Chauffage des églises: prier au chaud coûte cher

Chauffer une église en hiver peut facilement coûter 20’000 francs sur une année. Et l’ardoise varie en fonction de la rigueur de l’hiver. Au-delà de l’aspect financier, le confort des paroissiens soulève également des questions écologiques.

«Le problème avec les églises, c’est le volume et l’isolation». Pierre-Alain Liechti est représentant romand de Systec Therm AG, une entreprise qui fournit des appareils de chauffage pour les églises. Il sait de quoi il parle. «Malgré cela, il y a différents moyens de chauffer ce genre de bâtiments: chauffage au sol, sous les bancs, chauffage des vitres ou même par infrarouge», détaille-t-il. Les sources d’énergie varient elles aussi: chauffage à distance, au mazout, au gaz. Mais en Suisse, la plupart des lieux de culte optent pour l’électricité.

«Si on bannit les chauffages électriques des habitations individuelles, ils ne sont pas le pire des choix pour une église, explique Kurt Aufdereggen, délégué à l’environnement auprès d’œco Eglise et environnement, un organe de consultation au sujet des questions écologiques reconnu par la Conférence des évêques suisses et la Fédération des Eglises Protestantes de Suisse. Ils permettent de chauffer rapidement de grands volumes». Il reconnaît toutefois qu’en matière de chauffage d’église, «il n’y a pas de système idéal».

20’000 litres de mazout

Le confort des paroissiens a un prix. «Le chauffage électrique nous coûte entre 7 et 8000 francs pour l’église du Saint-Rédempteur à Lausanne», explique Christine Guex, l’administratrice paroissiale. Elle précise que la récente amélioration de l’isolation permettra de faire quelques économies ces prochaines années.

Dans le canton de Vaud, les communes prennent en charge les frais d’entretien des églises – et donc les frais de chauffage. Ce n’est pas le cas dans le canton de Fribourg où les paroisses assument directement ces frais. Les montants peuvent être considérables en fonction du type de chauffage. 14’700 francs pour l’église Saint-Pierre-aux-liens de Bulle en 2015, équipée d’un chauffage à distance. 15’700 francs pour celle de l’église Saint-Joseph de la Tour-de-Trême pour 20’000 litres de mazout. «Dans ce domaine, les prix sont très volatils», explique le caissier paroissial Paul Jordan. Les 20’400 litres de 2014, pour la même église, avaient coûté 19’750 francs.

Un hiver rigoureux

Dans le souci du bien-être physique des paroissiens, au-delà de la multiplicité des méthodes de chauffage, il reste une constante. Les factures varient d’un hiver à l’autre. Le cas de l’église Saint-Germain de Savièse et son chauffage électrique est emblématique.

Les mois de janvier, février, novembre et décembre 2013 ont été particulièrement rigoureux, avec des températures en dessous des normes saisonnières. Pour chauffer la grande bâtisse, environ 162’000 kWh ont été nécessaires. Coût de la facture: 26’840 francs. Deux ans plus tard, 2015 s’est montré plus clément avec des températures et des taux d’ensoleillement records – particulièrement en décembre, où il n’avait jamais fait aussi chaud depuis 1864. Résultat, 127’000 kWh ont été nécessaires au réchauffement de l’église, pour un total de 21’480 francs. Soit une économie de 5360 francs. «La variation du coût de l’électricité est aussi un facteur à prendre en compte, explique Rose-Odile Luyet, en charge des comptes de la paroisse jusqu’à cette année, mais c’est indéniable que les différences de température ont un impact sur le prix final».

Un «chauffage intelligent»

Au-delà de l’aspect financier, la pratique soulève également des questions écologiques. Les volumes à chauffer sont parfois énormes et les églises souvent vides en dehors des célébrations. A œco Eglise et environnement, Kurt Aufdereggen plaide pour un «chauffage intelligent». «Les gens qui viennent prier ou qui participent à un concert ont droit à cette chaleur, mais en dehors, ça ne sert à rien de maintenir une température à 19 degrés. Des systèmes existent pour programmer automatiquement le chauffage en fonction de l’utilisation de l’église». Il souligne également l’importance de l’isolation pour des bâtiments qui, la plupart, «n’étaient pas conçus pour être chauffés». «Les portes, les vitraux et parfois l’épaisseur des murs occasionnent des pertes de chaleur», ajoute Pierre-Alain Liechti. Si la plupart des paroisses souscrivent à ce modèle, elles soulignent dans le même temps l’importance de maintenir une température au minimum de 12 degrés. En dessous, les orgues et autres objets liturgiques risquent de se détériorer.

En Suisse, la situation reste enviable. Nos voisins français ne sont pas lotis à la même enseigne. Les conditions y sont plus spartiates. Aujourd’hui curé de Bulle, Bernard Miserez se souvient de ces années où il avait en charge la paroisse de Belfort, à quelques kilomètres de Bâle. En hiver, «nous faisions connaissance avec le froid. Nous chauffions un peu plus pour la messe de minuit. Le reste du temps, les fidèles gardaient leur manteau. Les paroisses n’avaient tout simplement pas les moyens de maintenir une température agréable pour tous les offices durant la saison froide». Le curé se souvient de la buée, lorsqu’il parlait ou des baptêmes administrés dans le salon de la cure. Preuve s’il en est que, de toutes les énergies, la chaleur humaine reste au final la moins coûteuse. (cath.ch/pp)

Pierre Pistoletti

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