Ernesto Cardenal, âgé de 92 ans, est l’une des figures les plus engagées de la théologie de la libération. Il a surtout été un homme impliqué dans la lutte contre les injustices en Amérique latine. Son engagement politique l’a amené à appuyer la lutte armée contre la dictature de Somoza, une dynastie qui a gouverné le Nicaragua pendant plus de quarante ans. Plus récemment, il s’est opposé ouvertement au gouvernement du président Daniel Ortega, dont il dénonce les excès et les décisions arbitraires, à chaque fois qu’il voyage pour présenter ses œuvres de poésie.
Ernesto Cardenal s’oppose notamment au projet de construction du Canal transocéanique que le président Ortega souhaite construire à la frontière avec le Costa Rica avec l’appui de l’entreprise chinoise Wang Jing. Le poète a qualifié ce projet gigantesque de «monstruosité», et a rédigé plusieurs textes pour s’y opposer.
Ernesto Cardenal est né à Granada, au Nicaragua, le 20 janvier 1925. Héritier d’une solide tradition poétique, il a étudié la littérature à Manágua, la capitale et au Mexique. Il a poursuivi des études aux Etats-Unis et en Europe. En 1965, il a été ordonné prêtre et, plus tard, s’est installé dans l’archipel de Solentiname, située sur le Grand lac du Nicaragua, où il a fondé une communauté de pêcheurs et d’artistes devenue fameuse internationalement. C’est là qu’il a écrit son célèbre «Evangile de Solentiname».
Après la chute de la dictature de Somoza en 1979, il a assumé avec trois autres prêtres des responsabilités dans le gouvernement du Nicaragua en tant que ministre chargé de la culture. Au terme d’un conflit de plusieurs années avec le Saint-Siège, il a quitté la prêtrise contre son gré en 1985. En tant qu’auteur littéraire, il a reçu en 1980 le Prix de la Paix des libraires allemands. En 2005, il a été nominé pour le Prix Nobel de littérature.
La procédure judiciaire relancée le 10 février a débuté dans les années 1980, quand Ernesto Cardenal a reçu les fonds d’une organisation allemande pour construire une école à Solentiname, afin d’y former des responsables syndicaux ruraux. Dans les années 1990, l’Association pour le développement de Solentiname a décidé de transformer les installations scolaires en un hôtel, géré par Alejandro Guevara, un paysan formé par Ernesto Cardenal.
Après son décès, il a été remplacé par Arcia Mayorga qui, en 2002, a revendiqué l’hôtel comme étant le sien, fruit d’un héritage et a décidé de porter plainte contre Ernesto Cardenal. L’établissement et les terres qui l’entourent sont restées un temps sans propriétaire officiel, mais Arcia Mayorga a continué à en assurer la gérance. Cette dernière exige aujourd’hui d’en être définitivement la propriétaire légale.
C’est dans cet esprit qu’Arcia Mayorga a relancé la procédure, réclamant désormais d’être indemnisée au titre de dommages et intérêts. Une demande manifestement entendue par le juge saisi de l’affaire, qui a condamné le nonagénaire à payer à la plaignante le somme de 800’000 dollars. Une décision judiciaire entachée de soupçons dans un pays ou l’institution est notoirement dépendante du pouvoir exécutif et plus particulièrement de son président, Daniel Ortega. Vivant dans une modeste maison de Managua, Ernesto Cardenal, a estimé que ces poursuites représentent «une persécution politique» à son encontre. (cath.ch/jcg/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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