«Pour un menuisier, c’est une chance qui passe tous les 2000 ans!», lance Gérald Crettaz tout sourire devant la Porte sainte de l’ermitage de Longeborgne. Le maître socio-professionnel, qui travaille au sein de l’un des deux ateliers «Bois» du CEP, contemple les éléments de bois assemblés et fixés temporairement à la porte d’entrée de l’ermitage. Il ausculte la structure, en vérifie les jointures et semble lisser le bois avec sa main. «Quand Franck* a vu les photos de la cérémonie d’ouverture sur le site internet de l’ermitage, il en avait les larmes aux yeux», ajoute-t-il.
Franck est un des jeunes du CEP auquel M. Gérald Crettaz enseigne la menuiserie. Enfermé depuis cinq ans, il travaille sur différents projets sous la conduite de son MSP. Un jour, il aperçoit le fronton de la future porte et tombe sur les plans dessinés par son maître d’apprentissage. En réponse à la curiosité de ce dernier, M. Crettaz lui explique le projet de la Porte sainte dont l’installation est prévue quelques semaines plus tard à l’ermitage. Franck demande à travailler sur le projet. «Etant donné le contexte religieux de ce projet, je ne l’ai pas proposé aux jeunes», se souvient M. Crettaz. Malgré les explications du MSP, Franck n’en démord pas: il veut s’atteler au projet. Gérald finit par entrer en matière sur la fabrication de cette porte.
«Franck a mis un soin infini à réaliser les éléments de la porte. Je lui ai montré la procédure pour fabriquer les deux moulures en exécutant la première. Sa réalisation a été meilleure que la mienne», poursuit M. Crettaz. Il détaille l’application de Franck lors des finitions et des retouches de peinture. «Ce projet était pour lui une manière de se projeter vers l’extérieur et aussi un bel acte de générosité. Il a vraiment réalisé cette porte pour les gens. Je peux vous dire qu’il a été très étonné en voyant les photos de tous ces pèlerins franchissant le seuil de «sa» porte. Son travail a pris alors tout son sens, il a été touché, explique M. Crettaz. L’émotion du gaillard contraste avec sa carrure de déménageur. «Franck aime ce métier de la même manière que moi».
Il revient sur la suggestion de Mgr Lovey, Evêque du diocèse de Sion, d’installer, dans le cadre du jubilé de la miséricorde, une Porte sainte à Longeborgne. La proposition de l’évêque est rapidement mise en œuvre par le frère François osb et un groupe d’amis de Longeborgne. Le diacre a proposé deux dessins: «un projet inspiré de la Porte sainte de Saint-Pierre de Rome et le projet, finalement retenu, comportant le fronton inspiré des stations qui jalonnent le chemin d’accès au sanctuaire». Au seuil de cette porte se sont rencontrées sa profession et sa foi, avoue-t-il le regard brillant.
Deux semaines ont été nécessaires à la réalisation des éléments découpés dans des panneaux de bois reconstitués. «Certaines parties du fronton sont en réalité des chutes de bois que j’ai récupérées». D’une épaisseur de 19 millimètres, les panneaux ont été collés et vissés, «ce qui est suffisant pour une installation de quelques mois». L’équipe a songé à faire restaurer la véritable porte qui donne l’accès au sanctuaire. Las, le lieu étant classé monument historique, la démarche aurait débordé des délais impartis jusqu’à l’ouverture de la Porte sainte, le 20 décembre 2015.
«Franck n’a pas l’autorisation de sortir du CEP. Il n’a donc pas pu participer au montage de la Porte sainte». M. Crettaz espère qu’il pourra, dans son parcours de vie, se rendre sur place afin de voir sa réalisation dans son contexte.
La lumière de cet après-midi d’automne confère à l’installation une douce clarté. «On a installé cette porte à l’entrée du sanctuaire, plutôt qu’à l’entrée de la chapelle. Les randonneurs et les touristes de passage, peuvent en profiter, au même titre que les pèlerins qui effectuent la démarche de pèlerinage». Qui sait, peut-être se laisseront-ils surprendre par la miséricorde?» (cath.ch/bh)
*Prénom ficitif
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/longeborgne-porte-sainte-sortie-de-prison/