«Il n’y avait que de la joie! Mon baptême reste un beau souvenir, même si, sur le moment, ça m’a foutu le trac!», témoigne Quentin, qui a reçu le sacrement derrière les barreaux du CEP, il y a un an et demi. L’abbé Henri Roduit l’a baptisé en présence d’une assemblée composée du personnel du CEP, de ses proches et des jeunes.
«Tout mon quartier était là: des croyants, des non-croyants, Jeff Roux, – l’aumônier de Pramont – ainsi que Christine Lany-Thalmeyr, membre de l’aumônerie des prisons de Genève. C’était bien.» Tassé sur l’une des chaises de la salle qui fait office de chapelle, le jeune homme qui vient de raconter le parcours qui l’a amené jusque là, s’est redressé. Il s’anime en racontant l’événement, une première au CEP.
Le jeune homme annonce 24 ans, dont plus de quatre passés derrière les barreaux. Un training bien ajusté lui donne une silhoutte athlétique, «no regrets» est tatoué sur le cou aini qu’une étoile, au niveau du coude. Avec son allure sportive et son mètre soixante-dix, il semble sûr de lui. Aux premières questions, le regard trahit l’étonnement. Il est étonné qu’on lui demande de témoigner sur son chemin de foi.
Il explique que la célébration devait se dérouler à la prison de Champ-Dollon, où il avait commencé à cheminer avec Christine Lany-Thalmeyr. Son transfert au CEP a eu lieu plus tôt que prévu. Il était incarcéré depuis deux ans dans l’établissement genevois pour «violence corporelle assez grave». Jusque-là, il croyait à «quelque chose de plus haut, sans idée précise». A Champ-Dollon, le début de son incarcération se passe mal, «ça n’allait pas, je n’acceptais pas l’enfermement. Je pétais les plombs». Si souvent qu’il est envoyé plusieurs fois au cachot. Il s’y retrouve une énième fois, au plus mal.
«Au cachot, tu es dans le noir, seul, il n’y a rien. Tu te sens comme une m… J’ai fait une prière à Dieu. J’ai été touché dans ce moment de détresse», souffle-t-il. «Il y avait comme un voile noir sur ma vie et il y a eu un voile blanc. Je ne sais pas l’expliquer autrement», témoigne du bout des lèvres Quentin. En retrait sur sa chaise, le jeune homme ne récite pas son histoire. Il semble revivre ce moment de grâce. Il laisse le silence s’installer.
«Il y avait comme un voile noir sur ma vie et il y a eu un voile blanc.»
«Ce n’est pas que ma vie a changé du jour au lendemain, poursuit-il, il y avait toujours la violence, l’enfermement que je n’acceptais pas, les huit mois sans voir ma famille, mais je me suis trouvé plus en paix, plus serein». Le jeune homme s’est posé des questions sur le sens de ce qu’il venait de vivre. Il a hésité un mois avant d’en parler à des co-détenus qu’il savait croyants. L’un d’eux lui a passé un livre qui regroupait les quatre Evangiles. «Ce que j’ai lu répondait à certaines de mes questions. Il y avait des pièces du puzzle. Je ne comprenais pas tout». Sur les conseils d’un détenu, il assiste régulièrement à la messe et s’adresse à Christine puis commence un cheminement avec elle.
Ils se rencontrent régulièrement. Le dialogue s’installe, le débat aussi. L’aumônière «pose des mots» sur ce qu’il vit, sur la signification de Jésus et de ce qu’il est pour l’homme. Il relate son questionnement sur la réciprocité du mal. Il admet que ces notions sont complexes pour lui. «J’ai commencé à comprendre le mal que j’ai fait autour de moi. Avec la Genèse et de bonnes explications de l’aumônière, il trouve des réponses sur ses actes. «C’était un chemin beau et gratifiant qui m’a demandé beaucoup d’efforts pour essayer de changer intérieurement». A l’écouter, il y travaille encore tous les jours. «Quand ça ne va pas, je demande à Dieu de m’aider».
Le chemin se poursuit avec Jeff Roux, qu’il contacte à son arrivée au CEP, où il a été entre temps transféré. Comment vit-il sa foi? La voix du jeune homme s’éclaircit, il pose ses bras croisés sur la table. Il lit la Bible lorsqu’il en sent le besoin ou qu’il a de la peine. «Bon… c’est vrai, je devrais lire plus souvent», reconnaît-il. Il ne manque jamais la messe mensuelle. «C’est un grand plaisir de prier et d’être en communion avec les autres, même en silence». Il ne clame pas sa foi dans les couloirs de l’établissement mais ne s’en cache pas non plus.
Il ne manque pas une occasion de s’entretenir avec l’aumônier. Cela lui permet de se confier et de poser encore des questions sur la Bible. «C’est bien d’avoir quelqu’un avec qui partager quand on cherche des réponses. Pour moi c’est un repère». Il rend grâce pour ces personnes mises sur son chemin et qui l’aident à fortifier «ce moment où ce voile blanc a illuminé sa vie». Comment, sinon, tenir en prison quand la tentation de la violence se fait fortement sentir? «J’ai de la peine à encaisser sans répondre et à vivre dans la paix de Dieu», reconnaît-il, lucide.
Le pape a incité à ne pas rester prisonnier du passé mais à ouvrir la porte du futur. Qu’en pense-t-il? «Les actes du passé n’ont pas d’influence sur mon futur». Dieu pardonne, Quentin le sait. «Il regarde l’intérieur des personnes et non le mal qui est fait à l’extérieur». On n’est pas loin du discours. Et demander pardon à sa victime? «Le passé, c’est le passé», lance-t-il d’un ton lapidaire. Il fait une pause. «En fait, quand je me sentirai de le faire, j’irai voir la personne et je lui dirai quelque chose qui l’apaise et qui m’apaise. Peut-être, je verrai».
Une heure et demie d’un échange soutenu est passée. Le jeune homme n’a pas fait mystère de la violence. Il dit travailler là-dessus mais que c’est difficile. On déverrouille la porte de l’extérieur. Trois femmes bénévoles de l’Association «Parole en liberté», vont venir occuper la salle pour passer un moment avec les jeunes d’un quartier. (cath.ch/bh)
Bernard Hallet
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