«Le sens de ma vieillesse, c’est de prier pour les jeunes, pour le monde, pour la paix». Cette phrase d’une ursuline de Fribourg âgée de 92 ans est l’un des nombreux témoignages affichés sur les panneaux qui jalonnent le parcours de l’exposition. Les Sœurs ursulines ouvrent aussi la porte de leur chambre, présentant notamment l’évolution de leur mobilier du 17e au 20e siècle. Un diaporama de photos de la maison des sœurs aînées, prises par une sociologue, font découvrir leur quotidien. De brefs messages audio permettent en outre d’entendre les religieuses narrer, dans la simplicité et l’émotion, des anecdotes qui ont marqué leur vie
La salle d’exposition a pris des teintes jaune orangé, la couleur symbolique de la résurrection, explique Chantal Esseiva, conceptrice de l’exposition avec François Cuennet. Les deux experts en muséographie fribourgeois sont établis en Provence. Il s’agit d’exprimer l’espérance de ces Sœurs aînées, confrontées à la perspective de la mort. Car pour ces religieuses, âgées de 80 à 101 ans, la vieillesse n’est pas une décadence, mais au contraire un «chemin vers le haut», s’enthousiasme Sœur Anne-Véronique Rossi, Supérieure générale du couvent de Fribourg. Les Sœurs ursulines sont ainsi «vivantes jusqu’à la fin de leur vie».
Un point que confirme à cath.ch Sœur Lucienne, âgée de 82 ans, qui a tenu à assister à la conférence de presse du 5 octobre présentant l’exposition. La Fribourgeoise a passé plus de 50 ans au Tchad. Au service des plus pauvres et de l’Evangile, elle a vécu les transformations immenses traversées par le continent africain durant la seconde moitié du 20e siècle. Explosion du sida, islamisation, arrivée de la modernité: elle est consciente d’être une «mémoire vivante» pour les générations futures. D’autres ursulines âgées, dans d’autres régions du monde, ont été les témoins de tels bouleversements. «Dans un monde en crise d’identité et de valeurs constructives, ces Sœurs ont un message à nous transmettre, une expérience à partager», renchérit Sœur Anne-Véronique.
Au travers des témoignages, les ursulines font part de leur chemin de vie, de leurs joies, de leurs combats, de leur façon d’approcher la souffrance, la maladie et la mort. «Elles ont accepté de témoigner afin de rendre compte de l’espérance qui les habite et leur permet de trouver paix et sérénité au soir de leur vie», précise la Supérieure générale.
Elle explique que l’une des sources d’inspiration de la manifestation lui est venue du pape François. Ce dernier avait parlé, en octobre 2013, des maisons de retraite pour prêtres et religieuses comme de «sanctuaires de sainteté et de mission». Le dessein de l’exposition est ainsi également de réaffirmer le rôle essentiel du grand âge et de l’expérience spirituelle dans une société aveuglée par le productivisme.
Les Sœurs de Ste-Ursule d’Anne de Xainctonge sont aujourd’hui environ 430, réparties sur quatre continents. Depuis 1965, les sept branches appelées «Maisons» sont réunies dans une Fédération. En Suisse, elles se trouvent à Porrentruy, Fribourg, Brig et Sion.
La sagesse sur carte postale
Il s’agit de la cinquième exposition thématique temporaire présentée par l’Institut Ste-Ursule, dans le cadre de la publication de ses archives.
Les témoignages des Sœurs aînées, présentés sous forme de petits textes, sont à retrouver dans une brochure éditée pour l’occasion. Un coin accueil et documentation, muni notamment d’une tablette électronique, permet d’en savoir plus sur les résidentes de l’Institut.
Un film, tourné dans le cadre de l’exposition, propose également les témoignages de personnes laïques travaillant dans l’Institut. Elles font part de l’enrichissement personnel au contact de ces femmes qui souvent les surprennent et les interrogent.
L’exposition propose en outre, dans une démarche originale, d’envoyer à un proche des cartes postales, mises à disposition, sur lesquelles sont inscrits des extraits de témoignages des religieuses.
L’exposition est ouverte au public tous les derniers samedis du mois, du 9 octobre 2016 au 24 juin 2017, de 14 h à 17h. Le vernissage aura lieu le 9 octobre à 15h. La manifestation fait également partie de l’offre de la Nuit des Musées de Fribourg, dont la prochaine édition aura lieu le 20 mai 2017.
Une histoire mouvementée
Arrivées à Porrentruy en 1619 à la demande du prince-évêque de Bâle, Guillaume Rinck de Baldenstein, les Sœurs de Sainte-Ursule doivent bientôt affronter la Guerre de Trente ans. Aussi, en mars 1634, la communauté se disperse et une douzaine de religieuses partent pour Fribourg, où une fondation était demandée depuis plusieurs années par des personnes proches des jésuites établis au Collège Saint-Michel.
Après avoir séjourné quelque temps à la Rue de Morat, elles s’installent, en 1638, dans une maison située près de la porte du Jaquemart, appelée la Cigogne. Elles commencent immédiatement à ouvrir des classes et à accueillir des jeunes filles fribourgeoises désireuses d’entrer dans la Compagnie de Sainte-Ursule.
Reçues officiellement par les autorités d’abord en 1646, puis en 1677, les Sœurs agrandissent leurs bâtiments, et la nouvelle église est consacrée en 1655 par Monseigneur Knab, prévôt de Lucerne et évêque de Lausanne, qui manifeste alors son souhait de voir des ursulines s’installer à Lucerne. Le désir de l’évêque est exaucé en 1659 et cinq Sœurs fondent la communauté de Lucerne qui connaîtra un grand rayonnement (ouverture notamment de communautés à Baden, à Fribourg en Brisgau en 1696) jusqu’à sa fin brutale en 1847, suite à la guerre du Sonderbund. En 1661, c’est à Brig, en Valais, que les Sœurs vont fonder une nouvelle communauté.
Un enseignement réputé
A Fribourg, la réputation de l’école Sainte-Ursule s’accroît rapidement et les effectifs atteignent bientôt plusieurs centaines d’élèves, réparties entre les pensionnaires, les élèves de l’externat populaire et les servantes qui bénéficient d’une instruction spéciale le dimanche. Les femmes adultes, quant à elles, ont la possibilité de recevoir des cours particuliers, de faire une retraite annuelle ou de devenir membres de la congrégation mariale.
En 1798, les troupes françaises de la Révolution réquisitionnent le couvent Sainte-Ursule et les sœurs reçoivent l’hospitalité des cisterciennes de la Maigrauge, sise en Basse-Ville. Elles assistent au pillage et à l’incendie de leur maison et ce n’est qu’en 1804 que les lieux leur seront restitués, sur décision du Grand Conseil. Le couvent est transformé, réparé, grâce à l’aide du canton et de l’Eglise. Les classes rouvrent bientôt, les vocations affluent.
Le Sonderbund apporte son lot de misères et, en 1848, l’Etat s’empare de tout ce qui appartient aux Sœurs, disperse élèves et novices, et n’accorde aux 44 ursulines qu’une subvention de subsistance. Il faut attendre jusqu’en 1859 pour que l’école et le noviciat puissent rouvrir. De nouvelles communautés voient le jour dans la campagne fribourgeoise, par exemple à Charmey en 1867 et à Orsonnens en 1868.
Renforts du Tchad
Au début du 20e siècle, le nombre de Sœurs connaît une grande croissance et de nombreux pensionnats et écoles sont ouverts: école supérieure de commerce, école normale, école agricole, école de nurses, école de langues etc.
En 1947, la Maison de Porrentruy se trouve dans une situation difficile, elle cherche à s’unir à une autre communauté et c’est vers Fribourg qu’elle se tourne. Elle devient ainsi une filiale de Fribourg.
Dans la deuxième partie du 20e siècle, la communauté abandonne plusieurs écoles, faute de Sœurs, et la moyenne d’âge ne cesse de monter. Plusieurs secteurs du bâtiment de Ste-Ursule sont réaffectés: création du Centre spirituel Sainte-Ursule dans les locaux de l’Ecole Ste-Ursule qui déménage dans le bâtiment de Ste-Agnès, vente d’une partie du bâtiment à la Fondation Hänggi.
Au début des années 1960, dans la mouvance du Concile Vatican II, plusieurs religieuses partent pour la Guinée où elles resteront quelques années avant d’être chassées par le régime en place. En 1969, une nouvelle communauté s’installe au Tchad et travaille dans le développement, l’éducation et la formation d’adultes. En 2009, les premières Tchadiennes sont accueillies dans la communauté. Elles commencent leur formation à la vie religieuse dans leur pays et la poursuivent en République démocratique du Congo, dans la communauté des Sœurs de la Maison de Tours.
En 2013, la Maison Sainte-Ursule de Fribourg compte une cinquantaine de religieuses, réparties en plusieurs communautés dans les cantons de Fribourg et Genève, ainsi qu’au Tchad. Quelques sœurs collaborent avec celles de la Maison de Tours en France et en République démocratique du Congo. (cath.ch-apic/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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