La situation de l’évêché de Coire est complexe. C’est un des plus vieux évêchés de Suisse, il a gardé des structures qui remontent à l’Empire romain et son organisation ecclésiastique est celle du Moyen Age. A l’époque c’était le chapitre cathédral, c’est-à-dire les chanoines de la cité épiscopale, qui élisaient l’évêque, lequel était reconnu ensuite par le pape à Rome, selon diverses formules. La Suisse centrale, qui dépend du diocèse de Coire, a réussi à maintenir cette autonomie locale contre la centralisation romaine qui s’est imposée partout dans le monde à partir du 19e siècle. Un archaïsme qui a pris soudain des allures de modernité à partir du désir du Concile Vatican II de donner davantage d’autonomie aux Eglises locales. C’est pourquoi les droits cantonaux dans l’élection de l’évêque de Coire (comme aussi de celui de Bâle) étaient appuyés par les mouvements progressistes issus du Concile.
Le paradoxe, c’est que la désignation de Mgr Haas par le fait de son prédécesseur, puis de Mgr Huonder par le chapitre de Coire ont mis à la tête du diocèse des personnalités très conservatrices. Ils se sont vigoureusement heurtés à la sensibilité des catholiques habitant les régions urbaines et plus développées économiquement, notamment en ville de Zurich, qui ont une vision très différente de l’Eglise. C’est un problème pour le diocèse de Coire d’avoir une capitale dans une région montagneuse et relativement peu peuplée et de diriger spirituellement une population catholique habitant une ville d’importance mondiale sur le plan économique et intellectuel. La tension est inévitable.
D’où le désir de séparer le diocèse et de lui donner ainsi davantage de cohérence sociologique. Mais la crainte du courant progressiste est de voir se perdre les vieux privilèges médiévaux qui donnaient un poids important à l’Eglise locale. Car il paraît évident qu’un diocèse de Zurich ne pourrait pas voir son évêque désigné par un chapitre local, qui n’a jamais existé, mais qu’il serait désigné directement par le pape selon le droit ordinaire contemporain. Le chapitre de Coire et les droits des cantons primitifs de la Confédération dans la désignation épiscopale ne deviendraient ainsi plus qu’un particularisme historique sans grande importance dans la configuration générale du catholicisme suisse.
C’est pourquoi la désignation d’un administrateur pourrait permettre de ne pas trancher le problème avant d’avoir résolu la question d’un redécoupage du diocèse. Ce genre de problème concerne également le diocèse de Bâle et celui de Lausanne-Genève-Fribourg. La montée en puissance de villes comme Zurich, Genève et Lucerne remettent en question de vieux découpages diocésains, dont les origines remontent au temps des Romains. Il faudra bien s’attaquer au problème.
Jean-Blaise Fellay | 24.11.2016
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