D’après la CPT, 60 personnes ont été assassinées en 2016 dans le cadre de conflits agraires. En 2015, l’organisme lié à la Conférence des évêques du Brésil (CNBB) avait comptabilisé 49 homicides. Le chiffre de 2016 est le plus élevé depuis 2003, une année où 71 personnes avaient été assassinées dans les campagnes brésiliennes.
La Commission Pastorale de la Terre indique que parmi les victimes figurent de nombreux responsables de mouvements paysans et de populations traditionnelles engagées dans la lutte pour la réforme agraire et contre la spoliation de terres liée à l’avancée de l’agrobusiness sur le territoire.
«C’est une situation terrible!», s’est indignée Jeane Bellini, membre de la Coordination nationale exécutive de la CPT. Pour cette dernière, l’escalade de la violence est le résultat de l’absence de l’Etat brésilien comme médiateur des conflits agraires. «L’Etat est en train de laisser la violence se propager sur le terrain. Et lorsque l’Etat s’éloigne, le capital privé avance, et il avance avec violence», a t elle souligné.
«Le pouvoir judiciaire continue lui aussi de laisser faire, a t elle poursuivi. Le nombre de procès pour assassinat reste très faible, le nombre de procès menés à leur terme encore plus faible, tout comme le nombre de personnes condamnées. Quant au pouvoir exécutif, lorsqu’il envoie la police, c’est pour protéger les terres souvent occupées illégalement par des propriétaires terriens».
Selon la CPT, comme dans les années précédentes, le nord du Brésil, en particulier l’Amazonie, demeure la région la plus marquée par les homicides. Un tiers des assassinats ont été commis dans l’Etat de Rondônia, à la frontière bolivienne. C’est le cas par exemple de Nilce de Souza Magalhaes, 50 ans, militante du Mouvement des victimes des barrages (MAB). Son corps a été retrouvé en juin 2016, criblé de balles et attaché à une pierre, au fond du lac qui jouxte le complexe hydroélectrique de Jirau, à Porto Velho.
Au-delà de la violence, les mouvements syndicaux ruraux ont également dénoncé le démantèlement progressif, depuis l’an dernier, des politiques publiques destinées aux populations rurales, y compris les populations indigènes. La preuve? Un Groupe Technique Spécialisé (GTE) a été créé récemment par le président Michel Temer. Il est chargé de revoir le principe de démarcation des terres indigènes, pourtant inscrit dans la Constitution brésilienne de 1988.
La paralysie des actions de réforme agraire dans le pays en 2016 est l’autre cible des critiques de la CPT et des autres mouvements sociaux ruraux. Cette situation était déjà dénoncée alors que Dilma Rousseff était au pouvoir (n.d.l.r. elle a été destituée le 31 août 2016). «Mais elle s’est aggravée depuis l’accession de Michel Temer à la présidence, assure les rédacteurs du Rapport. Le chef de l’exécutif a ainsi dissout le ministère du Développement agraire (MDA) et, avec lui, le Conseil agraire national, organe responsable de la médiation en cas de conflits liés à la terre». (cath.ch/jcg/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/bresil-violence-record-monde-rural/