Dans les rues de Cracovie, les 42 jeunes du Jura Pastoral sont joyeux, enthousiastes. Très soudés aussi. Pour plusieurs raisons, à commencer par le chemin parcouru pour gagner la capitale mondiale de la jeunesse. Durant deux jours, le groupe s’est confronté à la sombre réalité d’Auschwitz (Oswiecim), proche de Cracovie. «Nous avons fait mémoire des personnes décédées dans ce camp de concentration, explique Noël Pedreira, accompagnateur responsable. Nous avons mentionné le nom de certaines d’entre elles et nous avons prié ensemble». Pour l’agent pastoral, cette étape est une préparation aux JMJ. «Une occasion de découvrir la miséricorde par son contraire».
La démarche était d’autant plus intense que l’arrière-grand-père de Salomée, une fille du groupe, est mort dans ce camp de la mort. «On ne sait pas exactement comment, on suppose qu’il est décédé lors d’une marche forcée, explique-t-elle. Il était Français. On l’a arrêté dans une réunion de résistants». Salomée tenait à ce rendez-vous avec les pages sombres de son histoire familiale. «Depuis toujours, je voulais voir le concret de ces lieux. Nous en parlons beaucoup en famille». Trois générations plus tard, le souvenir est encore vif, tout comme la conscience de l’héritage spirituel légué par son aïeul. «Il s’est engagé pour ses convictions au prix de sa vie. A ma mesure, et dans un contexte bien différent, j’ai aussi envie de me battre pour faire changer les choses».
Sur la route de Cracovie, l’intensité de ces moments a uni le groupe, malgré les différences entre ses membres. «Certains sont très engagés en Eglise, explique Noël Pedreira, d’autres se posent beaucoup de questions».
C’est le cas de Luana, 25 ans. La foi de cette assistante sociale de Tavannes est récente. Elle date d’une rencontre avec un évêque italien, l’été dernier. «Je passais par de grandes difficulté et Dieu a fait irruption dans ma vie». Elle a choisi de se rapprocher de «son Eglise», bien qu’elle ne comprenne pas toujours le sens de ses pratiques. «Je trouve parfois qu’elle manque de spontanéité. Je me demande pourquoi on doit tous répéter les mêmes formules, les mêmes gestes». La liturgie reste une énigme pour elle. «J’espère que je rentrerai de ces JMJ avec des réponses à mes questions, mais je n’ose pas vraiment les poser. Je crains qu’elles ne soient trop simplistes. Et je ne voudrais pas choquer les gens qui m’entourent avec toutes mes interrogations».
Roberto de Moutier fait au contraire partie des plus convaincus. «J’ai un niveau de foi élevé, glisse-t-il d’un trait. Il y a quelques années, j’ai participé à Prier Témoigner, un festival catholique à Fribourg. Depuis m’a foi n’a cessé de grandir, explique ce microtechnicien de 21 ans. J’ai envie d’en faire quelque chose». Un engagement religieux? «J’y ai pensé, j’en ai même parlé à des responsables d’Eglise, mais je n’ai pas été vraiment convaincu».
Derrière l’unité de ce groupe disparate, il y a aussi Mélanie. Noël Pedreira conserve soigneusement une photo de cette jeune fille dans son sac à dos. Elle devait participer aux JMJ avec le Jura Pastoral, malgré un lourd handicap. Mais elle est décédée au début du mois de juin, après trois semaines d’hospitalisation. Le groupe avait tout préparé pour vivre l’aventure polonaise avec elle. «Elle est là, avec nous, confie Noël Pedreira. Je ressens quelque chose de l’ordre de la communion des saints. Mélanie avait une foi profonde. Elle a réellement été touchée par la grâce, malgré ses souffrances. La confiance en Jésus dont parle sainte Faustine se manifestait en elle».
A y regarder de plus près, il n’y a donc pas seulement 42 jeunes du Jura Pastoral qui arpentent les rues de Cracovie avec la jeunesse du monde entier, mais 43. Avec Mélanie, qui marche à leurs côtés.
Le pèlerinage du Jura Pastoral
Le Jura pastoral a organisé son propre voyage, en partie à cause de la situation de Mélanie. Le groupe est partis le 20 juillet vers Prague, puis Auschwitz avant de rejoindre la périphérie de Cracovie. Avec 600 autres pèlerins de différentes nationalités – Espagnols, Italiens, Kosovars – ils logent à Gnojnik, à 60 kilomètres de Cracovie. Dix responsables accompagnent la quarantaine de pèlerins. (cath.ch-apic/pp)
Pierre Pistoletti
Portail catholique suisse
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