Fribourg: fête annuelle de Philanthropos avec Mgr Robert Le Gall

Mgr Robert Le Gall, archevêque de Toulouse, a participé à la fête annuelle de l’Institut Philanthropos à Fribourg, le 25 mars 2017. Spécialiste de la liturgie, il a évoqué la délicate question des traductions liturgiques officielles, objet de controverses avec Rome.

L’archevêque de Toulouse était attendu. A peine descendu de sa voiture, Mgr Robert Le Gall est accueilli par l’archiduc d’Autriche. «Bonjour Monseigneur!», lui lance le descendant des Habsbourg, président de la Fondation Philanthropos. «Et comment dit-on pour vous?», demande le prélat. «On dit Votre Altesse ou bien Excellence, comme pour vous…», répond, souriant, le prince.

Une entrée en matière sympathique, devant les locaux de l’Institut Philanthropos. En cet après-midi ensoleillé, à Bourguillon, dans les hauts de Fribourg Mgr Le Gall était venu évoquer un sujet qu’il connaît bien: les mots de la liturgie. Et parler plus précisément de la délicate question des traductions liturgiques dans les langues vernaculaires, héritage du concile Vatican II.

Le traducteur est un traître

L’archevêque de Toulouse, bénédictin, ancien père-abbé de Kergonan en Bretagne, maîtrise la matière. Il a présidé la Commission nationale de liturgie en France et fut membre du Conseil pontifical pour le Culte divin et la Discipline des sacrements. Et il participe au travail, non achevé, de la traduction officielle du lectionnaire et du Missel romain à partir de l’original latin.

Devant quelque 150 personnes, Mgr Le Gall n’a pas caché l’ampleur et la difficulté de la tâche. Le «traduttore, traditore» italien (»le traducteur est un traître») exprime bien, selon lui, ce qui s’apparente à une «tâche  impossible»: rester fidèle à l’original latin et respecter le génie propre de chaque langue. D’où les allées et venues entre Rome et les conférences épiscopales des principales langues en usage dans le monde. Pour les francophones, 4000 amendements ont été demandés par les évêques sur la base des premières versions établies à Rome.

La descendance ou la race d’Abraham?

«La traduction doit être audible et capable d’être mémorisée», a précisé le prélat de la Ville rose. Et trois règles doivent guider ce travail: la fidélité à l’original latin, le respect de la langue de traduction et les usages. Mais la mise en œuvre de ces principes est délicat…», a-t-il indiqué. Ainsi dans le texte de Magnificat, en faveur d’Abraham et de sa race à jamais, sera remplacé par «…de sa descendance à jamais». Le remplacement du mot race a fait l’objet de débats multiples, dont le public de Philanthropos s’est fait l’écho. Le directeur de l’Institut, Fabrice Hadjadj, regrettant la version précédente.

Les exemples donnés par Mgr Le Gall ont permis de mesurer le souci des commissions chargées de préparer les traductions. Les évêques locaux sont parfois réticents aux modifications proposées et demandent plus de flexibilité. Exemple éloquent: dans le texte sur le Jugement dernier, «les boucs et les chèvres» de la traduction actuelle ne satisfont pas l’archevêque de Toulouse. Le mot «chevreaux»+ aurait été plus adéquat, car, dit-il, «les chevreaux sont intenables». Pourtant le mot boucs a été maintenu. Car il faut bien trancher, le moment venu.

Contrairement au Coran

De fait, la recognitio (adoption définitive par Rome) a pour but «l’unité du rite romain». Il y a une volonté de «ne pas multiplier les reconnaissances, car cela atomise et complexifie le travail», précise le liturgiste. Cela ne passe pas toujours: certains évêques engagent un «bras de fer» pour faire valoir leurs préférences. «Nous ne sommes pas une religion du Livre, mais de la Parole». Car, contrairement au Coran, dont le texte est jugé intouchable, le christianisme comme le judaïsme gardent une certaine liberté à l’égard du texte sacré.

A l’issue de la conférence, Mgr Le Gall a engagé le débat avec la salle. Fabrice Hadjadj, lui-même écrivain et amoureux des mots, a stimulé ce riche échange. «Il n’y a pas de traduction parfaite, a reconnu le conférencier. Car nos langues sont vivantes. Et nous n’en ferons jamais des absolus. Restons souples. Les améliorations sont constantes, mais il faudra sans doute refaire le travail dans cinquante ans…».

«Les mots de la messe», titre de la conférence de l’archevêque de Toulouse, ont trouvé une conclusion dans la liturgie de l’Annonciation, qu’il a présidée en fin d’après-midi. L’Evangile du jour correspondait à un des exemples cités. Marie demande à l’ange Gabriel, dans le texte de Luc: «Comment se fera-t-il puisque je suis vierge?». Les liturgistes ont proposé «Puisque je ne connais pas d’homme». Les évêques français n’aimaient pas la formule, qui fut pourtant maintenue en raison de l’usage.


Multiples invités

La fête annuelle de l’Institut Philanthropos a réuni, en ce 25 mars 2017, tous les soutiens de l’Institut. Les étudiants – la 13e volée depuis les débuts en 2004 – ont animé avec dynamisme cette rencontre à Bourguillon, dans les hauts de Fribourg. Nicolas Michel, président de Philanthropos, a accueilli ses invités en rappelant combien l’Institut vivait en symbiose avec le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg dont les évêques soutiennent le travail.

Il a notamment salué la présence de l’archiduc Rodolphe d’Autriche, président de la Fondation Philanthropos, des Sœurs de Baldegg, propriétaires des locaux de Bourguillon, de Sœur Nadia-Marie, membre de la Fraternité Eucharistein à l’origine du projet et active dans l’animation spirituelle de l’Institut, du dominicain Benoît-Dominique de la Soujeole, représentant du corps professoral, et de l’ancien président de l’association des amis de Philanthropos, Jean-Pierre Siggen, conseiller d’Etat fribourgeois. (cath.ch/bl)

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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