Affaire Anatrella: «l'Eglise prend enfin la réalité au sérieux», selon Philippe Lefebvre

Mgr Vingt-Trois, archevêque de Paris, engage un procès canonique contre Tony Anatrella, prêtre-psychanalyste, accusé d’agressions sexuelles sur plusieurs patients. Le dominicain fribourgeois Philippe Lefebvre se dit rassuré à l’annonce de ce procès canonique.

Après plusieurs révélations médiatiques en mai 2016, le cardinal Vingt-Trois a mis en place une commission d’audition pilotée par Mgr Eric de Moulins-Beaufort, un évêque auxiliaire de Paris. Sur la base du rapport que lui a remis la commission en fin d’année, l’archevêque de Paris a décidé de poursuivre la procédure canonique. Cette dernière sera délocalisée à Toulouse.

Instruction romaine

Le Père Anatrella a été lui-même expert de l’officialité de Paris. Consulté pour des expertises de prêtres soupçonnés de pédophilie ou d’abus sexuels, il ne pouvait pas être jugé par cette instance. C’est donc Rome – par le biais du Tribunal suprême de la signature apostolique – qui a désigné, fin janvier 2017, l’officialité interdiocésaine de Toulouse pour procéder à l’instruction.

Pour le dominicain Philippe Lefebvre, qui a récolté le témoignage de plusieurs victimes, cette ouverture de procès ne constitue pas encore de victoire. «Mais c’est un pas de plus vers le jour où Mgr Anatrella devra rendre compte de ses actes», affirme le professeur d’Ancien Testament à l’Université de Fribourg. Le religieux suit activement le cas Anatrella depuis 2006.

Au cœur d’un réseau de victimes

Tout commence par la publication, presque par hasard, d’un article critique. «Je reprochais au Père Tony le manque de fondements théologiques et bibliques de ses propos condamnant l’accès des homosexuels aux ordres sacrés», rappelle le professeur.

«Je n’y croyais plus»

Mettre en doute les paroles de Mgr Anatrella lui a valu plusieurs retours bienveillants. Par la suite, il a été approché par trois victimes du psychanalyste controversé. Il s’est retrouvé au cœur du réseau assez vaste des personnes abusées. Mais la plupart étaient désemparées par l’opacité et le silence des autorités ecclésiales en France.

15 ans de soupçons

Philippe Lefebvre lui-même a contacté plusieurs évêques français. Sans succès, jusqu’à l’été 2016. «Je n’y croyais plus. J’entendais encore un évêque parler à la radio de ‘rumeurs qui circulent'», déplore-t-il. C’est finalement Mgr Eric de Moulins-Beaufort, responsable de la récente commission d’audition,  qui a récolté le fruit de son travail de dix ans, sous forme de documents écrits.

Aujourd’hui, le bibliste se dit rassuré à l’annonce de ce procès canonique. «Au fond, l’Eglise ne met qu’en pratique l’usage de son droit, explique-t-il. Elle prend enfin la réalité au sérieux. On est passé de la ‘rumeur’ à une réelle prise en compte de la parole des gens».

Il aura fallu une quinzaine d’années de soupçons pour qu’une procédure canonique soit engagée. Soutenu publiquement de nombreuses années par Mgr André Vingt-Trois, le «psy de l’Eglise» était considéré comme intouchable. Ce dernier avait en outre obtenu du Parquet de Paris un classement sans suite dans plusieurs affaires le concernant, notamment en 2006 et 2008. (cath.ch/gr)

Grégory Roth

Portail catholique suisse

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