Pour le Père Samir Khalil, l’Egypte a un «sens religieux très fort»  

A la veille du voyage du pape François en Egypte, les 28 et 29 avril 2017, le Père Samir Khalil, jésuite égyptien de renommée internationale, a expliqué à I.MEDIA pourquoi l’Egypte possède une place à part dans le christianisme au Moyen-Orient. Il est directeur du CEDRAC, Centre de documentation et de recherches arabes chrétiennes, au sein de l’Institut pontifical oriental à Rome.

Comment expliquer le renouveau du monachisme en Egypte?
Le monachisme est ancré dans la tradition égyptienne. L’érémitisme et le monachisme sont nés en Egypte, et cela a aussi marqué le christianisme mondial. Aujourd’hui encore, il se développe dans le désert. Il faut venir voir un jour de congé dans un monastère entre Le Caire et Alexandrie: il y a foule, des centaines de personnes, qui viennent de toute la région, pour se ressourcer avec les enfants.

Sans doute est-ce le fait de la pression islamique, mais aussi parce que ce pays a développé un sens religieux très fort, plus qu’au Liban ou ailleurs au Moyen-Orient. Même si tout le monde ne va pas à l’église, il subsiste près de 200 jours de jeûne par an, et pas seulement chez les moines. Le mercredi et vendredi, avant les fêtes comme l’Assomption ou Noël… La vie monastique a marqué l’Egypte, et cela pousse les Egyptiens à être plus totalement chrétiens.

Orthodoxes et catholiques égyptiens ont aussi une dévotion mariale très importante, du fait notamment d’apparitions à Zeitoun, en banlieue du Caire, entre 1968 et 1971…
Ces apparitions ont été authentifiées dès 1968 par le patriarche orthodoxe Cyrille d’Alexandrie. Mais il faut aussi noter qu’elles ont été vues par beaucoup d’Egyptiens, et ont fait l’objet de photographies. Cela explique qu’elles ont attiré également beaucoup de musulmans, par milliers, pour qui la Vierge Marie est une figure importante, présente dans le Coran.

Que pensez-vous des conversions au christianisme en Egypte et dans tout le Moyen-Orient, et qui ont fait l’objet de débats intenses dans le pays, lorsqu’un musulman devenu chrétien, Mohamed Hégazi, a réclamé pour la première fois le changement de sa religion sur son état civil en 2007?
Les conversions sont réelles: c’est un phénomène qui est confirmé par des pasteurs sur le terrain, et qui se produit très souvent après des visions. J’ai rassemblé pour ma part des centaines de documents, notamment vidéos, recueillies sur Youtube.

D’où vient la pression islamique que vous mentionnez?
Les mouvements fondamentalistes sont nés dans les années 30, lorsque Mustafa Kemal Atatürk a aboli le califat symbolique que représentait l’Empire ottoman. A ce moment-là, sont apparus les Frères musulmans, le salafisme s’est répandu, et le wahhabisme a pris une forme organisée avec la formation de l’Etat d’Arabie saoudite. Il s’agit donc d’une réaction contre la sécularisation du monde arabe, avec le rêve de refaire un califat médiéval.

Au 19e siècle, l’Occident était perçu comme attractif au point de marquer la Renaissance (Nahda) égyptienne, y compris dans sa Constitution, inspirée de la Suisse et de la France. A l’époque, la charia ne figurait pas dans la Constitution. C’est seulement sous Sadate que l’article 2 a été introduit [il stipule que l’islam est religion d’WEtat en Egypte ndlr]. On peut aussi lire les récents attentats en Egypte comme un message au président Al Sissi, qui fait construire dans le nouveau Caire la plus grande église d’Egypte, à coté de la plus grande mosquée du pays… Pour les islamistes, il est vu comme un usurpateur. (cath.ch/imedia/ap/rz)

Raphaël Zbinden

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