Sous un ciel d’un bleu éclatant, 700 personnes, dont 300 invités des milieux politique, académique ou d’Eglises, se sont déplacés ensemble de la place centrale de Sarnen au «Landenberg». A cet endroit se déroulaient les assemblées traditionnelles de la landsgemeinde. Le cortège a été accompagné musicalement par la fanfare municipale du chef-lieu obwaldien, jouant la marche de la Landsgemeinde.
La place du Landenberg semblait prédestinée à accueillir la cérémonie en l’honneur du saint: sur l’estrade trônait une grande et sobre croix de bois, bordée des drapeaux du canton d’Obwald et de la Suisse. En arrière-plan, l’éclatant ciel bleu surmontait le panorama grandiose des Alpes obwaldiennes et nidwaldiennes enneigées. Comme si Nicolas de Flüe avait accompli un miracle, en amenant un radieux soleil juste pour ce jour-là, après des journées entières où la neige était tombée à foison.
Franz Enderli, landammann d’Obwald et président de l’association «600 ans de Nicolas de Flüe», a salué la présence à la cérémonie de tous les milieux du pays. «Un signe fort», selon lui.
Dans son allocution de bienvenue, il a notamment remercié de leur participation Mgr Markus Büchel, en tant que représentant de la Conférence des évêques suisses (CES), du vicaire général Martin Kopp, représentant le diocèse de Coire, et de Peter Schmid, de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS). Franz Enderli a ainsi rappelé que la figure de Nicolas de Flüe rassemblait les diverses confessions chrétiennes. Au-delà de son aspect politique il a placé la manifestation «sous la protection de Dieu tout puissant», tel qu’il est de coutume lors d’une landsgemeinde.
L’intervention du Nidwaldien d’origine Peter von Matt, professeur de littérature allemande à l’Université de Zurich, a eu un fort impact dans le public. Il a notamment évoqué la recherche d’identité des Confédérés du temps de Nicolas de Flüe, leur volonté de s’imposer par la destruction de l’autre et d’incarner une «puissance à l’échelle de l’Europe» suite à leur victoire sur les Bourguignons. A une telle époque, il fallait qu’une voix émerge qui puisse, «contenir les forces du chaos», a expliqué le professeur.»Cette voix est venue des profondeurs des gorges du Melchtal». Pour Peter von Matt, Nicolas de Flüe n’a pas été un prophète, mais a plutôt incarné la figure d’un visionnaire «qui sait ce qu’il faut faire dans les moments de détresse». «Tous ceux qui le rencontraient ont cru en lui, parce qu’il leur était impossible de ne pas lui faire confiance», assure le professeur de littérature. C’est pourquoi les moindres paroles qu’il pouvait prononcer avaient du poids. Les écrits qu’il a laissés montrent les grandes capacités de communication politique du saint, mettant en exergue le respect de l’adversaire, les besoins des citoyens et le profond désir de paix.
Après un intermède théâtral présenté par l’acteur Hanspeter Müller, Doris Leuthard a souligné dans son discours la signification centrale de «l’écoute» pour Nicolas de Flüe. L’ermite bénéficiait de la confiance des gens, parce qu’il «savait écouter». Pour la présidente de la Confédération, il s’agit d’un état d’esprit qui, alors que nous vivons une montée des autocraties et des populismes, «devrait guider nos boussoles». «Aurait-on besoin d’un nouveau Nicolas de Flüe?» s’est-elle interrogée. «Cela, nous devons le créer nous-même: rassemblons-nous, écoutons-nous mutuellement et travaillons ensemble pour l’avenir de notre beau pays, a conclu la politicienne».
Paroles de représentants catholiques
De nombreux représentants de l’Eglise catholique romaine ont participé à la cérémonie. Alors que Mgr Büchel s’est réjoui du fait que l’aspect religieux y ait été tangible, Luc Humbel, président de la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ), a regretté que Dieu n’ait pas été assez évoqué.
Les responsables d’Eglise ont été particulièrement impressionnés par la dignité avec laquelle la cérémonie a été célébrée. «L’événement était empreint d’une grande profondeur, c’était magnifique», a commenté Mgr Büchel. Pour l’évêque de St-Gall, même si la manifestation avait pour but de célébrer la figure politique de Nicolas de Flüe, «l’on a pu ressentir qu’il tirait sa force d’une source supérieure».
Luc Humbel aurait, lui, souhaité que la référence à Dieu soit plus explicite. «Je regrette que lors d’une telle cérémonie officielle, où l’on rend honneur au saint patron de la Suisse, l’aspect religieux ne soit pas thématisé», a lancé le président de la RKZ. Concrètement, il aurait apprécié que Doris Leuthard qui a évoqué le préambule de la Constitution, «n’ait pas osé utiliser davantage le mot ‘Dieu'».
Il a modelé l’histoire du pays
Martin Kopp s’est réjoui de l’engagement du canton d’Obwald, qui a tenu à rendre la figure de Nicolas de Flüe «visible pour toute la Suisse».
A l’instar de Mgr Büchel, il a beaucoup apprécié le discours de Peter von Matt. «Je n’avais encore jamais entendu un exposé aussi fascinant sur cette époque, et sur la signification de Nicolas de Flüe», affirme le vicaire général pour la Suisse centrale.
Les trois responsables d’Eglise ont finalement souligné l’importance toujours actuelle de la figure de l’ermite. Luc Humbel s’est dit fasciné par «sa radicalité et son renoncement à toutes les ‘envies’, afin de trouver la clarté de l’esprit».
Martin Kopp a relevé la force du mystique, qui «de par sa seule existence, a eu un impact incroyable, qui a modelé la communauté et l’histoire de ce pays». (cath.ch/kath/sys/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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