Le pape François créera 17 nouveaux cardinaux le 19 novembre 2016, au cours du troisième consistoire ordinaire de ce type de son pontificat. Parmi les élus, le Père Ernest Simoni, 89 ans et prêtre de l’archidiocèse de Shkodrë-Pult (Albanie). En 1963, il est condamné à mort pour avoir célébré la messe, puis gracié et emprisonné pendant 18 ans avant d’effectuer des travaux forcés jusqu’à la chute du communisme en 1990. Interrogé par Cristina Uguccioni, journaliste pour le site d’informations Vatican Insider, le nouveau cardinal revient notamment sur sa nomination.
Qu’avez-vous pensé quand vous avez appris votre nomination de cardinal?
J’avais à peine terminé de célébrer la messe et je suivais l’Angelus à la télévision quand j’ai entendu mon nom, j’ai d’abord pensé de ne pas avoir bien compris. Il ne me serait pas venu à l’esprit de devenir un jour cardinal. J’en suis très content, pas pour moi, mais pour mon peuple: cette nomination en effet rend hommage aux Albanais et à ses martyrs, qui ont souffert pour leur attachement et leur fidélité à Jésus. Je voudrais aider les jeunes générations – chez qui la foi s’est affaiblie – à suivre avec fougue et conviction Jésus, à obéir aux dix commandements, sans lesquels aucun homme et aucune société ne peut avancer et progresser.
Qu’est-ce qui vous touche chez le pape François?
Le Saint-Père est un homme qui regarde Jésus avec amour et réussit à transmettre l’amour, à partir de Lui vers tous les hommes, spécialement vers ceux qui souffrent le plus dans leur chair et leur esprit. Il réussit à insuffler la consolation à ceux dans le besoin et montre une forte attention aimante pour les pauvres. Le pape François prie pour la misère dans le monde, veut transmettre la miséricorde de Dieu à l’entière famille humaine, suivant Jésus qui est venu sauver le monde et chercher les pécheurs, nous le sommes tous. Avec son visage angélique, il nous rappelle constamment la promesse de Jésus, la seule dont on peut être sûr qu’elle sera tenue. Les promesses de notre monde sont vaines.
Pendant les années de prison comment avez-vous supporté les moments de peur, de découragement, d’angoisse?
Je ne suis jamais entré dans le désespoir parce que j’avais confiance en Jésus, qui est la vie, la vérité, le salut pour chacun d’entre nous. Aucun n’est abandonné par Lui. J’ai toujours ressenti, pendant mes longues années de prison, que le Seigneur était à mes côtés. Je priais beaucoup, en particulier le Saint Rosaire, et j’assistais spirituellement mes compagnons. J’ai supporté les moments difficiles, et j’en ai vécu beaucoup, non pas grâce à ma force mais par le Saint-Esprit: c’était Lui en réalité qui m’a soutenu, et m’a fait ne pas me sentir seul et a généré en moi la confiance en le Seigneur.
Quel est votre souvenir de la messe du 4 novembre 1990, la première célébration après la fin du régime communiste d’Albanie?
J’étais heureux. Je me souviens que ce jour là sont venues de nombreuses personnes, ils n’avaient pas perdu l’espérance, ils n’avaient pas perdu la foi: aucune dictature ne peut arrêter Jésus. J’étais heureux de pouvoir parler de Lui aux fidèles et les aider à le suivre parce que ce n’est pas celui qui répétera «Seigneur, Seigneur» qui entrera dans le Royaume des cieux, mais celui applique la volonté du Père. Pendant les années de prison je n’ai jamais dérogé à mon devoir. Je disais la messe de mémoire, en latin, et distribuais la communion en cachette. Je cuisais l’hostie dans des petits fours à essence qui servaient pour les chantiers ou bien j’allumais un feu de bois. Le vin je le substituais par la pulpe de raisins que je pressais. En hiver j’utilisais des flacons de vins que m’apportaient mes parents.
«Je ne suis jamais entré dans le désespoir parce que j’avais confiance en Jésus.»
Quel rôle a eu la prière dans votre vie?
Elle est fondamentale: j’ai obéi à Jésus qui a dit «priez sans intermission», à savoir priez toujours. La prière est le martèlement qui écrase les pièges tendus par Satan. Avec la prière nous cultivons et maintenons l’amour pour Jésus, sans laquelle il n’est pas possible de progresser dans la vie, car Lui seul est la vie et la résurrection. Comme disait saint Paul, sans la résurrection de Jésus vaine serait notre foi. Bien sûr, ses enseignements resteraient de toute façon importants pour conduire une vie saine, mais la résurrection est décisive: le Fils a vaincu la mort et nous porte avec lui dans la vie éternelle: il l’a dit, donc cela arrivera. Nous devons prier sans nous fatiguer et suivre Jésus qui nous conduira à la joie sans fin.
Il y a un passage dans l’Evangile qui vous est particulièrement cher?
Je ne saurai pas en choisir un en particulier parce que tous forment la parole de Jésus, pour moi, ils sont beaux et puissants. Je voudrais en indiquer un qui peut aider ceux qui se trouvent dans l’épreuve, dans la souffrance, dans la maladie: « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger» (Mt, 28-30). A tout ceux là, Il donnera la médecine adaptée: son amour qui console, restaure, soutient et guide vers le bonheur éternel.
Que signifie pour vous être pasteur?
Cela signifie chercher d’imiter Jésus et le porter à toutes les créatures, non pas avec de grandes proclamations, mais maison par maison, village par village, comme lui le faisait. Cela signifie être proche des gens dans toutes ses souffrances, dans toutes les épreuves qu’ils doivent affronter, témoignant par l’exemple, avec les actes, l’amour du Christ qui protège, soulage, encourage, dans la vie: cela peut se faire seulement avec Sa grâce.
A notre époque – qui nous pousse à optimiser l’énergie et les ressources, à l’efficacité et aux résultats – que voulez-vous dire à ces chrétiens qui peuvent être tentés d’être submergés par l’anxiété et la culture l’impatience?
Je leur dis: apprenez à savoir attendre, semez avec confiance. Jésus nous assure que nos cheveux sont comptés, nous sommes précieux à ses yeux. Il sait tout sur nous, Il nous aime. Suivons-le avec une foi vivante, avec dévouement aux autres, en particulier aux plus vulnérables. La venue de Jésus dans le Saint Sacrement, l’Eucharistie est le plus grand miracle qui se produit tous les jours dans le monde. Nous devons nous mettre à genoux et prier. Il nous entendra et nous guidera: les ténèbres ne prévaudront pas, Jésus a vaincu le monde. (cath.ch-apic/imedia/bh)
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
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