«Cette école de méditation propose une voie spirituelle qui mène à la découverte de zazen (méditation en position assise), pilier du bouddhisme zen. Elle s’adresse à tout le monde, croyant ou non-croyant, et n’est soumise à aucune condition d’admission», explique Yves Saillen, rencontré au Centre Saint-François de Delémont à l’occasion d’une réunion autour de Via integralis. Né en 1954, le Vaudois aux racines valaisannes anime, en qualité d’enseignant, des sessions de méditation zen chrétienne en terres romandes et à Annecy, à l’est de la France. Celui qui se dit à la fois catholique et bouddhiste pratique ce type de spiritualité depuis 30 ans.
Fondée en 2006 par Sœur Pia Gyger et le Père jésuite Niklaus Brantschen il a ouvert un zendo au centre de formation Lassalle-Haus à Edlibach, dans le canton de Zoug la Via integralis ne dissout pas mystique chrétienne et bouddhisme zen dans un syncrétisme bricolé à la hâte. «Nous sommes dans une relation nouvelle, inédite, qui suppose le respect des deux traditions, une fertilisation mutuelle, de telle sorte qu’elles se trouvent sur un pied d’égalité. La Via integralis évolue davantage dans le registre de l’intégration que de l’adaptation ou de la synthèse. De la sorte, elle permet aux méditants de redécouvrir, pour ceux qui ne sont pas athées, le christianisme, de le vivifier. Par cette ouverture, les participants élargissent leur horizon en enrichissant leur identité à tous les niveaux, personnel et spirituel», explique Yves Saillen.
Le juriste de formation, qui a reçu l’autorisation d’enseigner du Père Niklaus Brantschen, voit dans la théologie négative un point de conjonction essentiel entre zen et christianisme. «La culture zen est pragmatique. Elle insiste sur l’importance de la pratique, de l’exercice spirituel. Et son enseignement procède par négation, en définissant ce qui n’est pas. Cette démarche s’apparente à celle de la via negativa propre à la mystique rhénane des 13e et 14e siècles, qui soutient que l’homme ne peut pas savoir ce que Dieu est, seulement ce qu’il n’est pas», argumente le Vaudois. Qui poursuit: «Or, en prenant conscience de notre non-savoir face à la déité, face à l’indicible, on finit par s’ouvrir. En ce sens, la pratique de la méditation zen est à la fois simple et radicale. Il n’y a pas d’objet. On se concentre sur le non-savoir. Dieu est présent, mais on ne le cherche pas.»
L’humilité, le détachement, l’importance du silence, de l’immobilité, où l’on apprend à se retrouver face à soi-même, à se connaître, rapprochent également les deux traditions. «Celles-ci divergent toutefois sur Dieu. Le bouddhisme n’en connaît pas, alors que le christianisme pose une relation personnelle avec le Créateur», commente Yves Saillen.
Et qu’en est-il des participants aux sessions de Via integralis? «On peut vouloir méditer pour se faire du bien, pour des raisons de santé, pour nourrir sa vie religieuse ou pour vivre l’expérience de l’essence de toute chose, de Dieu», analyse l’enseignant. Et d’ajouter: «Mais il n’est pas rare que les participants ne savent pas eux-mêmes ce qui les pousse à franchir le pas. Ils se sentent attirés ou ils ont tout simplement entendu parler de Via integralis. Ils viennent également pour se retrouver, pour retrouver la paix dans notre société agitée, pour vivre quelque chose de plus profond. Certains se sentent en désaccord, voire en rupture avec la tradition chrétienne.»
Après avoir échafaudé cette série d’hypothèses, Yves Saillen livre son interprétation du succès de Via integralis, plus largement du bouddhisme en Occident: «Ce phénomène s’exprime selon moi par le besoin profond de trouver un point d’ancrage face à la complexité croissante du monde, de contrebalancer une perte d’orientation. Les participants souhaitent également faire l’expérience de l’Absolu dans la mesure où l’enseignement oral ne suffit plus.» (cath.ch-apic/eda/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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