Au terme de votre mission d’étude, qu’est-ce qui vous a le plus marqué lors de vos rencontres avec les responsables de la Curie?
Rome est une des seules villes où l’on sent le monde, alors que nous avons tendance à analyser les problèmes avec un regard franco-français. Or bien souvent les débats sont mondiaux. Sur l’islam par exemple, nous avançons pour seule réponse la laïcité, mais la laïcité, qui n’est pas un athéisme d’Etat, est en réalité un concept chrétien. Peut-il être appliqué à l’islam? De la même manière, nous osons peu parler de l’islam directement, alors nous englobons le problème sous le vocable ›des religions’. A mon sens, c’est manquer de courage.
Nous avons aussi rencontré le cardinal Peter Turkson, président du Conseil pontifical Justice et paix (et futur préfet du ›super-dicastère’ sur le développement humain intégral). Il nous a redit le souhait du Vatican que l’Europe soit plus accueillante. Mais il a aussi exprimé la nécessité de tarir l’émigration, pour que les pays de départ gardent leurs jeunes. C’est une vision très large et réaliste sur cette question sensible.
Avez-vous pu mesurer le poids de la diplomatie vaticane?
De manière générale, le Saint-Siège est un Etat qui pèse dans la diplomatie internationale. C’est une action discrète, mais efficace. Et qui correspond à des standards extrêmement actuels. Par exemple, la force des réseaux. Le réseau d’informations de l’Eglise est sans doute le plus affûté au monde! C’est aussi une institution et une hiérarchie qui perdure quand toutes les hiérarchies s’effondrent. Je suis ainsi convaincu que le poids relatif de l’Eglise est aujourd’hui plus important qu’hier.
«Il existe des sujets sur lesquels le dialogue est impossible, comme la conversion de musulmans à la foi catholique»
Sur la question très actuelle de l’islam, quelle a été la teneur de vos échanges au Vatican?
Nous avons rencontré le cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, qui nous a semblé tout sauf irénique. Pour lui, l’islam est conquête par nature, et si le dialogue est nécessaire, il y faut une «patience géologique2, nous a-t-il affirmé. Il existe pour le cardinal quatre types de dialogue: celui de la vie, des œuvres, le dialogue théologique et enfin celui sur le plan spirituel. A partir du second, les choses se compliquent, même s’il y a selon lui une entente possible sur des valeurs, pour cohabiter. Mais il existe aussi des sujets sur lesquels le dialogue est impossible, comme la conversion de musulmans à la foi catholique.
Quels ont été vos contacts avec le pape François?
Nous l’avons surtout vu après l’audience générale sur la place Saint-Pierre, lorsqu’il est venu nous saluer, parmi d’autres. C’était donc bref, mais intense et peu formel. L’Eglise a cette capacité d’identifier des personnalités d’exception, j’ai pu encore le vérifier avec ce pontife. Il a le sens de la formule et s’il déstabilise, c’est pour que nous ne restions pas «au balcon», comme il l’a dit aux jeunes de JMJ. C’est l’anti-principe de précaution!
De manière plus générale, les relations entre la France et le Saint-Siège, nous a dit l’ambassadeur de France près le Saint-Siège, ont été réchauffées depuis le drame du Père Hamel et les menaces terroristes sur la France.
Nous avons aussi pu constater, avec regret, que le français est moins présent à la Curie: une génération de hauts prélats s’en va, les prêtres français ne se bousculent pas à l’Académie des nonces. Mais j’ai été un peu rassuré en voyant que le français restait la deuxième langue citée après l’italien lors de l’audience générale.
Quant au prochain voyage du pape François en France, il a semblé nous le confirmer en disant qu’il était «désireux de venir». Mais quant à la date, le pape François est imprévisible. (cath.ch/imedia/ap/gr)
Grégory Roth
Portail catholique suisse
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