«Les enfants nés avec une malformation (…) ou qui ne savent pas parler ou marcher, sont éliminés», explique l’abbé Germain Coulibaly Kalari, dans un reportage diffusé par le média sénégalais Ouest-TV. Il en va de même pour les enfants dont la mère meurt en couche.
Emu par le sort réservé à ces enfants, le prêtre âgé de 54 ans a ouvert en 1997 le Centre d’accueil et de transit Sainte-Geneviève. L’orphelinat, financé par des dons, accueille 17 enfants de 3 à 14 ans, dont deux sont séropositifs. Le Père Kalari explique que, dans certains endroits de la Côte-d’Ivoire et des pays voisins, la tradition veut que les enfants handicapés soient tués afin d’empêcher que la famille soit frappée d’une malédiction. Les victimes sont d’habitude noyées dans la baignoire ou empoisonnées.
Après être arrivé dans la paroisse, le curé s’est indigné de ces coutumes. En réponse, il a retrouvé chez lui un premier bébé avec un écriteau disant: «Puisque vous ne voulez pas qu’on les tue, occupez-vous en». Depuis, le nombre d’enfants recueillis n’a cessé d’augmenter.
Le Père Kalari a alerté en vain les autorités sur ce drame. Ces pratiques sont officiellement interdites par la loi, mais les meurtres sont perpétrés en toute discrétion, souvent avec la complicité de l’entourage et il n’y a pas de poursuites pénales. Le prêtre assure ainsi lui-même la prise en charge des enfants, avec pour toute aide, des dons ponctuels d’amis et de connaissances.
«Les populations locales ne connaissent pas ces maladies. Il faut ainsi changer leur perception en les sensibilisant, à travers les médias, les relais communautaires», relève le sociologue ivoirien Vincent Morifé. Il s’agit de faire comprendre à la population que «ce sont des enfants comme les autres, victimes seulement de malformations qui ne sont pas liées à des valeurs socio-culturelles, à la sorcellerie», ajoute-t-il.
Des raisons économiques poussent également certains parents à agir ainsi. Abiba Koné, une collaboratrice de l’abbé Kalari, estime qu’il sera difficile pour les parents des enfants de renoncer à cette pratique d’élimination. «L’entretien d’un enfant handicapé demande un sacrifice. Il faut d’abord s’occuper de lui avant d’aller au travail. Certains parents estiment que c’est une perte de temps, c’est pourquoi ils préfèrent l’éliminer», déplore-t-elle.
La plus grande préoccupation du prêtre concerne l’avenir de ses pensionnaires. Ils doivent en effet quitter le centre à l’âge de 15 ans, sur recommandation ministérielle. Ils sont considérés comme suffisamment responsables pour s’assumer. Or, ceux qui retournent dans leur famille sont rejetés et affamés. (cath.ch/ibc/otv-civ/rz)
Raphaël Zbinden
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