Argentine: Le cas de «Mgr Angelelli et de ses compagnons martyrs» étudié à Rome

Le cas de Mgr Enrique Angelelli, évêque argentin assassiné le 4 août 1976 sur ordre de la dictature militaire en le camouflant en «accident de la route», est actuellement à l’étude par la Congrégation pour les causes des saints.

Un procès pour la canonisation de Mgr Enrique Angelelli, évêque de la Rioja, est en cours, avec celle de deux prêtres et un laïc, victimes de la même dictature, la plus sanglante d’Amérique latine avec quelque 30’000 personnes mortes ou disparues. Au niveau diocésain, le procès, qui avait duré une année et huit mois, s’est achevé en octobre dernier. Ses conclusions ont été transmises ensuite au Vatican.

L’Eglise engagée avec le peuple persécutée par la dictature

La cause de Mgr Angelelli a été jointe à celle de trois autres personnes engagées dans l’Eglise et assassinées auparavant par les militaires: deux prêtres, le Français Gabriel Longueville et son vicaire, le franciscain argentin Carlos Murias, tués le 22 juillet 1976, deux semaines avant Mgr Angelelli, et un laïc, Wenceslao Pedernera, abattu le 26 du même mois.

Sur le site Vatican Insider, Luis Liberti, expert pour la cause de béatification du prélat, souligne «l’étrange  accident» fatal à Mgr Angelelli, à Sañogasta, dans la localité de Chilecito, a été provoqué et l’on pourra bientôt parler de «Mgr Angelelli et de ses compagnons martyrs». Les militaires, qui ont commandité le crime, ont fait croire à un simple accident de la route, et la justice aux ordres a rapidement clos le dossier.

Le cardinal Bergoglio avait reconnu le sacrifice de Mgr Angelelli

Finalement, 38 ans après, le 4 juillet 2014, les ex-militaires Benjamín Menéndez et Luis Fernando Estrella ont été condamnés à la prison à vie comme auteurs matériels de ce crime. Les juges du Tribunal Oral Federal (TOF) de La Rioja, Quiroga Uriburu, Carlos Julio Lascano et Juan Carlos Reynaga ont retenu qu’il s’agissait d’une «action préméditée, provoquée et exécutée dans le cadre du terrorisme d’Etat» instauré par la dictature militaire.

Le TOF a ainsi reconnu coupables, malgré leurs dénégations, l’ex-général Luciano Benjamín Menéndez, à l’époque chef du IIIe Corps d’armée, avec juridiction sur La Rioja, et l’ex-commodore Luis Fernando Estrella, chef en second de la base de la Force Aérienne de Chamical, près du lieu où les militaires avaient organisé le guet-apens camouflé en «accident» de la route. C’est par la suite qu’a débuté le procès ecclésiastique à La Rioja, alors qu’à part des exceptions notables, la haute hiérarchie ecclésiale argentine, dans sa grande majorité, était restée trop longtemps silencieuse à propos des exactions de la dictature.

Le pape François a transmis des documents au tribunal argentin

Avant son élection au siège de Pierre, le cardinal Jorge Mario Bergoglio, alors archevêque de la capitale argentine Buenos Aires, avait défini le prélat comme «un pasteur qui, dans son service, est arrivé au point extrême de donner sa vie pour ses brebis». Fait inédit, le Vatican avait fourni des archives lors du procès, à la demande du pape François. Avant sa mort, Mgr Angelelli avait dénoncé les assassinats et la répression d’opposants au régime militaire dans des lettres adressées au Saint-Siège.

Mgr Virginio D. Bressanelli, évêque de Neuquén, déclarait au lendemain du jugement des assassins que la mort de Mgr Angelelli fut «la conséquence d’une action préméditée, provoquée et exécutée dans le cadre du terrorisme d’Etat», et qu’il s’agissait de crimes contre l’humanité, «imprescriptibles et qui ne peuvent être amnistiés». La mort de l’évêque avait été «décidée en haut lieu, parce que Mgr Angelelli était en mesure de révéler les graves violations des droits de l’homme commis par la dictature». (cath.ch/com/imedia/be)

Jacques Berset

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