Le Séminaire français de Rome distingué pour avoir caché des juifs pendant la 2e Guerre mondiale

Le Séminaire pontifical français de Rome s’apprête à recevoir, le 9 mai 2017, la distinction ‘Maison de vie’ de la fondation internationale Raoul Wallenberg, a appris I.MEDIA. Cette reconnaissance prestigieuse met en lumière son action héroïque au cours de la Seconde guerre mondiale.

La fondation Wallenberg, du nom de l’ambassadeur suédois à Budapest qui sauva des milliers de juifs hongrois, décerne des distinctions aux personnes ou institutions qui ont contribué à sauver des vies humaines durant la Seconde guerre mondiale. Parmi les membres de cette fondation figure le pape François, nommé à l’époque où il était archevêque de Buenos Aires.

Documents inédits

L’attention de la Fondation Wallenberg a été attirée par une publication du séminaire français de Rome pour ses 150 ans. Cette publication Intitulé 150 ans au cœur de Rome – Le Séminaire français 1853-2003, présentait des documents inédits tirés de ses archives, a expliqué à I.MEDIA son recteur Mgr Antoine Hérouard. Après une enquête minutieuse, décision a été prise par la Fondation de lui remettre la distinction «Maison de vie».

Certaines pages du journal de communauté du séminaire, remplies à la main en juin 1944, attestent de l’opération périlleuse réalisée par les prêtres du séminaire. «Il est maintenant permis d’écrire que le séminaire a caché durant ces huit mois, dans l’année 1943, une centaine de ‘hors-la-loi’, peut-on y lire, depuis octobre nous en avons toujours eu de 30 à 40 : un capitaine belge qui fut adressé de Suisse, puis des officiers et soldats italiens refusant de se battre du côté des Allemands, de nombreux Juifs, une cinquantaine en tout», dont des femmes et des enfants.

«Nous avions 5 officiers anglais et américains, poursuit la note, le 4 juin il y avait environ 40 réfugiés, dont 25 Juifs, un capitaine américain, un lieutenant d’aviation français, six jeunes Français, deux Polonais, quelques Italiens, ainsi que l’abbé Batman, déserteur alsacien.»

Gratitude pour 50 ans de vie commune

Un autre document est venu corroborer ce récit. Il s’agit d’une lettre d’une femme juive, Gilda Sabatello, adressée au séminaire en 2007. Elle y exprime sa gratitude envers l’institution pour avoir abriter son mari ainsi que son cousin. «Elle venait de perdre son mari quand elle nous a écrit, explique Mgr Hérouard. Elle nous a alors confié que l’aide du séminaire pendant la guerre lui avait permis de vivre 50 ans de vie commune heureuse avec lui». Le mari et le cousin de Gilda Sabatello étaient en effet membres de la communauté juive de Rome. Relativement épargnés avant l’arrivée de l’armée allemande dans la capitale en septembre, les juifs de Rome ont ensuite été traqués beaucoup plus sévèrement.

En réaction à la défection de l’Italie, après le débarquement allié en Sicile en août 1943, l’armée du Reich a envahi la péninsule italienne et occupé Rome en septembre. Cette occupation a duré jusqu’au 6 juin 1944, lorsque les Alliés ont libéré la capitale italienne. Dix longs mois pendant lesquels la ville demeura à la merci des nazis. Les 8’000 juifs de Rome ne figurent pas seuls dans la ligne de mire de l’occupant, qui traque aussi les nombreux ex-prisonniers alliés libérés par l’armée italienne.

Faux séminaristes

L’intervention du Séminaire français s’est ainsi avérée aussi périlleuse que nécessaire, puisqu’elle s’est déroulée sous le nez des Allemands, dont le quartier général était établi sur le trottoir d’en face, à l’hôtel Santa Chiara. Il n’y avait pratiquement plus de séminaristes à ce moment-là, explique l’actuel recteur, car la plupart furent mobilisés en 1940. Il a ainsi été possible de loger les réfugiés dans les cellules inoccupées des séminaristes, explique le prélat. «Il fallait aussi leur donner une couverture, et c’est pourquoi on les a inscrits au titre de séminaristes».

En octobre 1943, la menace est à son paroxysme, lorsque les Allemands préparent une perquisition dans l’établissement. Mais les prêtres français ont été prévenus à temps: «la maison fut vidée à la hâte, lit-on dans le journal de communauté, grâce à Dieu nous n’eûmes pas à déclarer de malheur».

Cachés dans le plafond

La plupart des faux séminaristes «ont ainsi été cachés dans le faux plafond de la salle de conférence» (voir notre photo), raconte Mgr Hérouard. «Une histoire, confie-t-il, qui se transmet aujourd’hui de recteur en recteur».

Le Séminaire français ne fut d’ailleurs pas le seul à cacher des juifs. Eglises, paroisses, écoles et collèges catholiques, nombreuses furent les institutions religieuses à venir en aide à ceux qui étaient persécutés. «Dans leurs greniers, placards, sous-sols et salles de classe, dans leurs labyrinthes les plus cachés, beaucoup trouvèrent le salut», peut-on lire dans un article de L’Osservatore Romano du 9 février 2017. A Rome, la communauté juive estime que l’Église catholique a pu sauver 4’447 juifs de la persécution nazie.

Ces actes de courage n’ont pas échappé à la fondation Wallenberg qui a déjà récompensé de nombreux établissements de l’Eglise à Rome, le dernier en date étant le collège Saint-Joseph – Institut De Merode de Rome des Frères des Écoles chrétiennes, le 14 février dernier. De la même façon, une plaque viendra orner le mur du Séminaire Français de Rome, le 9 mai, au cours d’une cérémonie. Mgr Hérouard a d’ores et déjà confié son intention de convier notamment des représentants de la communauté juive de Rome, comme le rabbin Riccardo Di Segni, ainsi que des représentants officiels tels que les ambassadeurs de France près le Saint-Siège, Philippe Zeller, et en Italie, Catherine Colonna. (cath.ch/imedia/ah/mp)

Maurice Page

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