Alors que les Brésiliens célèbrent cette année le 300e anniversaire de la découverte de la figure de Notre-Dame d’Aparecida, c’est sur les traditionnels chars des bahianaises qu’elle sera évoquée. Des femmes porteront en effet des déguisements stylisés de la patronne du Brésil. Ces costumes ont obtenu l’assentiment préalable des représentants de l’Église catholique qui, en retour, ont reçu l’assurance que le défilé sera respectueux, sans scène de corps dénudés ni d’insinuations érotiques.
De quoi éviter de revivre les incidents qui avaient marqué le carnaval de Rio de 1989. A l’époque, le cardinal Eugênio Sales avait en effet interdit le défilé du Christ rédempteur, obligeant le responsable d’une école de carnaval, Joãosinho Trinta, à faire couvrir la statue. Ce qui avait été fait avec un immense drap noir, en signe de protestation tacite.
«Notre intention est d’éviter de provoquer un quelconque choc chez les catholiques», a pour sa part assuré Marcelo Müller, directeur de l’école de Samba du quartier de Vila Maria, chargé de préparer le défilé des chars à Sao Paulo. «En fait, à travers ce carnaval, nous faisons ce que le pape demande: nous évangélisons le peuple», a-t-il indiqué avec le sourire.
Un message compris et validé depuis un certain temps déjà par les autorités religieuses de la plus grande ville du Brésil (20 millions d’habitants). Rafael Alberto dos Santos, chargé de la communication du vicariat de la pastorale de l’archevêché de São Paulo, a révélé que les échanges entre l’école de samba et l’Église remontent à deux ans, après que Mgr Odilo Scherer, cardinal archevêque de São Paulo eut donné son accord de principe pour cet hommage.
Afin de créer les chars qui rendront hommage à la patronne du Brésil, les membres de l’école de Vila Maria ont travaillé d’arrache-pied pendant tout un an à partir de nombreuses archives mises à leur disposition par les responsables du sanctuaire d’Aparecida. De quoi créer cinq chars allégoriques qui seront accompagnés de plus de 3’500 figurants. Le tout a été rendu possible grâce au travail de plus de 300 artisans, depuis les sculpteurs jusqu’aux couturières. Parmi elles, figure Rachel Amaral, se présentant comme brodeuse catholique, militante du Renouveau charismatique et participante à des groupes de prière.
«Outre des costumes du XVIIIe siècle pour de nombreuses femmes, une des parties du défilé va également rendre hommage aux missionnaires. Leurs tenues comprendront des tuniques et des mitres généralement utilisées par des évêques.»
Car les prêtres d’Aparecida ont en effet été conviés à suivre le spectacle depuis les tribunes du Sambadrome. Et, d’après le recteur du sanctuaire, le Père João Batista de Almeida, ils ont d’ores et déjà accepté l’invitation. «Tout a été fait en accord avec l’archevêché de São Paulo et le sanctuaire national», explique le recteur, responsable du dossier fourni à la direction de l’école de samba. Ce dernier croit même savoir que, s’il est convié, le nouvel archevêque d’Aparecida, Mgr Orlando Brandes, ne se… défilera pas et sera présent dans le Sambadrome de Sao Paulo.
Qui dit carnaval, dit création de plusieurs chansons sur des rythmes de samba. Un soin là aussi tout particulier a été apporté aux textes entonnés par les participants de l’école de Vila Maria. «La chanson phare du défilé sera une prière», a expliqué le Père João Batista de Almeida. Selon lui, le partenariat entre l’ l’école de Vila Maria et l’Église catholique est sur le bon chemin, «car il est fidèle au fait historique.»
L’opinion est partagée par le Père Tarcísio Mesquita, coordinateur du vicariat de la pastorale de l’archevêché de São Paulo. La preuve? «Les carnavaliers ont écouté les suggestions des prêtres dans la création des paroles de la chanson principale, en commençant par substituer le mot «adorer» par «vénérer». C’est une modification importante, car nous vénérons mais nous n’adorons pas Notre-Dame, car l’adoration est seulement réservée à Dieu.»
Parmi les cinq chars de l’école qui défileront, l’un d’eux va présenter une maquette géante de la Basilique d’Aparecida, le sanctuaire marial du Brésil. Autre attraction du défilé, la réplique de la couronne offerte à la patronne du Brésil par la princesse Isabel (fille de l’empereur Pedro II (1846-1921) ndlr).
En outre, chaque région du Brésil sera représentée par une sculpture: un ouvrier pour la région Sud-Est, un «cangaceiro» (n.d.l.r. sorte de bandit d’honneur qui vivait dans la région du Sertao) pour le Nord-Est, un «gaucho», (gardien de vache à cheval), pour la région Sud, un indien pour le Nord et un homme politique pour le Centre Ouest.
«Que ce soient les sculptures ou les costumes, tout sera digne et correct, a une dernière fois répété Marcelo Müller, le directeur de l’école de Vila Maria. Les tenues seront discrètes, sans mouler les corps féminins.» Quand aux représentants de l’Église, ils espèrent que le défilé de samba de Vila Maria «va aider à faire tomber les préjugés qui laissent penser que l’Église et les carnavaliers ne peuvent pas travailler ensemble.» (cath.ch/jcg/mp)
Maurice Page
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