«Nous ne céderons pas la cathédrale à l’Église!» Ces dernières semaines, avec banderoles et slogans, jusqu’à 2000 manifestants ont protesté dans les rues de Saint-Pétersbourg contre le nouveau projet du gouverneur de la deuxième ville de Russie: transférer la cathédrale Saint-Isaac à l’Eglise orthodoxe. Les autorités religieuses, de plus en plus influentes au sommet de l’Etat sous la présidence de Vladimir Poutine, le demandaient depuis 2015, rapporte Benjamin Quénelle dans les colonnes de La Croix
C’est à cette date, vingt-six ans après la chute de l’URSS, qu’a été promulguée la loi permettant un large transfert de patrimoine de l’Etat vers le Patriarcat. Il s’agit d’églises, de monastères et d’autres monuments sacrés qui, sous le régime soviétique, avaient été nationalisés et transformés en musées (mais aussi prisons, dépôts…). L’Eglise pourrait à terme récupérer 17’000 bâtiments, certains ayant déjà retrouvé leurs usages religieux – mais pas encore leurs propriétaires d’avant la révolution de 1917.
Aujourd’hui, la direction et le personnel de Saint-Isaac, écartelés entre l’administration de la ville et l’influente Eglise locale, figurent parmi les premiers opposants à ce transfert. Une pétition a recueilli 200’000 signatures. Et, régulièrement, des rassemblements d’opposants sont organisés. »Je continue de croire que l’on est en train de commettre une erreur», a confié à la presse Nikolaï Bourov, le directeur du musée de la cathédrale. Surpris de ne pas avoir été consulté par le gouverneur de la ville avant la décision, il s’inquiète de l’avenir du système mis en place depuis quatre-vingts ans.
«Un système très complexe de fonctionnement et de gestion financière s’est mis en place. Mais tout le monde ne s’en rend pas compte, ce qui m’inquiète sérieusement». L’an passé, 1,5 million d’euros ont été investis en travaux de restauration, en particulier pour remplacer les systèmes de ventilation et de conditionnement de l’air.
Ces investissements d’entretien et ces méthodes de gestion muséale risquent de ne pas être les priorités des autorités orthodoxes. Elles promettent, certes, de préserver le musée. Mais le ticket d’entrée, jusque-là de 250 roubles (4 «‚¬), sera désormais gratuit. Avec pour conséquence une réduction des sources de revenus pour l’entretien. C’est l’une des principales craintes de tous les musées qui, depuis la loi de 2015, doivent passer sous propriété de l’Église.
Un musée depuis 1937
Pendant la révolution d’Octobre 1917, la cathédrale a été pillée par les bolcheviks. Les nouvelles autorités communistes, anticléricales, n’ont pas tardé à la fermer et à la transformer en musée de l’athéisme. C’est à partir de 1937 qu’elle devient un musée d’histoire et d’art. Un statut que l’imposante cathédrale, l’une des plus vastes au monde sous son dôme, a conservé depuis, même si les offices religieux ont repris, notamment à l’occasion d’importantes fêtes religieuses.
La troisième plus grande cathédrale d’Europe, après la basilique Saint-Pierre et la cathédrale Saint-Paul de Londres, est du coup devenue l’une des principales attractions touristiques de Saint-Pétersbourg, attirant plus de 3 millions de visiteurs par an et rapportant environ 12 millions d’euros. (cath.ch/lacroix/bq/bh)
Bernard Hallet
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