Au lendemain des élections locales, un éditorialiste du Jakarta Post a affirmé que la campagne électorale avait été «la plus sale» de l’histoire de la capitale indonésienne. «Le principal perdant dans cette élection, c’est bien la diversité [ethnique et religieuse] de ce pays», a-t-il martelé.
Ahok était pourtant sorti en tête du premier tour, le 15 février dernier, avec 42,9% des suffrages. L’avance sur son rival immédiat, Anies Baswedan, qui avait réuni 39,9 % des voix, était faible. Les sondages laissaient cependant entrevoir une possible victoire au second tour pour le gouverneur chrétien proche du président de la République, Joko Widodo. Finalement, Anies Baswedan, un ancien ministre de la Culture et de l’Education, a largement remporté le scrutin, avec plus de 57% des voix.
Les adversaires du gouverneur protestant d’origine chinoise ont utilisé à outrance, lors de la campagne, une vidéo où il citait des versets du Coran afin de critiquer les radicaux qui instrumentalisent les sentiments religieux. Cet épisode lui a valu d’être confronté à un procès pour «blasphème». Ce genre de manipulations a abouti à polariser l’élection sur la seule question de savoir s’il était permis à un musulman de voter pour un non-musulman, note Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris.
«A partir de là, les choses sont allées en empirant, souligne l’éditorialiste du Jakarta Post. Les musulmans ont commencé à soupçonner leurs voisins non musulmans». Pour le journaliste, le verdict des urnes indique que désormais un candidat à une élection sera davantage jugé sur son appartenance religieuse que sur son programme politique. Il est à craindre que dorénavant les hommes politiques jouent la carte de la religion, aux dépens d’un pluralisme pourtant bien ancré en Indonésie.
Parmi les chrétiens de la capitale, qui représentent quelque 10% de la population au niveau national, l’inquiétude le dispute à un certain fatalisme, note EdA. Interrogé par l’agence catholique asiatique Ucanews, Kevin Reiner Hidayat, catholique d’origine chinoise, déclare «ne pas pouvoir imaginer ce qu’il va arriver [aux Sino-Indonésiens] tant les radicaux qui ont soutenu Anies Baswedan ont multiplié les déclarations dirigées contre les Chinois».
Retno Setyawati, une catholique de 53 ans, craint qu’Anies Baswedan ne prête trop l’oreille à ceux qui l’ont élu et que cela fasse le lit du radicalisme à Djakarta.
Le procès pour blasphème contre Ahok a connu une nouvelle étape le 20 avril. Estimant que les preuves étaient insuffisantes pour une condamnation au titre de la loi contre le blasphème (passible de cinq ans d’emprisonnement), le procureur a requis une peine de prison d’un an pour «harcèlement envers les oulémas». Il a aussi demandé deux ans de «mise à l’épreuve», équivalent à une peine de sursis. Les avocats de la défense plaideront le 25 avril, avant un verdict attendu pour la mi-mai. (cath.ch/eda/rz)
Raphaël Zbinden
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