Fabrice Hadjadj rappelle, le 27 juillet sur les ondes de la radio suisse romande RTS, que même si c’est la première attaque islamiste dans un lieu de culte en Europe, dans d’autres parties du monde, des chrétiens, y compris des ecclésiastiques, sont régulièrement pris pour cibles. C’est donc, pour les Européens, une prise de conscience de ce qui se passe ailleurs. Pour le philosophe, l’assassinat de l’abbé Jacques Hamel représente une forme de «sainteté ordinaire» du prêtre. Tout en restant une horreur, l’acte constitue également un «témoignage désarmé jusqu’au bout». Avec ce martyre, quelque chose d’exemplaire a été donné à la France, affirme-t-il.
L’écrivain note que le meurtre a été perpétré par des jeunes, au moment même de l’ouverture des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), à Cracovie. Cela renvoie à la question de fond: «Qu’avons-nous à offrir à la jeunesse, au-delà du consumérisme vide de sens?» Les jeunes, au sein de ce «relativisme» ambiant peuvent ainsi se ruer dans une forme de décompensation qui se matérialise en fanatisme.
«Les musulmans ont le désir de vérité»
Le directeur de Philanthropos souligne que Daech est souvent associé à l’obscurantisme moyenâgeux, alors que c’est un mouvement réellement post-moderne. Les jeunes meurtriers du prêtre ont filmé leur acte et se sont probablement inspirés des vidéos vues sur les réseaux sociaux. Pour le philosophe, nous sommes dans une énergie «totalement pulsionnelle, déviée», où on ne réfléchit plus, où on n’est plus dans la patience du dialogue avec celui qui est différent.
Fabrice Hadjadj répéte que «nous sommes dans une période de vide», où aucune idéologie politique ne parvient plus à réellement mobiliser.
S’ajoute à cela, particulièrement en France, un phénomène «d’auto-flagellation», notamment à propos du passé colonial du pays, note le philosophe. Même si la République a raison d’avoir honte de cette période, l’intellectuel catholique regrette qu’on soit arrivé à un point où il n’y ait même plus de fierté par rapport à un héritage. Fabrice Hadjadj souligne ainsi une lecture de l’histoire erronée. La vision qui prévaut encore aujourd’hui selon laquelle les religions doivent aller dans «les poubelles de l’histoire» est fausse, remarque-t-il. Pour lui, la France doit retrouver une histoire particulière. Elle doit cesser d’être une «coquille vide», notamment en incarnant une «laïcité positive», qui est un héritage de la théologie chrétienne. Aujourd’hui en France, le «fanatisme laïc» n’attire plus aucun jeune. Les valeurs seules, sans fondements, ne peuvent pas fonctionner.
Fabrice Hadjadj rappelle que l’on ne doit pas mettre les religions dans le même panier, soulignant les différences entre l’islam et le christianisme, notamment en ce qui concerne la violence. Il appelle à un dialogue «viril» et pas «bisounours» avec les musulmans, qui ont le «désir de la vérité». Il relève qu’en France, on est souvent «islamophile» parce qu’on a en fait peur des musulmans. Dans le monde arabe, plus on apparaît fort, plus on est respecté, note-t-il. Pour le philosophe, il s’agit ainsi pour les chrétiens de gagner ce respect en discutant avec les musulmans en se plaçant «dans une bonté ferme et exigeante». (cath.ch-apic/rts/rz)
Raphaël Zbinden
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