En ce temps d’Avent, on pense davantage aux lumières qu’aux ombres…
Oui, mais elles sont très liées entre elles et il n’y a pas de lumière si l’on ne pense pas à la nuit. Ce temps de l’Avent nous montre cette lumière progressive qui grandit, de la première à la quatrième bougie, pour nous mener jusqu’à la pleine lumière de Noël. Une Nativité fêtée d’ailleurs en plein milieu de l’obscurité. La fête de Noël s’inscrit, dans le calendrier, au moment le plus sombre de l’année. Et c’est aussi dans les moments les plus sombres qu’on perçoit le mieux la nécessité de la lumière. C’est là qu’on y aspire le plus, que l’on prend pleinement conscience que la lumière est nécessaire. C’est le manque qui appelle quelque chose d’autre; c’est ça qui provoque en nous le désir de chercher plus loin.
La Bible est pleine d’épisodes lumineux et sombres…
Absolument. La Bible est écrite dans un écrin de lumière. Les premières paroles de la Bible sont: «Que la lumière soit». L’Apocalypse se termine aussi avec la lumière puisqu’on nous dit qu’on n’aura plus besoin de lumière artificielle, ni même du soleil ou des étoiles, puisque la lumière de Dieu illuminera tout être. Dans la Bible, on jongle tout le temps entre deux concepts qui sont peut-être un peu les mêmes, mais complètement différents à la fois: entre la Lumière de Dieu et celle du soleil, des étoiles. Ainsi découvre-t-on, au fil des Evangiles, beaucoup d’aveugles qui, souvent, voient beaucoup mieux que ceux dont les yeux fonctionnent bien… et qui ne comprennent rien! Peut-être ces aveugles voient-ils avec le cœur. On peut dire que la Bible est complètement tissée entre des lumières et des ombres parce qu’elle est faite de la pâte humaine et que, dans l’humanité, on a des situations ombrageuses ou des personnes qui salissent, dénaturent et, finalement, déshumanisent. Mais, à l’intérieur de tout cela, il y a toujours la lumière de Dieu qui essaie de s’infiltrer, de se profiler, de venir remplir ces espaces pour attirer l’humanité au-delà d’elle-même.
S’il n’y avait pas d’ombres, peut-être s’arrêterait-on un peu vite en chemin.
Dieu est Lumière!
C’est ce que reprend de façon brillante et magnifique le prologue de l’Evangile de Jean, qui dit que la Lumière est venue dans le monde; que Dieu est Lumière. Et puis; il y a ce constat tragique et terrible, qui fait pleurer Jésus: les hommes préfèrent souvent les ténèbres à la lumière. Parce que leurs œuvres sont mauvaises et qu’ils préfèrent rester cachés. Parce qu’ils craignent de montrer ce qu’ils font et ce qu’ils sont. Mais cette lumière de Dieu est imprimée en nous; elle est un appel, une quête. C’est même une quête tellement forte qu’on n’arrive pas à être heureux sans la chercher. Dès qu’on s’enfonce dans les ténèbres, on est triste.
L’ombre aurait-elle quelque chose à nous apprendre?
Oui. La Bible n’a pas évincé l’ombre, n’a pas renoncé à évoquer des situations tragiques ou les cas de personnes qui agissent mal. Ainsi nous rapporte-t-on les faits de grands personnages, comme par exemple le roi David – figure exemplaire sous bien des aspects – qui, soudain, se comporte comme un goujat. Ne va-t-il pas tuer quelqu’un pour lui prendre sa femme puis s’enfermer dans son palais? Lui aussi, il a ses zones d’ombre. Ces zones sont là pour nous rappeler que la lumière est importante et qu’on ne peut pas s’en passer. Les mauvais exemples ont également pour mission de nous élever. Nous donner envie de ne surtout pas nous comporter de la sorte. Pédagogiquement, l’ombre est là pour nous pousser un peu plus loin, nous inciter à ne pas nous contenter d’une loupiote. L’ombre nous convie à rechercher la vraie lumière. C’est à cela que nous sommes appelés. C’est de cela qu’il nous faut nous combler. S’il n’y avait pas d’ombres, peut-être s’arrêterait-on un peu vite en chemin. Peut-être se contenterait-on des lueurs de chandelles. On est appelé à beaucoup mieux!
Quelles sont les ombres et les lumières de notre temps?
Là aussi, en relisant l’actualité, on voit que les ténèbres envahissent la terre. Tout ce qui touche à la guerre, qui dénature l’homme et brise la fraternité, ce qui est indécent, insupportable, toutes ces images de terreur sont là pour nous mettre en garde, nous inviter à ne pas faire la même chose. Lorsqu’on est confronté à la violence, aux dérives de Daech ou de tout extrémisme, cela peut titiller en nous des envies de vengeance et d’actes violents. On peut avoir envie de combattre celui qui ne nous ressemble pas. Cependant, de voir jusqu’où tout cela pourrait nous mener nous conduit justement à nous persuader qu’il faut nous réfréner. On doit travailler en nous tous ces espaces qui ne sont pas de la lumière parce qu’ils nous portent à la haine et qu’ils ne sont pas bons.
C’est un appel aussi à l’Espérance…
Oui, et ça me frappe toujours, au coeur tragique des scènes de guerre, des famines, tsunamis, ou autres catastrophes entravant la liberté de l’humanité, de voir à quel point des solidarités se mettent en route! Quelqu’un qui n’a qu’un quignon de pain sera capable de le couper en deux et de le partager avec un autre qui n’a rien. Ces petits gestes lumineux, qui apparaissent partout et surtout dans les situations de détresse, m’aident à croire que l’humanité porte en elle l’empreinte de Dieu. (angelus/ce/pp)
Didier Berret est bibliste et diacre dans l’Unité pastorale des Franches-Montagnes. Jeudi 15 décembre à 20.00, il donnera une conférence au Centre St-François de Delémont sur le thème «Ombres et lumières dans la Bible».
Pierre Pistoletti
Portail catholique suisse
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