C’est une dimension du populisme… Vous savez que ce mot, j’ai dû le réapprendre, parce que en Amérique du Sud, il a une autre signification. C’est donc le problème de l’Europe. Ce que j’ai dit sur l’Europe, je ne le répéterai pas aujourd’hui. Je l’ai dit à Strasbourg, lors du Prix Charlemagne et pour les commémorations du 60e anniversaire du Traité de Rome.
Chaque pays est libre de faire son choix devant cette question… Je ne peux juger si ce choix est fait pour le motif de l’Europe, ou pour un autre, je ne connais pas la politique interne. Ce qui est vrai, c’est que l’Europe est en danger de se dissoudre. Je l’ai dit avec douceur à Strasbourg, je l’ai répété plus fortement lors de la réception du Prix Charlemagne, et, plus récemment, sans nuances. Nous devons méditer là-dessus.
L’Europe qui va de l’Atlantique à l’Oural… Il y a un problème qui fait peur et qui, peut-être, alimente le problème de l’immigration. C’est vrai. Mais n’oublions pas que l’Europe a été faite par les migrants ! Des siècles et des siècles d’immigrants, voilà ce que nous sommes ! C’est un problème que l’on doit étudier de près. Et en respectant les opinions. Mais des opinions considérées dans une discussion politique avec une majuscule. Une grande majuscule ! Une grande Politique et non une petite politique du pays qui se termine à la fin par une chute. C’est un problème que l’on doit bien étudier, et étudier les opinions.
Sur la France, je vous le dis sincèrement, je ne saisis pas la politique intérieure française. J’ai cherché à avoir de bons rapports avec l’ancien président Hollande. Il y a eu un conflit à un moment donné, mais on a pu en parler clairement, sur les causes et en respectant son opinion [lié au ›mariage pour tous’ et au choix de l’ambassadeur]. Des deux candidats politiques, je ne connais pas l’histoire. Je sais que l’un représente la droite forte, mais l’autre je ne sais pas qui il est. Alors je ne peux pas donner une opinion.
Parlant des catholiques, un homme m’a dit: ›pourquoi vous ne pensez pas à la politique en grand ? A faire un parti pour les catholiques ?’ C’était un homme de bien, mais il vit dans un autre siècle.
Avec les orthodoxes, j’ai toujours eu de bons rapports. A Buenos Aires, chaque 6 janvier, j’allais à votre cathédrale pour 2h40 de prière dans une langue que je ne comprenais pas. Puis il y avait le repas, et puis la tombola… l’amitié. Et les orthodoxes venaient à la curie catholique quand ils avaient un problème, car ce sont de petites communautés.
Pour Tawadros [le patriarche copte égyptien], j’ai un attachement particulier. Selon moi, c’est un grand homme de Dieu. Il est un des plus ›fanatiques’, si je peux dire, pour trouver une date fixe pour Pâques… Un homme qui, quand il était évêque, allait donner à manger aux handicapés… C’est un grand patriarche.
La question du baptême [lorsqu’un chrétien change de confession] est une question historique… Les coptes baptisaient les enfants dans les sanctuaires, et quand ils voulaient se marier, ils venaient chez nous… Aujourd’hui, une porte s’est ouverte et nous sommes sur le bon chemin pour dépasser ce problème. Le dernier paragraphe de la Déclaration commune en parle.
Les Russes reconnaissent notre baptême… et aussi les Géorgiens. Elias II est un mystique et nous devons apprendre d’eux. Durant ce voyage-là, nous avons fait cette rencontre œcuménique. J’ai rencontré le patriarche œcuménique et d’autres responsables. L’œcuménisme se fait en chemin, par les œuvres de charité, par le fait de faire des choses ensemble. Il est vrai que nous devons étudier, (…) mais prier ensemble, travailler ensemble.
Les rapports avec les Russes sont bons, Mgr Hilarion est venu me parler, nous avons de bonnes relations. Avec l’Etat russe, j’ai vu que l’Etat parlait de la défense des chrétiens du Moyen Orient et c’est une bonne chose. Il y a plus de martyrs aujourd’hui que dans les premiers siècles.
Généralement quand je suis avec un chef d’Etat en rendez-vous privé, cela reste privé. J’ai eu quatre dialogues privés et je crois qu’il faut conserver cette réserve. A propos de Regeni [Giulio Regeni, jeune Italien tué en Egypte dans des conditions suspectes], je suis préoccupé. Au Saint-Siège, nous nous sommes activés. Je ne dirai pas comment, mais oui, nous nous sommes mobilisés.
Il faut interpréter littéralement [ce que j’ai dit]. J’ai dit défendre la paix, l’égalité des citoyens quelle que soit leur religion. Ce sont des valeurs, j’ai parlé des valeurs. Qu’un dirigeant défende l’une ou l’autre, c’est un autre problème. J’ai entendu «mais le pape va soutenir le gouvernement en se rendant là-bas»… Parce qu’un gouvernement a toujours ses faiblesses et des adversaires politiques. Moi, je n’interviens pas, je parle des valeurs… Et chacun voit si tel gouvernement de tel Etat favorise ces valeurs.
Je les appelle, et je les appellerai à travailler pour trouver une solution en empruntant le chemin diplomatique. Il y a tant de médiateurs dans le monde qui se proposent. La Norvège, par exemple, qui est toujours prête à aider. La voie est celle de la négociation, de la solution diplomatique. Cette ›guerre par morceaux’ est en morceaux, mais les morceaux se sont concentrés sur des points qui étaient déjà chauds. En Corée aujourd’hui, il semble que cela se soit trop réchauffé. Aujourd’hui, une large guerre détruirait une bonne partie de l’humanité, mais aussi la culture… Regardons les pays qui connaissent la guerre: le Moyen Orient, l’Afrique, le Yémen… Arrêtons ! Cherchons une solution diplomatique. Les Nations Unies ont le devoir de reprendre leur leadership.
[Concernant une éventuelle rencontre avec Donald Trump] Je n’ai pas encore été informé par la Secrétairerie d’Etat qu’il y ait eu une demande. Je reçois tous les chefs d’Etat qui formulent une demande.Il y a eu une intervention du Saint-Siège, à la demande forte des quatre présidents qui travaillaient comme facilitateurs. Cela n’a pas marché. Car les propositions n’étaient pas acceptées, elles se diluaient, c’était un «oui, oui, mais non, non». Nous connaissons tous la situation difficile du Venezuela. C’est un pays que j’aime beaucoup. Je sais qu’en ce moment, ils insistent, je ne sais pas bien d’où, je crois que ce sont les quatre présidents, pour relancer la facilitation. Ils cherchent l’endroit. Je crois que cela doit se faire avec des conditions. Des conditions très claires. Une partie de l’opposition n’en veut pas. C’est curieux parce que cette même opposition est divisée. D’un autre côté, les conflits semblent s’aiguiser de plus en plus. Mais quelque chose est en mouvement. Tout ce qui peut être fait pour le Venezuela, il faut le faire, avec les garanties nécessaires.
Vous devez tout d’abord lire tout ce que j’ai dit. J’ai dit que les plus généreux en Europe sont les Italiens et les Grecs. Ce sont des faits. Ils sont en effet ceux qui sont proches, ici de la Libye, là, de la Syrie. Pour ce qui est de l’Allemagne, j’ai toujours admiré sa capacité d’intégration. Quand j’ai étudié dans ce pays il y avait tant de Turcs, tant de Turcs, intégrés ! A Francfort… Ils étaient intégrés et participaient à une vie normale. Je n’ai pas commis de lapsus. Il y a des camps de concentration, excusez-moi, des camps de réfugiés qui sont des camps de concentration. Il y en a en Italie et dans d’autres endroits. En Allemagne, non, c’est sûr. Mais pensez: que font ces gens qui sont enfermés et qui ne peuvent sortir ? Pensez à ce qui s’est passé dans le nord de l’Europe, quand des réfugiés voulaient aller en Angleterre en traversant la mer. Ils sont enfermés à l’intérieur !
Quelque chose m’a fait rire, c’est un peu la culture italienne. Cela m’a fait rire. Cela se passe dans un camp de réfugiés en Sicile, et celui qui me l’a raconté est un délégué de l’Action catholique, un des délégués du diocèse d’Agrigente, enfin je ne sais plus de quel diocèse. Les chefs de la ville où se trouve le camp ont parlé avec les gens du camp de concentra… du camp de réfugiés. Ils leur ont dit : «vous, à l’intérieur, cela va vous faire du mal pour votre santé mentale. Vous devez sortir, mais s’il vous plaît, ne faites pas de mauvais coups. Nous, nous ne pouvons pas ouvrir la porte. Mais faisons un trou, derrière… Vous sortez, et vous faites une belle promenade !» C’est ainsi que ce sont créés de bon rapports avec les habitants de ce village, de bonnes relations. Ils ne font pas de délinquance, ils ne font pas de criminalité. Le seul fait d’être enfermés, sans rien faire, est un «Lager», mais cela n’a rien à voir avec l’Allemagne.
Merci à vous pour votre travail qui aide tant de gens. Vous ne savez pas le bien que vous pouvez faire avec vos chroniques, vos articles, vos pensées. Nous devons aider les gens et aussi aider la communication et la presse, pour qu’elles portent les choses bonnes et non celles qui n’aident absolument pas. (cath.ch/imedia/ap/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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