sauvegardés».

Pour lui, la conclusion du ›secret’ est une vision «consolante», qui veut qu’une histoire «de sang et de larmes» soit perméable à la puissance de guérison de Dieu. «Des Anges recueillent sous les bras de la croix le sang des martyrs, écrit-il, et irriguent ainsi les âmes qui s’approchent de Dieu. Le sang du Christ et le sang des martyrs doivent être considérés ensemble: le sang des martyrs jaillit des bras de la croix».

«La mission prophétique de Fatima» n’est pas achevée

Cependant, une fois élu pape, le même Joseph Ratzinger affirme, le 13 mai 2010, lors de son pèlerinage dans la cité mariale portugaise: «Celui qui penserait que la mission prophétique de Fatima est achevée se tromperait. (…) L’homme a pu déclencher un cycle de mort et de terreur, mais il ne réussit pas à l’interrompre… Dans l’Ecriture Sainte, il apparaît fréquemment que Dieu est à la recherche des justes pour sauver la cité des hommes et il en est de même ici, à Fatima».

Dans le livre d’entretiens avec Peter Seewald, Lumière du monde (2010), le pontife revient sur ce qui pourrait apparaître comme un changement de position. Il faut, explique-t-il, distinguer d’un côté les événements déterminés représentés dans les visions, et de l’autre le message de Fatima. Ainsi, les visions faisaient allusion " à un instant critique dans l’histoire: tout le pouvoir du mal qui s’est cristallisé au cours de ce XXe siècle, dans les grandes dictatures et qui agit encore aujourd’hui».

La «transformation des cœurs» plutôt que de «grandes actions politiques»

A l’inverse, poursuit le pontife, «le message n’est justement pas clos […] la souffrance de l’Eglise demeure, la menace qui pèse sur l’homme demeure, l’attente d’une réponse demeure elle aussi». Ce dont vient témoigner le phénomène de Fatima, souligne encore le 265e pape, c’est que «la réponse ne consiste pas en de grandes actions politiques ; elle ne peut en dernier ressort provenir que de la transformation des cœurs – de la foi, de l’espoir, de l’amour, de l’expiation».

Dans une lettre du 15 mars 2016 à l’historien Yves Chiron, retranscrite dans son livre Fatima Vérités et légendes (éd. Artège, 2017), celui qui est désormais pontife émérite explique en français: «même si on peut interpréter la vision sur un événement précis [l’attentat de 1981, ndlr], on peut néanmoins voir en elle également un renvoi à des menaces toujours nouvelles et des dangers qui continuent». Et Benoît XVI de certifier en revanche ’»qu’un quatrième secret de Fatima n’existe pas».


Le message vidéo du pape François aux habitants du Portugal

Dans une courte allocution en langue portugaise, le pape François déclare venir au sanctuaire marial «dans ses habits de Pasteur universel» pour présenter à la Sainte Vierge «un bouquet des plus belles fleurs que Jésus lui a confiées […] à savoir, les frères et sœurs du monde entier rachetés par son sang, sans exclure personne». «Je confie chacun de vous», affirme le successeur de Pierre, à Notre-Dame.

La Vierge, poursuit le pape François, nous accompagne dans ce pèlerinage qui doit être un moment de «conversion». Aussi, souligne-t-il, «je me réjouis de savoir que vous vous préparez par une intense prière».

De même, ajoute-t-il, «je vous remercie de vos prières et de vos sacrifices que vous offrez quotidiennement pour moi et qui sont très précieux, car je suis un pécheur entre les pécheurs». (cath.ch/imedia/xln/pp)

Pierre Pistoletti

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