«Noël pour tous, ce n'est pas d'avoir un public cible, mais une envie de partager»

«Nous n’organisons pas un repas et une veillée de Noël pour tous par pitié, compassion ou charité». De tels sentiments agacent Nicolas von Muhlenen Carrel, président de l’association Noël Pour Tous Prévôtois, basée à Moutier.

«Notre projet de ‘Noël pour tous’, c’est l’envie de partager un espace convivial, où toutes les personnes peuvent partager et recevoir quelque chose». Derrière le «notre projet» se cache un comité de neuf personnes bénévoles, qui se répartissent une bonne centaine heures de préparation. Viennent s’ajouter l’installation des lieux et l’aide d’une quarantaine de bénévoles pour servir environs 200 repas.

Quelle est la motivation d’organiser une soirée de Noël, gratuite et ouverte à tous? On pourrait penser que l’intuition a germé suite à un sentiment de pitié face aux personnes démunies. «Absolument pas, tranche Nicolas von Muhlenen Carrel. La pitié, la compassion ou la charité, ce sont des sentiments qui m’agacent. A la base, et de manière très pragmatique, il y a un principe de solidarité. Il y a un don et un contre-don, il faut que ça marche dans les deux sens. Dans notre projet, l’idée n’est pas de viser un public cible, mais une envie de partager quelque chose avec ceux qui le souhaitent».

Une action faite d’égal à égal

Contrairement à la charité –»action à sens unique, faite au nom d’un tiers»–, la solidarité a du sens pour le président de l’association, dans la mesure où l’action est faite d’égal à égal. «Les personnes viennent avec ce qu’elles sont, ce qu’elles apportent et ce qu’elles ont à recevoir. En tant qu’organisateur, j’ai autant à recevoir qu’à donner».

«Il ne faut pas que ‘Noël pour tous’ devienne la chapelle de quelqu’un»

Si le projet fonctionne, c’est qu’il y a des règles assez strictes. A Moutier, le contexte est particulier. Il y a certaines sensibilités à respecter et l’association doit afficher une neutralité, tant sur l’aspect confessionnel que politique. «Il ne faut pas ça devienne la chapelle de quelqu’un, précise l’organisateur. Un cadre doit être aussi donné aux bénévoles, qui sont là pour partager et recevoir quelque chose. Et non pour se donner bonne conscience, en participant à un ‘projet social’. Il y a un état d’esprit général à adopter, pour éviter une dichotomie entre les organisateurs et les autres».

Stimuler les échanges

De fait, il n’y a pas de distinctions vestimentaires, si ce n’est le costume des serveurs, qui apporte une touche festive. «C’est important de jouer sur l’ambiance et la décoration. Nous sommes là pour stimuler les échanges entre les personnes, assises à une même table et qui souvent ne connaissent pas». Autre costume incontournable, celui du Père Noël. «Nous proposons quelque chose d’assez conventionnel, avec une manière traditionnelle de fêter Noël, en respectant des symboles qui y sont liés», explique le Prévôtois.

«Que l’on soit vieux, jeune, seul ou en famille, le but est que l’on puisse se sentir bien»

En plus de la visite du Père Noël, il y a un temps pour des chants populaires et des poèmes de la Nativité. L’ambiance de fête est garantie, avec un plafond enguirlandé, des sapins décorés, une lumière tamisée, de la musique et un service de plats sortant de l’ordinaire. Les relations et les liens sociaux sont pensés dans les détails. Les enfants ont un espace de jeux à disposition et pour les moins mobiles, un service de taxis est assuré.

Eviter un ghetto d’isolés

«C’est important de garder cette notion d’universalité! Qui que l’on soit: vieux, jeune, seul ou en famille, le but est que l’on puisse se sentir bien. Nous avons toujours évité de faire un ghetto d’isolés», explique Nicolas, indiquant que les gens qui viennent représentent l’ensemble de la société. Pour lui, c’est ce mélange de toutes les conditions et de toutes les générations qui est le plus représentatif de Noël.

Un souvenir marquant

«Je pense entre autres à un monsieur, décédé aujourd’hui. Il m’avait dit une jour n’avoir plus jamais mis les pieds dehors pendant les fêtes depuis dix ans. Il fut tellement marqué par l’ambiance de Noël pour tous, qu’il est revenu chaque année, partageant chaque fois un nouveau poème pour toute la salle», évoque l’organisateur de ce 14e Noël pour tous prévôtois.

«L’amour ne devrait pas se mesurer au montant du cadeau»

L’impact d’une telle soirée invite le travailleur social à réfléchir lui-même sur le sens du partage. «Un cadeau de Noël peut se trouver ailleurs que dans un bien matériel. Un partage sincère est parfois plus bénéfique qu’un présent matériel, quelques fois forcé ou artificiel. D’ailleurs au sein d’une famille, l’amour ne devrait pas se mesurer au montant du cadeau».

Des rencontres riches

Investi à fond dans l’événement, l’ancien chef scout n’a pas l’impression de sacrifier la fête de Noël en famille. Car les rencontres sont tellement riches durant cette soirée de fête. «Depuis plusieurs semaine, ma fille n’attends qu’une chose: voir le Père Noël et chanter sa chanson devant tous les participants», s’enthousiasme le père de famille. De plus, passer la soirée du 24 décembre à «Noël pour tous» ne l’empêchera pas de fêter en famille le 25 ou le 26.



Du «Noël des isolés» au «Noël pour tous»

A Moutier, on se souvient du «Noël des isolés», qui a duré une dizaine d’années, autour des années 1990. C’est la première source connue d’un Noël ouvert au public. Puis l’organisation d’un «Noël du cœur» a pris le relai pendant quelques temps, avant d’arrêter au début des années 2000.

Avec une équipe d’anciens chefs scouts, Nicolas von Muhlenen Carrel s’intéresse à continuer ce projet d’un Noël ouvert à tous. C’est en 2003 que l’aventure commence, avec une trentaine de participants. L’association Noël Pour Tous Prévôtois est fondée en 2005, dans le but d’avoir une identité claire et des statuts propres à ce projet, et afin de faciliter la relève dans l’organisation.

A la fin, tout le monde converge pour le traditionnel vin chaud œcuménique

L’aspect financier n’a jamais été un problème, puisque l’association a bénéficié des donateurs de l’ancienne équipe de «Noël du cœur». Puis d’autres donateurs, dont quelques anonymes, se sont approchés, parmi lesquels: des entreprises, les Eglises, les clubs services et philanthropiques. A noter que la commune de Moutier offre la location de la Sociét’halle et un cochon-tirelire est déposé durant la soirée pour une contribution volontaire.

Depuis quelques années, les participants dépassent les 200, comprenant une quarantaine de bénévoles. Certaines personnes, qui soupent en famille, préfèrent rejoindre la fête dès 22h. D’autres rejoignent leur paroisse pour les offices religieux de minuit. A la fin, tout le monde converge pour le traditionnel vin chaud œcuménique, servi au centre de la ville. (cath.ch/gr)

Grégory Roth

Portail catholique suisse

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