«Quand un vieux meurt, c’est une bibliothèque qui brûle». Forts de cette maxime de l’écrivain malien Amadou Hampaté Ba, les membres de Générations-partage s’efforcent de permettre aux jeunes de profiter de l’expérience de vie des plus âgés.
L’association organise notamment, chaque année depuis 2000, dans le chef-lieu vaudois, une journée festive intergénérationnelle et interculturelle, un peu avant les célébrations de fin d’année. Ces événements connaissent toujours un grand succès. Près de 200 personnes y participent, à la maison St-Jean, appartenant à la paroisse lausannoise réformée du même nom.
Toutes les générations sont représentées, même si Berthe Rochat-Nyambal admet que les personnes âgées sont en nette majorité. Tous s’occupent, sans distinction d’âge, de faire la cuisine, le service, les animations. Suivant une proposition des aînés, la manifestation se termine par un thé dansant. «Ces personnes âgées, qui sont seules un bonne partie de l’année, peuvent ainsi ‘s’éclater’ dans la difficile période des fêtes, pas seulement en compagnie d’autres personnes âgées, mais aussi avec des jeunes», explique la Vaudoise. L’association fait toujours en sorte que les activités soient réalisées par des groupes mélangeant les générations.
Générations-partage compte une vingtaine de membres, principalement des personnes d’âge moyen ou supérieur. Berthe Rochat-Nyambal regrette ainsi de ne pas avoir pu attirer davantage de jeunes. Mais elle espère que cela changera bientôt.
«Pour moi, c’était comme en Afrique, le bonheur total»
En attendant, l’association s’efforce d’organiser des activités susceptibles de plaire à tous les âges. Elle réalise, environ tous les deux ans, des événements en dehors de la journée annuelle de décembre. Il y a déjà eu, par exemple, un défilé de costumes traditionnels et un défilé de mode, dont les mannequins étaient des personnes âgées.
En 2015, Générations-partage a réalisé le plus gros projet de son histoire: une comédie musicale qui a réuni sur scène près de 100 personnes, de 7 à 82 ans. Le spectacle, intitulé L’homme qui voulait… est une fable écologique, interculturelle et intergénérationnelle écrite par l’auteur vaudois Robert Kovacs, sur fond de musique folklorique vénézuélienne.
L’expérience, qui a nécessité un an de répétitions, a été un grand succès. Six représentations ont été données, à Lausanne et dans d’autres villes du canton, avec en moyenne 250 spectateurs. Et un DVD a été réalisé.
Mais ce projet a surtout été l’occasion de renforcer les liens entre participants. «Nous sommes devenus une grande famille. Pour moi, c’était comme en Afrique, le bonheur total», s’enthousiasme la présidente de Générations-partage. Une demande en mariage a même eu lieu entre deux membres de la troupe, lors de la dernière représentation. Les acteurs amateurs ont créé un groupe Whatsapp avec lequel ils restent en contact. «Ce qui me réjouit, c’est que les liens que nous parvenons à créer perdurent au-delà des événements», explique Berthe Rochat-Nyambal. L’expérience du spectacle lui a notamment appris que les personnes craignent souvent de faire le premier pas vers l’autre. «Mais une fois que ce pas est franchi, elles entrent pleinement et avec bonheur dans la relation».
«Pour cela, je refuse de m’intégrer»
Même si elle est très croyante et estime que «tout vient de Dieu», la Camerounaise d’origine précise que son association n’a pas de connotation religieuse. Son projet, d’aider à transmettre aux plus jeunes la richesse des aînés, a une portée humaniste et vient de son expérience personnelle. «Pour nous en Afrique, avoir une personne âgée dans la famille, c’est une chance». Elle assure ainsi avoir passé, quand elle était enfant, plus dans temps, avec sa grand-mère qu’avec sa mère. «Je me sens parfaitement intégrée en Suisse, mais il y a cet aspect de la culture locale que je refuse, celle qui fait que les personnes âgées sont laissées de côté». (cath.ch/rz)
Raphaël Zbinden
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