60e anniversaire du Traité de Rome: pour une Europe qui garantisse la paix

Le pape François recevra le 24 mars 2017 les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres de l’Union européenne, réunis dans la capitale italienne à l’occasion du 60e anniversaire du Traité de Rome.

S’il s’agit de la troisième intervention du pape actuel devant les institutions européennes, tous les pontifes depuis la fin de la Seconde guerre mondiale ont montré leur souci d’une Europe qui garantisse la paix sans renier ses racines et en préservant la diversité des peuples.

Pie XII, le 13 juin 1957 devant les participants du Congrès d’Europe:

«Vous savez avec quelle sollicitude nous suivons les progrès de l’idée européenne et des efforts concrets, qui tendent à la faire pénétrer davantage dans les esprits et à lui donner, suivant les possibilités actuelles, un commencement de réalisation […]

Bien que cette communauté nouvelle [instituée par le Traité de Rome] soit restreinte au domaine économique, elle peut conduire, par l’étendue même de ce champ d’action, à affermir entre les Etats membres la conscience de leurs intérêts communs d’abord sur le seul plan matériel, sans doute, mais si le succès répond à l’attente, elle pourra ensuite s’étendre aussi aux secteurs qui engagent davantage les valeurs spirituelles et morales.[…]

S’il est vrai que le message chrétien fut pour [l’Europe] comme le ferment déposé dans la pâte, qui la travaille et en fait lever la masse, il n’est pas moins vrai que ce même message reste, aujourd’hui comme hier, la plus précieuse des valeurs dont elle est dépositaire».

Jean XIII, juin 1962 dans un message pour les Semaines sociales de France:

«Ce qui a modelé l’âme européenne depuis bientôt deux millénaires, c’est le christianisme, qui a dégagé les traits de la personne humaine, sujet libre, autonome et responsable. Ce personnalisme, qui respecte la vocation de chaque être et insiste sur la complémentarité du corps social, est la clé de voûte du patrimoine européen. […]

Chacune des communautés historiques qui composent l’Europe est riche de traditions, à l’intérieur desquelles s’est développée l’activité politique des hommes. Et les Etats ont pour fonction propre de garantir le patrimoine qui compose la richesse de chaque nation et le capital d’énergies personnelles et sociales que représentent chaque parie. C’est la base même d’un ensemble européen, dont les participants auront peu à peu à définir les institutions communes qui, tout en assurant le bien de chaque communauté, sauront promouvoir le bien commun européen. L’instauration de l’Europe, loin de l’apanage exclusif des gouvernements, sera donc aussi l’œuvre des peuples».

Paul VI, le 25 novembre 1971, recevant le président du Parlement européen:

«Vous avez voulu exprimer votre conviction que les valeurs impérissables de la dignité de chaque être humain, de sa liberté et de sa responsabilité morale, de ses droits et de ses devoirs envers les autres hommes, la famille et l’Etat, telles que les proclame l’Eglise, constituent le fondement inébranlable de toute société ordonnée. Cet enseignement a formé l’Europe au cours des siècles passés et a favorisé un tel élan culturel qu’elle a pu devenir l’éducatrice d’autres peuples et d’autres parties de la terre.»

Jean Paul II, le 11 octobre 1988, devant le Parlement européen:

«Nul n’imagine qu’une Europe unie puisse s’enfermer dans son égoïsme. Parlant d’une seule voix, unissant ses forces, elle sera en mesure, plus encore que par le passé, de consacrer ressources et énergies nouvelles a la grande tâche du développement des pays du tiers-monde. […] La coopération européenne sera d’autant plus crédible et fructueuse qu’elle se poursuivra, sans arrière-pensée de domination, avec l’intention d’aider les pays pauvres à prendre en charge leur propre destin […]

Comment l’Eglise pourrait-elle se désintéresser de la construction de l’Europe, elle qui est implantée depuis des siècles dans les peuples qui la composent et les a un jour portés sur les fonts baptismaux, peuples pour qui la foi chrétienne est et demeure l’un des éléments de leur identité culturelle ?»

Benoît XVI, le 30 mars 2006, devant des élus du Parti populaire européen:

«L’Europe doit faire face à des questions complexes de grande importance, telles que la croissance et le développement de l’intégration européenne, la définition toujours plus précise de politiques communes au sein de l’Union et le débat sur son modèle social. Pour atteindre ces objectifs, il sera important de s’inspirer, avec une fidélité créative, de l’héritage chrétien qui a apporté une contribution tout à fait particulière à la formation de l’unité de ce continent.

En tenant compte de ses racines chrétiennes, l’Europe sera capable de donner une orientation sûre au choix de ses citoyens et de ses peuples, elle renforcera sa conscience d’appartenir à une civilisation commune et elle consolidera l’engagement de tous dans le but de faire face aux défis du présent en vue d’un avenir meilleur».

François, le 25 novembre 2014, devant le Parlement européen:

«J’estime que l’Europe est une famille des peuples, lesquels pourront sentir les institutions de l’Union proches dans la mesure où elles sauront sagement conjuguer l’idéal de l’unité à laquelle on aspire, à la diversité propre de chacun, valorisant les traditions particulières, prenant conscience de son histoire et de ses racines, se libérant de nombreuses manipulations et phobies. Mettre au centre la personne humaine signifie avant tout faire en sorte qu’elle exprime librement son visage et sa créativité, au niveau des individus comme au niveau des peuples.

J’estime fondamental, non seulement le patrimoine que le christianisme a laissé dans le passé pour la formation socioculturelle du continent, mais surtout la contribution qu’il veut donner, aujourd’hui et dans l’avenir, à sa croissance. […] Et une histoire bimillénaire lie l’Europe et le christianisme. Une histoire non exempte de conflits et d’erreurs, de péchés même, mais toujours animée par le désir de construire pour le bien. Nous le voyons dans la beauté de nos villes, et plus encore dans celle des multiples œuvres de  charité et d’édification commune qui parsèment le continent».

François, le 6 mai 2016, recevant le Prix Charlemagne:

«Les projets des Pères fondateurs, hérauts de la paix et prophètes de l’avenir, ne sont pas dépassés: ils inspirent, aujourd’hui plus que jamais, à construire des ponts et à abattre des murs. Ils semblent exprimer une invitation angoissée à ne pas se contenter de retouches cosmétiques ou de compromis bancals pour corriger quelques traités, mais à poser courageusement de nouvelles bases, fortement enracinées […]

Avec l’esprit et avec le cœur, avec espérance et sans vaine nostalgie, comme un fils qui retrouve dans la mère Europe ses racines de vie et de foi, je rêve d’un nouvel humanisme européen, d’»un chemin constant d’humanisation», requérant «la mémoire, du courage, une utopie saine et humaine». Je rêve d’une Europe jeune, capable d’être encore mère : une mère qui ait de la vie, parce qu’elle respecte la vie et offre l’espérance de vie. Je rêve d’une Europe qui prend soin de l’enfant, qui secourt comme un frère le pauvre et celui qui arrive en recherche d’accueil parce qu’il n’a plus rien et demande un refuge. Je rêve d’une Europe qui écoute et valorise les personnes malades et âgée s, pour qu’elles ne soient pas réduites à des objets de rejet improductifs». (cath.ch/imedia/xln/be)

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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