Avant l’échange entre les deux hommes et alors qu’en principe le contenu de leur discussion restera privé, la presse française catholique et profane discourt sur le changement d’attitude du président face à l’Eglise catholique. Après une période de relations plutôt froides entre Rome et sa fille aînée, le climat semble avoir changé. L’assassinat barbare du prêtre Jacques Hamel au cours de la messe par un jeune djihadiste le 26 juillet a choqué bien au-delà des cercles de l’Eglise. Le jour de l’attaque, François Hollande a téléphoné au pape pour lui faire part du «chagrin du peuple français après cet odieux assassinat», ajoutant que «lorsqu’un prêtre est attaqué, c’est toute la France qui est meurtrie».
Bernard Lecomte, spécialiste du Vatican a expliqué à Famille Chrétienne que «les objectifs recherchés par les deux hommes sont très différents», François Hollande se plaçant d’abord dans une logique électoraliste. «Le chef de l’Etat a été sensible, surpris, impressionné même par l’extraordinaire réaction de l’Eglise de France suite aux événements tragiques survenus à Saint-Etienne-du-Rouvray. Comme c’est un politique, il a compris qu’il ne pouvait ignorer ce qu’il pense être le «vote catholique» et a donc demandé au pape une audience». De son côté, le souverain pontife a accepté car, «traditionnellement, le principe veut que les papes reçoivent tous les dirigeants qui leur en font la demande»
«François Hollande y va pour les photos, pour montrer que les catholiques peuvent compter sur lui. Il était temps ! (…)Car depuis le début du quinquennat, le climat de la laïcité en France tient plutôt à l’ironie et au mépris à l’égard des catholiques de France. Mais ils ne sont pas dupes».
Guillaume Goubert, directeur du journal La Croix estime que cette visite est «un geste de reconnaissance» du chef de l’Etat «pour l’attitude des catholiques au moment de l’assassinat du père Hamel». Selon lui Hollande a été «impressionné» de la «hauteur des réactions des fidèles, des prêtres, du pape» après l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray. Les catholiques ont montré «une volonté de résister à la haine et à l’esprit de vengeance». François Hollande aurait depuis «pris conscience du rôle que peut jouer l’église catholique en tant qu’institution dans ces temps troublés».
Comme le confiait François Hollande à des journalistes de la presse catholique, certains ont pu croire, dans l’histoire de France, que l’émancipation viendrait de la fin des religions, rapporte de son côté Isabelle de Gaumyn, rédactrice en chef adjointe de La Croix. On voit bien tout au contraire ce qu’elles peuvent apporter dans le lien social d’une société. «La République laïque ne signifie pas la République païenne», a admis le président.
«À condition qu’on laisse les religions remplir ce rôle. Cette vitalité, justement, ne s’est pas réalisée, si j’ose dire, par l’opération du Saint-Esprit ! Mais elle est dû à un travail patient, depuis des années, sur le terrain, d’éducation, de transmission, par un réseau de croyants, qui agissent auprès des exclus, des jeunes, des gens en difficultés, et aussi pour le dialogue avec les autres religions, grâce à l’existence d’associations et d’institutions, et d’un travail de réflexion théologique. Une présence dans l’espace public, que les hommes politiques ont si vite tendance à contester aux religions. Une fois passée l’émotion de saint Etienne-du Rouvray, on espère que François Hollande, et avec lui toute la classe politique, retiendra la leçon.»
On efface tout et on recommence, commente Le Point. La visite privée que rend François Hollande au pape François sera l’occasion d’ouvrir un nouveau chapitre entre la France et le Vatican. Car il n’est un secret pour personne que, lors de leur précédente rencontre, le 24 janvier 2014, le courant n’était pas passé entre les deux François.
François Hollande était arrivé à Rome en plein débat sur le mariage pour tous, En outre, le président faisait alors les titres de la presse du cœur pour sa relation adultérine avec Julie Gayet. Loin d’arrondir les angles, François Hollande avait fait de sa visite un manifeste de la laïcité. Il avait ainsi dérogé aux habitudes protocolaires en refusant de passer par l’église Saint-Louis-des-Français afin d’y rencontrer la communauté catholique nationale. Et les relations entre Paris et Rome s’étaient ultérieurement envenimées avec l’affaire de l’ambassadeur auprès du Saint-Siège Laurent Stefanini. Ce dernier, qui assume sans ostentation son homosexualité, avait été nommé sans consultation préalable de Rome.
«Si les motivations profondes du président restent inconnues, ce voyage nous donne l’occasion de nous rappeler que pour nous, catholiques, il est un frère baptisé», relève le père Guillaume Petit sur le site Aleteia . «Le président de la République a été baptisé à Rouen, dans la cathédrale même où ont eu lieu les obsèques du Père Jacques. Ayant reçu une éducation catholique, il se dit non-croyant et non-pratiquant et expliquait à La Vie, en décembre 2011, s’être «forgé sa propre philosophie de la vie». Et si… Et si la grâce divine était en train de se frayer un chemin dans son cœur ?» (cath.ch-apic/mp)
Maurice Page
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