par Pierre Pistoletti
«Il y a 100 ans, le 1er décembre 1916, Charles de Foucauld, était abattu par erreur par un jeune soldat, à Tamanrasset, au cœur du Hoggar. Il mourrait seul, comme «le grain de blé tombé en terre pour porter beaucoup de fruit». Converti en 1886, moine trappiste, puis ermite à Nazareth, et finalement, après bien des résistances, ordonné prêtre «libre» dans le diocèse de Viviers en 1901. Mais c’est pour partir en Algérie, proche de la garnison de Béni Abbès. Là, son ermitage est rapidement envahi par tout un monde qui a recours à lui, soldats, voyageurs, pauvres et malades, esclaves…, à tel point qu’on a pu le comparer à un «curé de campagne». «Je veux habituer tous les habitants, chrétiens, musulman et juifs… à me regarder comme leur frère, le frère universel. Ils commencent à appeler la maison›zaouia’ (fraternité) et cela m’est doux.»
50 ans plus tard, en France, un groupe de prêtres diocésains, curés et vicaires, aumôniers, professeurs, qui fréquentent les Petits Frères et Sœurs de Jésus, rêvent de se joindre à eux pour vivre à leur manière le charisme à la fois contemplatif et apostolique de Frère Charles au sein de leur ministère diocésain. Ce sera bientôt la naissance de «l’Union sacerdotale» que les membres fondateurs définissaient volontiers par des aphorismes qui datent, mais gardent toute leur valeur.
«Sa matière première, ce sont nos vies, nos histoires de prêtres diocésains, avec leurs joies et leurs blessures»
«La Fraternité, c’est des vies de prêtres.» Sa matière première, ce sont nos vies, nos histoires de prêtres diocésains, avec leurs joies et leurs blessures, notre «Nazareth» quotidien et nos traversées de désert. C’est toute cette vie, aux carrefours de l’Eglise et du monde, que nous relisons avec l’évangile, que nous portons dans l’adoration et partageons entre frères dans la «révision de vie».
«La Fraternité, c’est Jésus». Cette affirmation apparemment prétentieuse, comme l’était la fameuse définition de Bossuet: «L’Eglise, c’est Jésus répandu et communiqué», dit bien notre conviction: la Fraternité ne se réduit pas à la totalité de ses membres individuels, mais c’est un don qui nous est fait de vivre ensemble «à cause de Jésus et l’Evangile». Jésus de Nazareth, en qui l’Absolu de Dieu se fait tout proche, chemin d’abandon au Père, aimé dans le plus petits de nos frères, celui que Fr. Charles appelait «mon bien-aimé Frère et Seigneur Jésus.»
«Tout est dans la fraternité.» On pense d’abord au petit groupe qui se réunit chaque mois pour un partage de vie et d’amitié, mais c’est plus qu’un groupe de soutien, une sorte de béquille qu’on pourrait bientôt abandonner. C’est avant tout un lieu où nous faisons l’expérience de Jésus, dans l’Evangile et l’Eucharistie, mais aussi dans une relecture de notre vie exigeante, où nous nous interpellons avec courage pour y découvre les appels du Seigneur.
La Fraternité Jésus Caritas n’est pas un club fermé, elle est en lien avec et au service d’un presbyterium «uni par une intime fraternité sacerdotale» (Vatican II). Plus largement encore en lien avec tout humain en quête d’amour et de fraternité. Comme le disait Frère Charles: le bon berger peut-il «laisser les 99 brebis égarées pour se tenir tranquillement au bercail avec la brebis fidèle?» Cette ouverture aux plus lointains et abandonnés nous est rappelée par la présence parmi nous de plusieurs «fidei donum», prêtres diocésains engagés, au moins pour un temps, en Amérique latine et en Afrique, comme aussi avec les minorités et les exclus de nos pays riches.
Cette option pour le pauvre et le faible est inséparable de l’amour de Jésus dans l’Eucharistie. Peu de temps avant sa mort, frère Charles écrivait: «Il n’y a pas de parole de l’Evangile qui ait fait sur moi une plus profonde impression et transformé davantage ma vie que celle-ci: «Tout ce que vous faites à l’un de ces petits, c’est à moi que vous le faites.» Si l’on songe que ces paroles sont celles de celui qui a dit: «Ceci est mon corps, ceci est mon sang», avec quelle force on est porté à chercher et aimer Jésus dans ces petits, ces pécheurs, ces pauvres…» Le sacrement de l’Eucharistie est indissociable du sacrement du frère.» (cath.ch/pp)
Pierre Pistoletti
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