Le prélat français Mgr Antoine Hérouard a été nommé évêque auxiliaire de Lille le 22 février 2017. Son ordination épiscopale s’est déroulée le 30 avril, en la cathédrale Notre-Dame-de-la-Treille.
Comment le séminaire français de Rome a-t-il vu le jour?
Le séminaire français a été fondé en 1853 à l’initiative du pape Pie IX (1846-1878) qui souhaitait que les principaux pays catholiques puissent avoir un séminaire à Rome. Il l’a confié à l’origine aux missionnaires de la congrégation du Saint-Esprit, les spiritains. Ce choix peut sans doute s’expliquer parce qu’il leur faisait une grande confiance. Dès l’origine, l’intention du pontife était de former des prêtres pour les diocèses de France et non pas exclusivement pour les spiritains et la mission.
Pie IX leur a donné les ruines de l’ancien couvent des clarisses, c’est pourquoi la rue où se situe le séminaire s’appelle santa Chiara. Il ne restait alors que la chapelle, à moitié effondrée. Les clarisses ont été chassées vers 1810 au moment de l’invasion napoléonienne. Petit à petit les spiritains ont racheté les maisons avoisinantes et ont construit le séminaire tel qu’on le connaît aujourd’hui.
Ce séminaire français est donc pontifical, il est par conséquent toujours sous la tutelle de la Congrégation pour le clergé. Dans le cas de la nomination du recteur, la Conférence des évêques de France (CEF) propose quelqu’un, la Congrégation fait son enquête et nomme le recteur.
Quels rapports les pontifes entretiennent-ils avec ce séminaire?
Au début la tutelle papale est très visible. Le pape Pie IX est d’ailleurs venu ici plusieurs fois. Il suivait de très près la naissance et l’évolution du séminaire. Dans la chambre que j’occupe, une plaque de marbre en témoigne. Elle rappelle qu’il est venu rendre visite à un prélat français malade. Il s’agissait de l’évêque de Nîmes.
Deux papes se sont rendus ici, Pie IX et Jean Paul II en 1981, après son premier voyage en France. Je m’en souviens puisque j’étais alors séminariste. Il est venu un long moment. Il est arrivé en début d’après-midi pour repartir tard dans la soirée vers 22h. Il a assisté à la messe puis s’est fait présenter tous les membres de la communauté un par un, y compris le personnel et leurs enfants. Cela s’est déroulé trois mois avant l’attentat de la place Saint-Pierre et quelques jours à peine après son premier voyage en France.
Jean Paul II avait une véritable admiration pour la France et sa culture. Mais c’est aussi une habitude qu’il avait prise de se rendre dans la communauté du séminaire du pays qu’il venait de visiter.
Les spiritains en ont-ils encore la charge?
Non, les spiritains sont en ont eu la gestion jusqu’en 2009. leur départ s’explique par le fait que ce n’est pas leur vocation première. De plus, ils avaient moins de spiritains français à disposition aspirant à devenir formateurs à Rome. Les spiritains souhaitaient plutôt intégrer la congrégation pour être missionnaires en Afrique que pour devenir formateurs à Rome. J’ai moi-même fait mes études entre les murs du séminaire de Rome entre 1980 et 1986, j’étais donc présent en 1981 lorsque le premier formateur diocésain, et non spiritain, a été accueilli.
Comment s’est opérée la transition après le départ du dernier recteur spiritain?
Il y a eu un petit débat entre les évêques français en 2009, au terme duquel la CEF a été désignée pour devenir responsable des formateurs du séminaire. Mgr Bataille a donc été le premier recteur non spiritain. Je suis pour ma part le second, arrivé en 2014.
Quel avantage y a-t-il à se former ici? Quels sont les bénéfices d’une telle localisation?
Il y a deux raisons majeures pour lesquelles on envoie quelqu’un se former à Rome. La première est de pouvoir accéder aux études universitaires car les cours ne sont pas assurés au sein du séminaire mais dans les universités romaines, principalement à l’Université jésuite grégorienne pour le cycle de théologie. D’autre part, il y a la possibilité de vivre l’expérience de Rome avec ce qu’elle comporte comme histoire et importance pour l’Eglise, comme lieu du martyre de Pierre et de Paul ainsi que pour la présence du pape.
Nous vivons au rythme des événements, comme ce fut le cas pendant l’année jubilaire. C’est aussi faire l’expérience de l’universalité de l’Eglise: à l’Université grégorienne, on compte pas moins de 2500 étudiants de 125 nationalités. Vous voyez donc bien que le monde entier est présent ici. Cela donne une ouverture et une coloration qui permet de dépasser bien des petits débats franco-français.
Quel est le profil des étudiants du séminaire de Rome?
Un élément est important à souligner sur ce point: depuis 6 ou 7 ans, on ne prend plus de séminaristes débutants. Tous ceux qui arrivent ont déjà trois ans d’étude derrière eux: une année de propédeutique dite de ›fondation spirituelle’, et deux années de premier cycle dans un séminaire en France. Ils se rendent à Rome pour le cycle de théologie qui dure trois ans, puis pour la licence canonique (équivalent du master) qui dure deux voire trois ans.
Est-ce un lieu privilégié pour former les prochains évêques français?
Ce n’est pas spécialement un lieu de formation pour les prochains évêques. Ce n’est pas l’objectif. Il se trouve que, de fait, un certain nombre d’évêques ont déjà fait une partie de leurs études ici.
Parmi ceux qui étaient étudiants avec moi, certains sont devenus évêques, l’un est même devenu cardinal, mais ce n’est pas forcément ceux que l’on croit. Les critères que l’on a en tête ne sont pas forcément les bons.
Le séminaire de Rome reste pour les évêques de France un lieu important de formation pour leurs séminaristes, en sachant que l’on n’envoie pas n’importe qui ici. Le fait que ce soit un séminaire universitaire implique qu’il faut intégrer des personnes capables de suivre le rythme intense des cours magistraux et des examens. Cela suppose une autonomie dans son travail et une aisance avec l’italien.
Quel a été votre objectif durant ces années passées à la tête du séminaire?
Mon but a été de former des prêtres et de bons prêtres. Ensuite, la question de savoir quel sera leur itinéraire et ce à quoi l’Eglise les appellera, reste un mystère.
Comment les former au mieux?
La formation doit s’appuyer sur différents piliers, tout aussi importants les uns que les autres. Peut-être que par le passé nous avons trop privilégié la formation intellectuelle. Aujourd’hui, nous sommes soucieux de la formation humaine, du fait d’avoir des hommes à l’aise dans leur vie et équilibrés, capables de vivre de bonnes relations.
Nous cherchons à former des pasteurs, des gens qui vont pouvoir annoncer l’Evangile, conduire une communauté et célébrer les sacrements. Certains auront un ministère plus spécialisé. L’équilibre est davantage mis sur la formation humaine, à travers la vie au séminaire. C’est une expérience décapante. Quand on rentre au séminaire, on se sent appelé à devenir prêtre et on a ce désir d’y répondre, mais c’est avant tout une expérience personnelle. Chacun arrive avec son histoire, certains sont des convertis. La formation humaine consiste à prendre en compte le fait que le prêtre est un homme comme les autres, qu’il doit être à l’aise et équilibré dans ce qu’il vit. Quand certains prêtres ont des difficultés et qu’ils sont amenés à quitter leur ministère, c’est souvent parce que cet aspect de la formation humaine n’a pas été traité au départ. (cath.ch/imedia/ah/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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